L'approche des fêtes de fin d'année, c'est les repas de famille en ligne de mire. Avec le risque d'aborder religion, politique et autres sujets qui peuvent fâcher entre cognats, les langues parfois bien déligotées par le mousseux. Petits conseils pour des clashs argumentés si les acronymes PMA, GPA ou encore même "PD" pointent le bout de leur nez avant la distribution des digestifs…
*Fonctionne aussi contre un oncle réac, une tata réac, un frère réac, une grand-mère réac, etc.
“Deux papas ou deux mamans, c’est pas normal”
Depuis 2013, date d’adoption de la loi Taubira sur le mariage et l’adoption pour tous, il est reconnu qu'un enfant peut avoir deux mamans ou deux papas. Cet argument ressort depuis régulièrement, et récemment depuis que l'on parle à nouveau d'autoriser a procréation médicalement assistée à toutes les femmes. Mais cela a été tranché il y a 4 ans ! Ce n'est certes pas la majorité, mais il n'y a rien d'anormal selon la loi française.
“Deux papas ou deux mamans, c’est contre-nature”
En avril 2013, plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel pour empêcher cette loi. Or la plus haute juridiction française les a déboutés, écrivant noir sur blanc “qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose (...) que les liens de parenté établis par la filiation adoptive [qu'elle soit simple ou plénière, ndlr] imitent ceux de la filiation biologique.” En d'autres termes, non, la filiation n'a pas à "mimer" la "nature".
Plus récemment, le Professeur Moustache sur Arte (dans la pastille “Tu mourras moins bête”) a bien démontré que l’homoparentalité n’a rien de “contre-nature” dans son sens stricte : des comportements homosexuels ont été observés chez plus de 1 500 espèces.
C’est un modèle de couple/famille récurrent dans le monde animal et qui participe même à la survie de certaines espèces. Par exemple chez les termites, former des couples homos diminue les risques de prédations, permet de se nettoyer… À Hawaï, les albatros de Laysan compensent le manque de mâles en formant des couples lesbiens pour couver leurs œufs. Et cetera. D’ailleurs, Jonathan, la tortue centenaire de Saint-Hélène pourrait bien forniquer avec une tortue mâle depuis les années 90. Ça ne l’empêche pas d’être sans doute l’une des plus vieilles bêtes sur terre. Certes nous ne sommes pas des termites ni des albatros, mais justement ! À méditer.
“Avec la PMA pour toutes, on parle quand même de jouer avec la science…”
“Dans quel trou obscur et reculé du globe vous terriez-vous pendant 35 ans ?”, interrogeait en septembre le médecin et romancier Baptiste Beaulieu, lui-même né en 1985 d’une PMA. Cette possibilité technique de procréation est en effet légale depuis 50 ans pour les couples hétérosexuels infertiles, même avec tiers donneur. “Bande de tartuffes”, disait il en s'adressant aux opposants à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes.
Ouvrir cette technique à toutes les femmes, c'est juste sécuriser quelque chose qui a toujours existé, rappelait Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues-obstétriciens au micro de France Inter - lorsque Ludovine de la Rochère subissait une démolition dans les règles de ses argu-mensonges dans l’émission Le téléphone sonne - et qui, de plus, est légal en Espagne et en Belgique...
On irait presque à croire que les craintes de Gérard Collomb de devenir tous cousins ou d’Eric Zemmour de voir “les pauvres payer les caprices des riches” seraient motivées par de mauvais relents lesbophobes… Une tribune à (re)lire absolument ici.
“Ouvrir la PMA, c’est la porte-ouverte à la GPA !”
“Ce raisonnement est complètement vicié”, tranchait théâtralement Irène Théry dans la même émission radio, “car la GPA est interdite en France à tout le monde. On demande l’égalité quand quelque chose est disponible à certains couples et pas à d’autres. C’est un faux argument.” Bien que la Manif pour tous ait vissé les deux anagrammes pour mieux polluer le débat, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes “est une revendication féministe avant d’être LGBT”, soulève d'ailleurs Marianne, car elle “validerait avant tout la liberté des femmes à disposer de leur utérus.”
La gestation pour autrui, d’abord imaginée pour les couples hétéros souffrant d’une infertilité utérine définitive, inquiète parfois quant au risque d’inféodation des femmes et de marchandisation de leurs corps. Mais elle nécessite un débat général, détaché de la PMA pour toutes.
D’ailleurs, ceux qui brandissent l'argument de la marchandisation sont-ils aussi engagés contre la prostitution ? Hmm... Cohérence ?
“Il faut respecter la filiation…”
Se rapporter au contre-argument n°1 : ça fait bientôt cinq ans que le fait d'avoir deux papas ou deux mamans est reconnue comme filiation légale; mêmes les Sages du Conseil constitutionnel l’ont reconnu.
Et pour ce qui est de connaître ses géniteurs, la question se pose exactement de la même manière - et donc depuis 50 ans - lorsqu’un couple hétérosexuel infertile a recours à la PMA et passe par un don de gamète (ovule ou spermatozoïde), lequel est soumis en France à l’anonymat. Idem en cas d’adoption.
Certains pays garantissent l'accès aux origines (adoption ou PMA) : il revient souvent au parent biologique de choisir s’il accepte ou non de fournir ses coordonnées, au cas où l’enfant veuille un jour le contacter.
“Un enfant a besoin d’un père et d’une mère”
En France, 50% des enfants en France vivent dans des familles monoparentales, rappelait encore Israël Nisand sur France Inter. Est-ce qu’on vient faire la leçon aux mères et aux pères célibataires ? Non. Parce que les modèles sont partout, dans la fratrie, l’entourage, à l’école, etc.
D'ailleurs, les enfants ont absolument besoin de référents masculins et féminins pour devenir des adultes épanouis ? C'est un autre débat...
“Un enfant élevé par deux papas ou deux mamans n’est pas heureux”
Outre la prétention de vouloir s’exprimer pour les autres, ce type de phrase toute faite ne trouve aucune résonance dans les études scientifiques qui ont été menées. Les familles homoparentales existent depuis toujours, on a donc assez de recul pour interroger leurs enfants. Et oh surprise ! Les homoparents sont d’aussi bons parents, les enfants de familles homoparentales sont aussi heureux que leurs petits camarades . Et possiblement moins engoncés dans les fantasmes réac’ et hétéro-centrés de leurs parents…
D’après une récente étude de l’appli de rencontre gay Chappy, 47% des 519 hommes gays interrogés subissent ainsi l’homophobie d’un parent direct lorsqu’ils se rendent à des repas de famille.
“Avec la "théorie du genre", les enfants vont être perdus”
Ce qui bouleverse un enfant, ce n’est pas d’apprendre qu’un petit garçon peut jouer aux voitures ET à la poupée, ou une petite fille bricoler ET s'habiller en princesse. Ce n’est pas d’appréhender le genre (ni d’ailleurs la sexualité) comme un spectre qui est néfaste, mais les discours crispés et sclérosants des adultes, leurs attentes et leurs commentaires sur l’attitude des enfants qui sont souvent bien plus libres qu'eux... Les stéréotypes de genre n’ont rien de naturels, ils ont été construits depuis des décennies par les sociétés - souvent destinées à stigmatiser le féminin. Et pour ceux qui voudraient sortir leurs saintes écritures pour marteler que les rôles distincts des femmes et des hommes sont le ciment de l’humanité, même l’Église d’Angleterre a publiquement défendu l’importance de laisser les enfants explorer leur identité, car “l’enfance est un espace sacré en ce qui concerne l’auto-imagination créative”.
“La sexualité de chacun, on s’en fout”
Dans les mots, c’est très beau. Dans la réalité, être homo c’est être la cible d’insultes, parfois de violence physique et même de peines de justice; dans 13 pays du monde, c'est l’exécution par le pouvoir en place. Le droit à l’indifférence est encore largement le privilège de l’hétérosexualité. Les Marches des fiertés, les manifestations, les coming out publics servent autant à visibiliser les différences et les sujets de lutte, à constituer un levier politique pour plus d'égalité et à dégonder la présomption d’hétérosexualité (laquelle est de penser que chacun est par défaut hétéro jusqu’à preuve du contraire), qu’à apporter des modèles aux plus jeunes. Former une communauté permet d'offrir un refuge bienveillant à tou·te·s. C’est enfin mettre les mots sur une culture que l’État et la religion ont cherché à mettre au placard pendant des siècles. Et puis l’orientation sexuelle ce n’est pas que la vie sexuelle, c’est aussi la vie affective, la vie sociale, la vie familiale, bref, le loisir de raconter son week-end avec sa moitié (ou ses prises de becs) à ses collègues autour de la machine à café, à ses camarades de classe, à sa famille autour d'un repas de fête.
Simple, basique
Maintenant que les arguments les plus communs, et les plus écrémés sur le plateaux télés, ont été décapités, quelques rappels de base :
L’homophobie ou la transphobie, ce n’est pas une opinion. C’est un délit, au même titre que le racisme, l’antisémitisme, l’handiphobie, etc. Dire de quelqu’un qu’il est “pédé” ne relève pas de la liberté d’expression, c'est une injure homophobe, qui alimente en plus l'inique amalgame entre homosexualité et pédophilie. Refuser l’égalité des droits ou des services en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, c’est aussi de l’homophobie. Et s’il est encore nécessaire de paraphraser Louis-George Tin pour que ça rentre : ce n’est pas l’homosexuel le problème, c’est l’homophobe. Et il ne se trouve pas que dans les rangs des hétéros.
Lire aussi : TÊTU | "Homophobie intégrée" : Pourquoi les gays parfois sont homophobes ?
Depuis 2013, les couples homosexuels et hétérosexuels sont en droit égaux devant le mariage et - sur le papier - l’adoption. Il n’est donc même plus de justification légale - si tenté qu’il en fallait une pour avaliser les discours homophobes - de hiérarchiser les modèles de couples ou de familles. En fait, si vous trouver encore quelque chose à redire contre les homos, ce sont vos névroses qui parlent !
BONUS - Comment conclure un débat sur la transidentité en 30 secondes :
Un débat sur la transidentité en 30 secondes à peine ? C'est possible. #Groland pic.twitter.com/7ftownHmAx
— CANAL+ (@canalplus) 10 décembre 2017
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Couverture : extrait de la série irlandaise Fair City