Les 13, 14 et 15 juillet prochain, Paris accueille la troisième édition de la Paris Black Pride. Johan Amaranthe, son président, est revenu pour TÊTU sur la nécessité d'un événement afro-LGBT.
Pourquoi c'est important une Black Pride ?
C’est important parce que nous avons besoin de visibilité. Nous sommes engagés dans les combats contre les LGBTphobies, mais nous avons aussi nos propres expériences, marquées par d'autres discriminations. On croit à la convergence des luttes, mais nous voulons créer des espaces de discussion et de célébration spécifiques. Être LGBT et noir, c’est deux fois plus d’obstacles.On se bat contre l’homophobie, la xénophobie, le racisme. C'est des parcours de vie encore plus compliqués. C'est pour ça que nous l'organisons après la quinzaine des Fiertés. Nous ne pouvons pas partager l'affiche, nous avons besoin d'être vus et que nos combats ne se diluent pas dans d'autres mots d'ordres.
Vous ne vous reconnaissez pas dans la Marche des fiertés ?
Nous sommes solidaires de la Marche des fiertés, et des causes qu'elle défend, même si nous avions quelques réserves avec le mot d'ordre de cette édition. Depuis quelques années, il y a des chars de LGBT afro-descendants, ou afro-caribéens et ces chars attirent l'attention du public. C'est quelque chose de très positif. Mais nous trouvons aussi nécessaire d'apporter un autre discours, comme l'ont fait plusieurs associations en tête de cortège. Nous devons alerter l'opinion publique sur la loi "Asile et immigration", nous devons être solidaires des personnes qui fuient leur pays en raison de leur sexualité, parce qu'elles risquent leur vie si elles y restent. Il ne faut pas se contenter d'être spectateur de ces migrations qui mettent en péril les personnes LGBT.
Une étude britannique montre que plus de la moitié des personnes LGBT racisées sont confrontées au racisme dans la communauté LGBT...
La communauté LGBT n'est pas immunisée contre le racisme, contrairement à ce que certains pensent. Certaines personnes afro-LGBT ont connu leurs premières expériences de racisme au sein même de la communauté, dans des bars gays ou des associations. Il faut aussi rappeler la montée de « l'homonationalisme », ces gays qui votent FN, en réaction aux crises migratoires... C'est aussi pour cela qu'une Black Pride est nécessaire.
La culture afro-LGBT, et notamment le voguing, fait son grand retour mainstream. La présence de Kiddy Smile et de ses danseurs à l'Elysée pour la fête de la musique en est un exemple particulièrement décrié...
C'est la communauté blanche LGBT qui a trouvé ça scandaleux. Kiddy Smile est resté fidèle à ce qu'il est : un performeur avec un message politique. Lui et ses danseurs ont envoyé un signal fort aux jeunes LGBT noirs. Ça voulait dire « nous aussi, noirs, pédés, on a aussi le droit d’être à l’Elysée. C'est aussi notre maison ». La récupération politique de la présidence de la République était inévitable, mais ce n'est pas notre affaire. Les images ont circulé dans le monde entier. Ce que nous retenons, c'est la représentation.
Chaque année depuis sa création, la Black Pride rend hommage à des personnalités afro-LGBT. Qui sera à l'honneur pour cette édition ?
Cette année, nous célébrons notre communauté : les activistes de l'ombre noirs, gays, bis, lesbiennes ou trans, qui par leur travail, leur acharnement, apportent à la société et contribuent à faire changer les mentalités. Nous devons chaque jour nous battre pour faire valoir nos droits, faire deux fois mieux que tout le monde pour avoir un travail, un appart, et nous sommes tous des héros de la résilience.
Crédit photo : capture Paris Black Pride.