Aux Etats-Unis, le projet de l'administration Trump de redéfinir le genre comme étant strictement lié aux organes génitaux à la naissance fait craindre le pire aux personnes trans'. Récemment, même Caitlyn Jenner a confié regretter aujourd'hui d'avoir soutenu l'actuel président pendant sa campagne. Jay Maddock, blogueur trans' de 32 ans et militant LGBT américain, a pris la plume pour TÊTU. Il nous fait part de ses inquiétudes face à une politique qui met réellement en danger les personnes LGBT+ aux Etats-Unis.
« Récemment, une note de l’administration Trump a été divulguée. Celle-ci a révélé les projets du gouvernement de restreindre la définition des sexes féminin et masculin en se basant uniquement sur le genre inscrit à la naissance, fondé sur les organes génitaux. Cela a généré de la peur, de la tristesse et de l’indignation, car une telle mesure a pour but d’effacer les personnes trans’, intersexes, et de genre non-binaire.
C’est également problématique et discriminatoire car ce projet pourrait avoir de lourdes conséquences, pas uniquement pour les concerné.e.s, mais pour quiconque ne se retrouvant pas dans cette interprétation haineuse et très étroite de ce qu’est être une femme ou un homme aujourd’hui.
« Cette administration a peur de nous »
La vérité est que cette administration a peur. Ils ont peur de tous ceux et toutes celles qui menacent le pouvoir qu’ils ont en tant qu’hommes cisgenres "chrétiens" et hétérosexuels. Et ils voient l’égalité comme une menace pour leur pouvoir car, pour eux, ce dernier prend le dessus sur toute considération humaine. A travers leurs politiques, ils s'en sont pris aux musulmans, aux personnes de couleur, aux immigrés, aux femmes, aux lesbiennes, aux gays, aux personnes bisexuelles et pansexuelles, queer, trans’, et ainsi de suite.
"Vivre aux Etats-Unis en tant qu’homme trans’ est très effrayant."
Les personnes trans’ menacent les rôles genrés qu’ils veulent à tout prix préserver, car ceux-ci nous limitent et nous restreignent, tandis qu’ils maintiennent les hommes blancs et riches au pouvoir.
Vivre aux Etats-Unis en tant qu’homme trans’ est très effrayant. Mon accès aux soins, au marché du travail et aux lieux publics n’est déjà pas garanti dans mon État du Michigan. Cependant, il est encore plus menacé avec cette administration.
Malgré tout, en tant qu’homme trans’ blanc qui a fait sa transition, je suis moins vulnérable que les personnes LGBTQ de couleur, les musulmans et migrants LGBTQ, les femmes trans’ et toutes celles et ceux qui ont une identité minoritaire à plus d’un titre. C’est parce que j’ai ce peu de privilège en tant qu’homme blanc que j’ai choisi de poster une photo de moi pour la campagne Twitter #WontBeErased (ne sera pas effacé, ndlr).
https://twitter.com/jmaddock/status/1054077448562761729
La visibilité des personnes trans’ (qui peuvent prendre le risque d’être visibles) est importante afin que les gens sachent que nous sommes nombreuses et nombreux et puissent voir et reconnaître notre humanité.
« Aucune définition n'aurait pu m'empêcher d'être trans' »
Je ne suis jamais rentré dans les cases prédéfinies des formulaires établis par le gouvernement. Avant de faire mon coming-out transgenre, j’étais perçu par tout le monde comme un "garçon manqué". Effectivement, j’avais un aspect masculin et je m’intéressais à des choses que l’on associait typiquement aux garçons de mon âge. Mais j’étais une fille, donc j’étais supposé m’intéresser aux trucs de filles.
J’ai subi des regards menaçants de femmes quand j’allais dans des toilettes pour femmes. Parfois, elles m’interpellaient même pour me dire que j’étais au mauvais endroit. Intérieurement, je sentais que quelque chose n’allait pas, je savais que je ne ressentais pas ce que les autres filles ressentaient à propos de leur corps et de leur genre. Et le monde extérieur semblait ne pas savoir quoi faire de moi non plus. Je ne correspondais pas aux normes étroites mises en place pour maintenir les rôles genrés intacts.
Il y avait un garçon perdu à l’intérieur de moi, qui voulait sortir. A 25 ans, il a finalement fait son coming-out. J’ai enfin pu respirer et être pleinement moi-même pour la première fois. Aucune définition gouvernementale du genre n’aurait pu m’empêcher d’être trans’. Je suis né dans ce monde exactement tel que je devais être. Tout comme toutes les autres personnes transgenres et non-binaires.
« On a élargi notre façon de percevoir le genre »
Nous avons dépassé ces rôles genrés binaires et leurs exigences. Ce qu'ils impliquent, en terme de virilité notamment, a conduit à renforcer la masculinité toxique qui entretient le patriarcat et qui nuit à tout le monde. En conséquence, nous avons élargi notre façon de percevoir le genre.
De plus en plus de personnels de la santé et d’associations reconnaissent aujourd’hui que les personnes trans’ ont besoin de soins médicaux inclusifs. Et un nombre croissant de psychiatres pensent enfin qu’être transgenre n’est pas un problème de santé. De nombreux tribunaux fédéraux ont tranché en faveur de l'expansion des droits des individus trans’.
A la manière des autres mesures prévues par l’administration Trump, ce projet de définir le genre comme masculin ou féminin, et uniquement basé sur les organes génitaux à la naissance, est en contraste avec ce que recommandent les professions médicales, scientifiques et juridiques.
"Vous ne pouvez pas redéfinir mon existence pour la nier, parce que je n’ai de toute façon jamais correspondu à vos définitions."
« Vous ne pouvez pas nous effacer »
Un message à la haineuse administration Trump et tous ceux qui pensent que les personnes trans’ ne méritent pas d’avoir les mêmes droits que tout le monde : vous ne pouvez pas redéfinir mon existence pour la nier, parce que je n’ai de toute façon jamais correspondu à vos définitions.
Vous pouvez dénier mes droits, les protections de base en vertu de la loi, et un plein accès à mon humanité en abusant de votre pouvoir. Vous pouvez même faire de notre pays un endroit encore moins sûr pour moi et les autres personnes trans’ et non-binaires. Et vous pouvez continuer à sous-estimer notre capacité de résilience et notre pouvoir.
Mais vous ne pouvez pas nous effacer, car nous existons. Et nous continuerons à exister.
Aux allié.e.s cisgenres, qu’allez-vous faire pour protéger les personnes trans’ et non-binaires auxquelles vous tenez et que vous aimez ? Notre existence n’est pas en jeu, car nous avons toujours été là, en dehors des définitions étroites, mais notre humanité, notre sécurité, et nos moyens de subsistance sont menacés. Allez-vous vous battre avec nous pour nos droits, pour que nous puissions vivre sans craintes ?
« Nous existons depuis la nuit des temps »
Aux personnes trans’ et non-binaires : vous êtes considérées, vous êtes aimées, vous êtes magiques et carrément redoutables. Nous existons depuis la nuit des temps, luttant pour chaque respiration et chaque pas dans ce monde. Nos os sont fatigués de ces combats, mais ils ont aussi forgé notre force. Reposez-vous si vous en avez besoin, cherchez un refuge dans la compagnie et les bras de vos proches. Retrouvez le rire et l’espoir entre-temps. Et sachez qu’à chaque fois que vous respirez, que ce soit dehors à l’air libre ou depuis un endroit où vous vous cachez, c’est un acte de résistance envers ceux qui essaient de mettre fin à votre existence.
Vous ne pouvez pas redéfinir mon existence de façon à ce que je disparaisse, parce que mon existence est déjà, en soi, une redéfinition. »
Vous pouvez suivre Jay Maddock sur Medium, Twitter, ou sur son blog.
Crédit photo : Fran Dwight.