mairie de ParisTravaux d'intérêt général dans les associations LGBT+ : ce que prévoit exactement la mairie de Paris

Par Youen Tanguy le 07/11/2018
travaux d'intérêt général

Depuis qu'Anne Hidalgo a annoncé son intention de voir les auteur.e.s de violences homophobes condamné.e.s à des peines de travaux d'intérêt général, les associations s'interrogent sur la mise en oeuvre concrète de cette mesure. Le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, clarifie le projet.

C'est une annonce qui fait polémique. Le JDD a révélé dimanche les intentions d'Anne Hidalgo en matière de lutte contre les LGBTphobies dans la capitale. La maire de Paris souhaite, entre autres, faire condamner les auteur.e.s de violences homophobes à des travaux d’intérêt général (TIG) directement effectués dans les associations d’aide aux personnes LGBT+.

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Commençons par expliquer ce que sont les TIG. Il s'agit d'une peine alternative à l'incarcération pouvant durer jusqu'à 280 heures et pouvant être exécutée dans un délai maximum de 18 mois après la décision de justice.

"Il faut savoir que ce n'est pas la mairie qui les mettrait en oeuvre, précise d'emblée à TÊTU Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris. Les TIG relèvent de sanctions judiciaires et seuls les juges sont capables de décider si ça leur parait opportun". Il s'agirait donc plutôt pour la mairie d'encourager les juges à prononcer ce type de peines et les associations à demander les agréments et habilitations.

Manque de moyens

Mais cette annonce n'est pas forcément vue d'un bon oeil par les principales concernées : les associations LGBT+. Si ces dernières s'accordent toutes à reconnaitre les vertus pédagogiques d'une telle mesure, elles se questionnent sur sa mise en oeuvre réelle.

Le président de SOS Homophobie, Joël Deumier, estime que c'est "impossible à mettre oeuvre dans les conditions actuelles""Il faut aujourd'hui aux associations plus de moyens pour embaucher des salariés permanents (quasi inexistants aujourd'hui), louer des locaux, faire des formations...", constate-t-il auprès de TÊTU.

Face aux inquiétudes de Joël Deumier, Emmanuel Grégoire se veut rassurant et affirme que cette mesure s'inscrit dans un plan plus global pour améliorer les conditions de travail des associations. "Si elle est mise en oeuvre, cette décision doit être accompagnée de moyens (financiers, NDLR), de salariés permanents, de formations et d'une convention avec les services du ministère de la Justice."

Craintes d'accueillir des agresseurs

Même son de cloche à l'Inter-LGBT, qui s'inquiète en plus de la présence d'agresseurs LGBTphobes au sein même des associations. "Qui nous dit que ces personnes ne reproduiront pas leurs LGBTphobies dans des lieux d’accueil ?", s'interroge la porte-parole Clémence Zamora-Cruz. "C'est comme si vous envoyiez des auteurs de violences conjugales dans une structure dédiée à l'aide aux femmes victimes de ces violences", renchérit le président du Refuge Nicolas Noguier.

Là encore, Emmanuel Grégoire tente de temporiser : "Il ne s’agit pas de mettre le loup dans la bergerie, lance-t-il. On considère que la stupidité peut être surmontée de manière pédagogique, par le dialogue et des accompagnements".

Et d'ajouter : "Il ne s’agit pas de le faire pour les actes les plus graves qui relèvent de sanctions pénales graves, mais par exemple pour des agressions verbales ou des agressions numériques".

Oui, mais pour faire quoi ?

Sur les réseaux sociaux, des militants LGBT+ se sont demandés si ces mesures ne consisteraient pas juste à des tâches ménagères ou administratives. "Le TIG peut prendre plusieurs formes, mais les travaux proposés doivent présenter une utilité pour la société, ainsi que des perspectives d’insertion sociale ou professionnelle pour le condamné", précise un document du ministère de la Justice.

Sans vouloir "présumer du type d'actions qui seront mises en places", Emmanuel Grégoire prend exemple sur les TIG déjà existants dans des structures ou des associations de lutte contre l'antisémitisme et le racisme telles que le mémorial de la Shoah, où les "tgistes" accueillent le public ou assistent les documentalistes par exemple.

Des mesures déjà existantes ?

Nicolas Noguier assure que la mesure existe déjà et que des "tgistes" passent parfois par le Refuge. L'association toulousaine est en effet habilitée par le tribunal de Montpellier à recevoir des personnes condamnées à cette peine, mais, pour autant, elle assure n'en avoir reçu que très peu. "Cela demande une énorme mobilisation."

"On n’a jamais prétendu que ce soit révolutionnaire, reconnait Emmanuel Grégoire. J'ignorais que c’était déployé au Refuge, mais si c’est le cas, ça veut dire que ça peut marcher et qu'on peut l'étendre."

Le plan d'action global de lutte contre les LGBTphobies à Paris (en collaboration avec la Dilcrah et la préfecture de police) doit être présenté aux associations à la fin du mois de novembre pour une mise en oeuvre dans la capitale d'ici à la fin de l'année.

Crédit photo : ERIC PIERMONT / AFP.