LREMEcoles coraniques, francs-maçons... : Agnès Thill en roue libre dans sa "contribution" au rapport parlementaire sur la bioéthique

Par Youen Tanguy le 17/01/2019
agnès thill

La députée LREM Agnès Thill, connue pour ses oppositions à la PMA pour toutes et ses croyances qu'il existe un "lobby LGBT" au Parlement, a envoyé ce jeudi 17 janvier sa "contribution" au rapport parlementaire sur la loi de bioéthique. Un texte que sa collègue Laurence Vanceunebrock-Mialon estime être "un tapis de sottises totalement délirant".

"Puisqu'il n'y a pas d'évolution scientifique en matière de PMA, on peut se demander quelle est sa place dans la révision de la loi relative à la bioéthique." C'est à peu près la seule phrase avec laquelle nous sommes d'accord avec Agnès Thill.

La députée LREM, qui n'en est pas à son coup d'essai (elle avait estimé en novembre dernier qu'il existe un 'puissant lobby LGBT à l'Assemblée, NDLR) a envoyé ce jeudi 17 janvier sa "contribution" (à retrouver ici) au rapport parlementaire sur la loi bioéthique. Un texte de neufs pages bourré d'âneries, de comparaisons hasardeuses et de contre-vérités en tout genre.

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En préambule, dans un point intitulé "La forme", cette ancienne directrice d'école fait part de sa "surprise" à la découverte d'un rapport "orienté dans un seul sens, étayé de citations tirées de nos auditions, certes intéressant mais ne reflétant pas le contenu de nos auditions". Un rapport auxquels ont participé, selon elles, des "experts, juristes, scientifiques ou encore francs-maçons". Mais passons.

Une multiplication des parents ?

Dans une deuxième partie, intitulée "Le fond", elle dénonce la légalisation du "parent d'intention", qui aurait pour conséquence "la multiplication des parents". Le mot "parent" perdrait, toujours selon la députée, de son sens. Et d'ajouter : "Accepter désormais dans la loi le parent d'intention, c'est-à-dire selon son vouloir, c'est accepter qu'un jour, c'est son droit, il puisse ne plus le vouloir".

Contactée par TÊTU, sa collègue LREM Laurence Vanceunebrock-Mialon se dit "sidérée qu'une député puisse avoir ce genre de propos". "Quand elle parle du parent d’intention, je crois qu’elle se mélange des pinceaux, lance-t-elle, en colère. C’est justement pour responsabiliser et donner des droits au parent d'intention qu’on veut le désigner comme tel dans la loi. De plus, il n'y a pas de 'multiplication des parents', juste des parents différents et tout aussi aimants".

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"L'enfant est-il consentant pour ne pas avoir de père ?"

Et Agnès Thill ne s'arrête pas en si bon chemin. Dans la suite de son propos, elle se lance dans un argumentaire totalement loufoque, assurant que "l'absence de genre dans le mot parent favorise l'éclosion d'écoles coraniques et le départ de nos élèves vers celles-ci". "Nos amis musulmans, que nous savons opposés à cet éloignement progressif des concepts de père-mère, homme-femme (...) vivent en créant un monde parallèle dans la République (...) où un père est un père, une mère est une mère, il n'y a pas chez nos amis musulmans de parent 1 et de parent 2".

"Personne ne créé de monde parallèle, ni les LGBT, ni la communauté musulmane, lui rétorque Laurence Vanceunebrock-Mialon dans nos colonnes. Je tombe de ma chaise."

Quelques pages plus loin, Agnès Thill persiste et signe en reprenant tel quel le vocabulaire de la Manif pour tous. "L'enfant est-il consentant pour ne pas avoir de père ?, s'interroge-t-elle avant de donner son avis sur la prise en charge de la PMA pour toutes. Elle ne me semble pas opportune, dans le sens où il s'agit d'une validation officielle pour un comportement privé". Elle s'essaye ensuite à une comparaison hasardeuse : "Sachant que certains actes (...) tels que soins dentaires, opération myopie au laser (2000 euros non remboursés) sont considérés comme du confort".

Une conclusion poétique

Et comme Agnès Thill n'épargne aucun sujet (ni personne), elle nous parle également un peu du mouvement des gilets jaunes. "Nos ministres reconnaissent que de nombreuses femmes manifestent sur les ronds-points en gilets jaunes, reconnaissant je cite 'qu'elles ne s'en sortent pas seules avec enfant', et nous multiplierons les femmes seules en acceptant qu'elles aient accès à la PMA ?". Et d'ajouter : "Est-ce un progrès de créer des femmes seules avec enfant ? Ce n'est pas un progrès, c'est une régression".

En guise de conclusion, enfin, elle se lance dans une longue tirade, une ode au Père avec un grand P, aux airs de poème (raté). Extrait :

"Quand un père félicite son petit, 'fleurit' sa fille, c'est pour toujours qu'il embaume et les grandit / Quand il soigne quand il redresse c'est pour toujours qu'il guérit / Quand il fait le clown c'est pour toujours qu'il fait rire / Et quand il écrit à son enfant en classe de neige c'est pour toujours qu'il maintient le lien, qu'il ôte la peur, partage la joie."

Avant de terminer sur ces quelques mots : "Je ne veux pas que mon nom soit associé à l'éviction des pères dans la société (...) Ces propositions divisent la société, et vous le savez".

Vers une exclusion du parti ?

A la lecture de cette lettre, nous étions sincèrement partagés entre le rire et les larmes. Laurence Vanceunebrock-Mialon se dit, elle, très en colère. "C'est un tapis de sottises totalement délirant, s'alarme-t-elle. Elle est très blessante pour la communauté LGBT, mais aussi pour la communauté musulmane."

Et la députée ne veut pas que cet énième égarement reste, une nouvelle fois, lettre morte : "Elle est dangereuse pour le mouvement, estime Laurence Vanceunebrock-Mialon. Si on ne l’exclue pas de notre groupe, c’est qu’on accepte, et qu’on cautionne. Je souhaite de tous mes voeux que l'on prenne des mesures contre une député qui crache à la tête de la République. Il faut que ça s’arrête."

En novembre dernier, La République en marche avait mis une "dernière" fois en garde Agnès Thill "contre les excès" de ses "prises de position publiques". Cette lettre sera-t-elle enfin "l'excès" de trop ?

Visiblement pas encore, à en croire les premières réactions du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Contacté par TÊTU, il explique qu'il n'y a "pas de volonté de mettre le cas Agnès Thill à l'ordre du jour au bureau", malgré son désaccord profond avec ses prises de position. Estimant qu'Agnès Thill est "totalement légitime en envoyant une contribution annexe", le groupe ajoute : "La mise en garde portait sur des propos stigmatisant une communauté en particulier. A priori, on n'est pas dans quelque chose d'aussi grave que la dernière fois". Il assure toutefois que ce fameux courrier sera bel et bien évoqué lors de la prochaine réunion du bureau. "Mais il faut quand même qu'on le digère avant."

Crédit photo : Capture d'écran du compte Facebook d'Agnès Thill.