GPARemboursement de la PMA, filiation... : ce que recommande la mission parlementaire pour la loi bioéthique

Par Youen Tanguy le 15/01/2019
mission parlementaire

Le rapport de la mission d'information parlementaire sur la révision des lois de bioéthique a été présenté ce mardi 15 janvier par son rapporteur Jean- Louis Touraine, député LREM. TÊTU s'est procuré le contenu de ce rapport qui propose, entre autres, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, son remboursement intégral par la Sécurité sociale et la levée partielle de l'anonymat des donneurs.

C'était un avis très attendu. La mission d’information parlementaire sur la révision de la loi bioéthique, menée par les députés LR Xavier Breton et LREM Jean-Louis Touraine, a rendu ce mardi 15 janvier son rapport. Initialement, le gouvernement avait annoncé qu'il présenterait le projet de loi sur la bioéthique avant la fin 2018, en vue d'un débat au Parlement au premier trimestre. Avant de repousser ce dernier à la fin du premier semestre 2019, en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire.

Pour ce vaste rapport de 300 pages, près de 150 professionnels ont été entendu.e.s dans les domaines de la santé, des sciences, du droit, de la philosophie, des courants de pensée et des religions ainsi que de nombreuses associations. Les 13 premières propositions, rédigées par le rapporteur Jean-Louis Touraine, sont axées sur la "procréation et la société", et notamment sur la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA).

L'amour comme "facteur prioritaire"

En préambule, le rapport estime que "la question de l’accès à l’AMP* s’insère dans un contexte où s’entremêlent l’affirmation des libertés individuelles, la revendication d’une égalité des droits, la pluralité des systèmes familiaux et le désir d’enfant".

Le député assure "qu'aucun élément probant n’a jamais été apporté à l’appui des thèses qui agitent l’idée d’un enfant perturbé, malheureux ou entravé dans son développement par le fait qu’il grandirait dans un cadre familial non traditionnel (...)". Et d'ajouter : "Le facteur prioritaire au bon éveil et au bon développement de cet enfant est l’attention et l’amour qui lui sont prodigués par un ou des parent(s) l’ayant fortement désiré."

Ouverture de la PMA à toutes les femmes

Un constat qui conduit donc, tout naturellement, la mission parlementaire à proposer en premier lieu l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Dans son argumentaire, le rapporteur évoque une inégalité due au fait "qu'une partie de la population se voit refuser l'accès à l'AMP comme conséquence de son orientation sexuelle". Pour Jean-Louis Touraine, "cette inégalité de fait apparaît d’autant plus choquante que les techniques d’AMP se voient aujourd’hui proposées à des couples qui ne sont pas véritablement confrontés à une infertilité pathologique".

Il existe en effet des cas où l'infertilité n'est pas avérée médicalement, mais où le couple n'arrive pas à avoir d'enfant. Dans un rapport de 2017, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) évoque aussi les couples homme-femme « no sex », où l’homme souffre d’éjaculation précoce, qui peuvent recourir à l'insémination artificielle avec don de sperme (IAD) lorsqu’ils ont un désir d’enfant. "Comment ne pas y voir une certaine forme d’hypocrisie ?", se demande finalement le rapporteur.

Remboursement par la Sécurité sociale

Sur la question, souvent discutée, du remboursement de la PMA par la Sécurité sociale pour les couples de femmes et les femmes seules, Jean-Louis Touraine recommande qu'il soit fait dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels.

C'est, avant tout, une mesure d'égalité des droits pour lui : "À partir du moment où l’accès à l’AMP est autorisé pour une indication autre que pathologiqueaucune différence de traitement ne se justifie plus : il s’agit bien de soins". Deuxième point, le faible coût de cette évolution : "Il s’agirait seulement de prendre en charge l’acte même d’IAD (de 500 à 1 500 euros)".

Double filiation maternelle

La douzième proposition du rapport envisage "la création d’une double filiation maternelle". Comment ? Le rapport imagine trois scénarios possibles, tous "présentant des inconvénients". "Ils ont pour point commun de donner à l’enfant un état civil qui manifeste, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose sa filiation", assure le rapport. Jean-Louis Touraine rejette d'emblée l'option de l'adoption de l'enfant par la mère d'intention qui crée "un risque d'insécurité juridique pendant le temps écoulé entre la naissance de l'enfant et le prononcé de l'adoption".

Selon l'entourage du député LREM, le troisième scénario est privilégié : la déclaration commune anticipée de filiation au moment de la déclaration de naissance de l’enfant. "Il s'agirait, avec la création d'un titre VII bis dans le livre Ier du code civil, de créer un mode d’établissement du lien de filiation unique pour tous les couples ayant recours une AMP avec tiers donneur, qu’ils soient hétérosexuels ou lesbiens", précise le texte.

A LIRE AUSSI :« Je n’ai aucun droit sur mes propres enfants » : l’enfer des mères « sociales »

Levée de l'anonymat

La troisième proposition du rapport suggère une levée partielle de l'anonymat des donneurs. Le rapporteur veut permettre aux enfants conçus via une PMA d'accéder dès la majorité à des données non identifiantes sur leur géniteur, telles que des informations médicales. "Si le donneur est d'accord, le majeur pourra avoir accès à des informations plus précises, détaille une source parlementaire. Les donneurs seront d'ailleurs incités à agir en ce sens." Le rapporteur préconise que cette mesure soit effective pour tous les dons effectués après l'entrée en vigueur de la loi bioéthique, mais aussi avant, sous réserve du consentement du donneur. Reste à savoir comment.

Dans le cadre de l'accès aux origines personnelles, Jean-Louis Touraine recommande l'institution d'un organisme chargé d'accompagner les personnes issues d'un don, la personne ou le couple receveur et le tiers donneur. Soit par la création d'une commission ad hoc, soit par l'élargissement des missions de l'actuel Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP).

A LIRE AUSSI : Non Agnès Buzyn, un donneur de sperme n’est pas un « père biologique »

Reconnaissance des enfants nés de GPA

Le rapport fait également mention de la gestation pour autrui (GPA). Car si le gouvernement ne souhaite pas sa légalisation en France à l'heure actuelle, Emmanuel Macron s'était, lors de campagne, dit favorable à la reconnaissance par l’Etat français des enfants nés par GPA à l’étranger. C'est ce que proposent le député LREM, qui souhaite "permettre la reconnaissance de la filiation à l'égard du parent d'intention pour les enfants issus d'une GPA pratiquée à l'étranger dès lors qu'elle a été légalement établie à l'étranger".

Vers la fin des mutilations sur les personnes intersexes ?

Enfin, la quatorzième proposition concerne les personnes intersexes. Le rapport propose de limiter drastiquement le recours à un traitement ou à une intervention chirurgicale visant à "altérer les caractéristiques sexuelles primaires ou secondaires d’ une personne" à plusieurs conditions. Il faudra obligatoirement passer par une "consultation préalable dans un centre des maladies rares du développement génital" et obtenir le "consentement explicite, libre et éclairé, exprimé personnellement" de la personne concernée, mineure ou pas. Selon une source parlementaire, plusieurs spécialistes ont évoqué l'âge minimum de huit ans.

A LIRE AUSSI : Une grande enquête sur la santé des personnes intersexes est lancée

Cette proposition fait écho aux revendications de nombreuses associations, pour qui l’idée de forcer des personnes à rentrer dans la binarité sans leur consentement représente une atteinte à la vie privée. En revanche, aucune proposition n'est faite pour l'instauration d'un troisième genre à l'état civil, réclamé de longue date par les associations LGBT+.

Des propositions qui ne font pas l'unanimité

D'autres propositions sont faites, notamment la mise en place d'un plan global de lutte contre l’infertilité et un programme de consultation préventive pour tous, la levée de l'interdiction de la procréation post mortem et du double don de gamètes, ou encore le lancement d'une campagne d'incitation au don de gamètes.

Des propositions qui ne font pas l'unanimité. Le président de la mission d'information a d'ailleurs tenu, dans l'avant-propos du rapport, à se désolidariser de son contenu : "J’ai considéré que, dans ma fonction de président, et malgré mes désaccords sur ces propositions, il ne m’appartenait pas d’intervenir sur leur contenu", écrit Xavier Breton.

"Ce document représente une base de travail", estime une source parlementaire. Il conviendra désormais de voir ce que les députés et le gouvernement en feront.

*L'assistance médicale à la procréation (AMP), ou procréation médicalement assistée (PMA).

Crédit photo : Shutterstock.