Pour la troisième année consécutive, les actes LGBTphobes déclarés ont augmenté en 2018, avec une hausse de 66% des agressions physiques. Face à ces chiffres « alarmants », SOS Homophobie appelle le gouvernement à respecter ses promesses.
"2018 a été une année noire pour les personnes LGBT+." Les mots qui introduisent le dernier rapport de SOS Homophobie sont douloureux. A l’image des chiffres des actes LGBTphobes déclarés, en hausse pour la troisième année consécutive.
L’année dernière, SOS Homophobie a recueilli 1.905 témoignages, soit une augmentation de 15% par rapport à 2017. "Le nombre de ces témoignages (une majorité d'hommes, NDLR) est proche des 1 977 enregistrés en 2012, lors du début des débats sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe", précise le rapport.
"Ces chiffres confirment les alertes que nous avons lancé ces deux dernières années, assure à TÊTU Véronique Godet, co-présidente de SOS Homophobie. Ils confirment la légitimité de nos exigences envers un gouvernement qui évoque un plan d’urgence mais qui n’a mis en exécution que la campagne de l'Education nationale et la circulaire de la Garde des Sceaux."
Et d'ajouter : "Il y a réellement urgence à tenir ses promesses. On ne peut plus se contenter d’effets d’annonce."
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« Pour la première fois, j’ai ressenti de la honte à aimer une fille »
Dans le détail, c’est la lesbophobie qui a le plus progressé avec une "augmentation spectaculaire" des témoignages de 42% par rapport à 2017. "Pour la première fois, j’ai ressenti de la honte à aimer une fille", confie une des femmes interrogée dans le rapport qui compile des dizaines d’autres témoignages.
La gayphobie a, elle, évolué de 10%, la transphobie de 13% et la biphobie de 10%. "Il m'a dit 'vaut mieux que tu crèves que tu sois comme ça'", relate Pascal, frappé par son père après lui avoir dit sa bisexualité. Jean, homosexuel âgé de 65 ans, raconte avoir été frappé avec un bâton par un inconnu, sans raison apparente.
Une majorité d'hommes agresseurs
Pour ce qui est de l’âge des victimes, ce sont les 35-50 ans qui rapportent le plus d’actes LGBTphobes, suivies des 25-34 ans (17%) et des moins de 18 ans (8%). Dans un tiers des cas, l’âge des victimes n’est pas connu.
Si près de la moitié des victimes n'ont pas identité le type d'agresseur.se.s., 27% ont été agressé par un homme seul, 14% par un groupe d'hommes, 6% par un groupe mixte, 4% par une femme seule et 1% par un groupe de femmes.
Le rapport s’est aussi intéressé aux lieux où se tiennent ces violences. En première position, et sans surprise, internet est référencé comme le berceau d’expression des LGBTphobies en France (23%), comme chaque année depuis 2010. Viennent ensuite les lieux publics (13%), le travail (11%), la famille (10%) et le voisinage (9%).
Agressions physiques en forte hausse
Un autre chiffre de ce rapport fait froid dans le dos : celui des agressions physiques. Elles ont progressé de 66% en un an, passant de 139 en 2017 à 231 en 2019. L’association a même remarqué un pic au dernier trimestre de l’année dernière, avec une agression physique signalée par jour.
Plus de deux tiers de ces violences se déroulent dans des lieux publics. « Il est encore difficile, quand on est une personne LGBT, de manifester des signes d’affection, de tenir la main de son conjoint ou sa conjointe en toute liberté, sans crainte de s’exposer à du rejet, des insultes, des violences », note le rapport.
Libération de la parole et de l'écoute des victimes
Comment expliquer un telle croissance des LGBTphobies ? Il est difficile de dire si les actes LGBTphobes augmentent ou si l'on assiste à une libération de la parole et de l'écoute des victimes.
"Les victimes s’emparent de la parole et veulent être reconnues", analyse Véronique Godet. Elles ont le courage de médiatiser leurs visages et prennent des risques en témoignant. Forcément, ça déclenche des ricochets de haine, à la fois physiquement et sur les réseaux sociaux." Selon une étude de l'Ifop parue hier, moins de 20% des personnes LGBT victimes d'agressions se tournent vers les associations comme SOS Homophobie. Ce qui est loin d'être rassurant.
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"L’égalité des droits n’est pas achevée en France"
"L’égalité des droits n’est pas achevée en France et la loi de la République continue de discriminer des milliers de personnes, de couples et de familles", regrettent les co-président.e.s de SOS Homophobie dans l'éditorial publié avec le rapport.
Véronique Godet l'assure, on assiste aujourd'hui à un "pourrissement de la situation". "On évolue dans la culture du zap politique et les personnes LGBT+ ne sont plus du tout prioritaires".
Crédit photo : SOS Homophobie.