violences LGBTphobesL'agresseur de Julia est condamné à 10 mois de prison dont quatre avec sursis

Par Marion Chatelin le 22/05/2019
Julia, quelques jours après son agression transphobe le 31 mars place de la République à Paris. © Juliette Harau pour TÊTU

Le procès de l'agresseur présumé de Julia, victime de transphobie sur la place de la République, a débuté ce mercredi 22 mai devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Il encourt jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

L'agression de Julia, une femme transgenre de 31 ans, en marge d'un rassemblement à Paris, place de la République le 31 mars dernier, filmée et massivement partagée sur les réseaux sociaux avait suscité l'indignation générale. La scène a notamment mis en lumière la menace qui pèse sur les personnes trans’ dans l’espace public. Alors qu’une enquête a été ouverte par le parquet de Paris pour « violences commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre », la jeune femme a pris la parole dans les médias et notamment dans TÊTU. Elle appelle à plus d'ouverture d'esprit.

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Ce mercredi 22 mai débute le procès de l'un de ses agresseurs présumé, un jeune homme de 23 ans. Arrêté le jour des faits, il avait été relâché, avant d’être de nouveau placé en garde à vue quelques jours plus tard. Il encourt jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

Les associations SOS Homophobie, Stop Homophobie et Mousse se sont quant à elles constituées parties civiles aux côtés de Julia. Selon le dernier rapport sur les LGBTphobies de SOS Homophobie, en 2018 210 actes transphobes ont été signalés contre 131 l'année précédente, soit une augmentation de 22%.

16h29

La cour a rendu son verdict : l'agresseur de Julia est reconnu coupable. Il est condamné à 10 mois de prison dont quatre mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans.

Il est également interdit de contacter la victime et d'apparaître aux abords de son domicile.

Il est bien condamné pour "violences commises en raison de l'identité de genre". Quant à Julia, elle est indemnisée à hauteur de 3.500 euros. Les trois associations parties civiles sont indemnisées à hauteur de 1.500 euros chacune.

15h51

Les derniers mots avant la suspension d'audience seront prononcés par le prévenu. "J'ai beaucoup réfléchi en prison et j'ai regretté. J'espère qu'il accepte mes excuses. Je présente aussi mes excuses au tribunal", lance-t-il. L'agresseur présumé mégenre Julia à nouveau - c'était le cas depuis le début du procès.

L'audience est suspendue. Le tribunal s'est retiré pour délibérer.

15h47

Le second avocat termine sa plaidoirie et rappelle que son client est jugé pour des "violences en raison de l'identité de genre". Il se demande donc pourquoi deux des parties civiles sont SOS Homophobie et STOP Homophobie. "Où est la transphobie là-dedans ?", s'interroge-t-il. Et de conclure : "On ne vous apporte pas la preuve de la circonstance aggravante."

15h40

Un autre avocat de la défense prend la parole : "On n'a aucune certitude que ces violences aient été commises en raison de l'identité de genre de Julia." Il demande que soit écartée "cette circonstance aggravante".  Car selon lui, "cela n'est pas le procès de la transphobie ou de l'homophobie, mais le procès d'un homme poursuivi pour des faits de violences volontaires".

15h37

C'est au tour de l'avocate de la défense de faire sa plaidoirie qu'elle a centré sur l'aspect "médiatisé" de l'affaire. "Mon client est au coeur d'une polémique. Ca ne le rassure pas d’entendre que ce dossier doit être exemplaire. La justice doit être la même pour tout le monde, que l’on soit devant les journalistes ou pas. C’est un garçon en errance, avec des problèmes d’addiction. La peine demandée par la procureure est sévère. Elle ne vient pas sanctionner un fait juridique, mais l’aspect médiatique et moral de ce dossier."

15h26

La procureure débute son réquisitoire. Et souligne le symbole que représente le lieu de l'agression. "Ce sont des actes intolérables qui se sont tenus place de la République. Une place très importante pour les Français et qui représente la liberté, l’égalité et la fraternité." Elle poursuit : "Ces coups ont été portés pour des raisons discriminantes, en l'occurrence l'identité de genre de la victime."

Elle cite ensuite un rapport de l’Ifop faisant état des agressions subies par les personnes LGBT+. "C'est un véritable problème de société qu’on à subir les personnes LGBT", dit-elle.

Elle requiert une peine de 12 mois de prison, dont quatre mois avec sursis. Elle demande également - tout comme l'avocat de la défense - une interdiction de paraître au domicile de la victime doublée un maintien en détention.

15h18

C'est au tour de l'avocat de la défense de plaider. Il commence par expliquer pourquoi il s'agit d'un "procès symbolique". "Les violences subies par Julia le sont quotidiennement par d'autres personnes trans'. Le procès qui se tient aujourd'hui est le procès de la transphobie de la société française." 

Il demande une indemnisation de 5.000 euros et une mesure d'éloignement.

15h08

Le prévenu se défend. Il assure ne pas avoir traité Julia de 'pédé'. "Vous seriez capable de lui administrer une quantité de coups comme celle-là, sans l'avoir auparavant traité de 'pédé' ou d'homosexuel ? C'est paradoxal", dit le président. "Si vous ne l'avez pas insulté, pourquoi ne pas avoir pris la victime par la main pour l'aider avec galanterie à se sortir de cette situation ?", lui demande le président. "J'aurais dû le faire, mais je n'était pas totalement conscient", répète le prévenu.

Et le président de continuer son interrogatoire : "Pourquoi avoir ébouriffé les cheveux de la victime ?" La réponse du prévenu est ubuesque : "Je sais pas, c'est l'ambiance."

15h05

C'est au tour de l'avocat de la défense de prendre la parole. Il demande à Julia pourquoi elle est "remontée pour aller chercher" le prévenu "alors qu'il était en train de repartir". Et Julia lui répond d'une voix très claire et très sereine : "Je suis retournée vers lui pour lui montrer que je n'avais pas peur. Même si c'étais le cas." 

14h55

Le président vient pour la première fois de parler de Julia en disant "Madame".

La vidéo de l'agression - qui a fait le tour du web - est ensuite diffusée par le tribunal. "Vous êtes où sur la vidéo Madame ? Monsieur ? Madame...", demande, très hésitant, le président à l'intention de Julia. Et de constater : "C'est agité, c'est ce qu'on appelle un milieu hostile."

Il s'adresse ensuite au prévenu : "Vous n'y allez pas de main morte. Vous poursuivez la partie civile sur plusieurs mètres. Regardez un peu les coups. Soigneusement. Un match de boxe." Le prévenu reconnaît être celui qui donne des coups sur les images. Mais il ajoute : "Je n'étais pas conscient."

14h51

Invité à s'exprimer, le prévenu "présente ses excuses". Mais il nie les insultes tout en reconnaissant avoir frappé Julia. "Pour me défendre, c'est lui qui a commencé", dit-il. "Vous ne pouvez pas présenter vos excuses si vous ne reconnaissez pas les faits", lui rétorque le président.

14h49

C'est désormais au tour de Julia d'être appelée à la barre. Elle explique avoir été victime d'insultes, notamment 'sale pédé', et de coups de la part du prévenu qui lui a aussi "ébouriffé" les cheveux. "J'étais clairement dans un milieu hostile", clame-t-elle à la barre.

14h40

Le président revient sur la deuxième audition du prévenu. Ce dernier y avait donné sa version des faits : "Un homme (il parle de Julia, ndlr) est arrivé habillé comme une femme. Il a dit 'nique les Algériens' et 'nique ta mère'. Il m’a saisi à la gorge, je me suis défendu." 

Le prévenu a ensuite ajouté : "Je tiens à préciser que je ne suis pas homophobe." Le président prend la parole : "On confond tout : 'homophobie', 'transgenrephobie' (sic)." Et l'agresseur présumé donne une nouvelle version des faits : "J'avais pris des médicaments, je n'étais pas conscient." 

Le président continue de genrer Julia au masculin. Mais il utilise parfois le féminin quand il lit des documents.

14h25

Il y a un rappel des propos tenus par le prévenu lors de sa garde à vue. Il a déclaré aux policiers à propos de Julia : "Ce monsieur n’est pas un monsieur, c’est un trans. Je l’ai frappé ce fils de pute et vous, vous êtes un policier qui ne sert à rien (...) Je suis en GAV pour rien."

Mais sa garde à vue avait été levée rapidement, faute d'éléments. La plainte déposée par la victime le 2 avril dernier a relancé les démarches pour retrouver le prévenu.

14h23

Le président genre, lui aussi, Julia au masculin et utilise son dead name (son prénom avant sa transition, ndlr).

14h20

L'examen de l'expertise psychiatrique du prévenu fait état "d'aucune anomalie mentale ou psychiatrique" chez le prévenu.

La procureure prend la parole. Elle souhaite que soit mise au débat la requalification des faits pour que la circonstance aggravante soit "l'identité de genre" et non "l'orientation sexuelle". Elle précise également que le prévenu a déjà été condamné pour vol en juin 2018, sous un alias.

14h10

Le prévenu est un homme âgé de 23 ans, ayant la double nationalité marocaine et algérienne. Son casier judiciaire est vierge. Il est arrivé en France en 2017, et travaille au noir dans le bâtiment, sur les marchés et dans la vente de cigarettes. Il se trouve dans un box vitré et fait face à Julia, assise à côté de son avocat.

14h04

L'audience débute avec un mégenrage de Julia Boyer appelée "Monsieur Boyer" par le greffier.

 

 

 

Crédit photo : Juliette Harau pour TÊTU.