Le centre LGBT Nice-Côte d’Azur a annoncé qu’il allait se constituer partie civile dans le dossier. TÊTU s’est entretenu avec la victime.
Il y a quelques semaines, son histoire avait fait les titres de la presse, d’abord régionale puis nationale. Pour une raison simple : C., un Niçois de 33 ans qui s’est fait agresser et violer par trois individus en rentrant chez lui, veut parler le plus possible. Pour accélérer l’enquête, pour sa propre reconstruction mais aussi pour inciter d’autres victimes à témoigner.
« Au-delà du fait que l’enquête tourne au ralenti, personnellement c’est très important pour moi de partager autant que possible mon histoire. Un ami m’a d’abord conseillé de médiatiser l’affaire, puis mon psychologue m’a suggéré de ne pas m’enfermer. Lorsque la médiatisation s’arrêtera, je ne sais pas comment je me sentirai », raconte-t-il à TÊTU, après avoir pris le temps de panser ses blessures physiques et psychologiques pendant une semaine.
« Je sais que les victimes n’ont pas toutes le courage de témoigner, certaines gardent leur histoire pour eux pendant des années, et lorsque ça revient à la surface, ça explose », continue-t-il. Le maire de Nice, Christian Estrosi, (qui avait retweeté l’article initial de Nice-Matin en ajoutant un message de soutien) lui a promis un appel l’après-midi même. « Nice est censée être une ville sécurisée, mais bien sûr les caméras de surveillance ne marchaient pas ce jour-là.. », ajoute C.
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Violé pendant vingt minutes
Nous sommes le samedi 3 août lorsque C., responsable de magasin, rentre du travail, à cinq minutes du centre-ville. Il avait repéré depuis plusieurs jours un groupe de « trois jeunes de 20 à 25 ans », qui l’avaient insulté à plusieurs reprises. Des invectives à caractère homophobe. Cette fois, « ils m’ont poussé à l’intérieur dès que j’ai actionné le digicode et passé la porte d’entrée de ma résidence ».
Une fois rentrés, ils l’entraînent dans l’une des caves de l’immeuble puis, en lui maintenant la tête, deux d’entre eux, en érection, le forcent à pratiquer des fellations. Le double viol durera vingt minutes.
Si la victime n’a gardé que peu de traces physiques de son agression, lavant sa bouche et ses vêtements (« comme le font apparemment, par réflexe, toutes les victimes »), les séquelles psychologiques sont énormes. « Je ne dors plus, j’ai dû cumuler 10 heures de sommeil en deux semaines, mais je n’ai pas voulu me mettre en arrêt-maladie, donc dès le lundi, j’étais de retour au travail. Je vois désormais un psychologue, mais les suivis effectués par l'hôpital et la police laissaient à désirer (…) Un médecin-légiste m’a fait une prise de sang et donné un médicament contre les IST, mais personne ne m’a ensuite aiguillé. »
Seul salut : les associations LGBT+ locales, qui lui ont apporté du soutien et ont décidé de porter plainte à ses côtés. Le centre LGBT Nice-Côte d’Azur a annoncé qu’il allait se constituer partie civile dans ce dossier. « Alors que seule une victime sur cinq porte plainte, nous leur disons que nous sommes à leurs côtés, a déclaré son président, Erwann Le Hô, à Nice Matin. Et nous adressons un message aux agresseurs : l’homophobie n’est pas impunie et on fera le maximum pour qu’elle soit punie. »
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« Je ne pensais pas que les assos aidaient les gens en détresse, pour moi elles ne s’occupaient que de sorties et de fêtes », dit celui qui a tenu à se définir comme « hors-milieu » pour expliquer sa méconnaissance du sujet. « On pense que cela ne peut jamais nous arriver, que l’on est à l’abri, mais on a tort. »
Appel à la récidive
La situation était d’autant plus délicate que la famille de C. n’était pas au courant de son homosexualité. Alors il a fallu naviguer entre besoin vital d’en parler et relative anonymité. « Des photos très mal floutées ont déjà paru dans la presse* », dit-il.
L’enquête, elle, est au point-mort : les gendarmes ont même suggéré à C. de « prendre des photos la prochaine fois qu’il croisait ses agresseurs. » Un véritable appel à récidive, qui a choqué la victime : « C’est honteux, je pense à déménager et on me dit ça, alors que je ne sais pas comment je réagirais si jamais les revoyais. »
C. et son ex-petit ami sont même allés récolter des poils pubiens sur les lieux du crime, mais là aussi, la réponse fut sans appel : « Le test ADN (qui n’a rien donné, ndlr) nous a déjà coûté 2000 euros. », lui a-t-on rétorqué. Et C. de conclure : « Je ne pense pas qu’ils soient homophobes, mais ils s’en foutent. »
« Je plains tous les gens qui se font violer et ne s’expriment pas. (…) Si mon histoire peut leur donner le courage de témoigner, c’est surtout pour cela que je me démène. » C. a déposé plainte pour « viol en réunion et viol commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime ».
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Pour protéger l'anonymat de C., TÊTU a préféré illustrer cet article avec une photo issue d'une banque d'images.
Crédits photos : Tanongsak Panwan/Shutterstock et C.