PMAPMA pour toutes : cinq questions sur le don de sperme

Par têtu· le 19/09/2019
don de sperme

Augmentation des demandes, baisse du nombre de donneurs liée à la fin de l'anonymat... : la loi de bioéthique, débattue à partir de mardi 24 septembre à l'Assemblée, va bouleverser le don de sperme.

Le projet de loi bioéthique, qui prévoit l'ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, doit être débattu à l'Assemblée nationale à partir de ce mardi 24 septembre. Une réforme très attendue, mais qui a entraîné des inquiétudes de la part de plusieurs associations ou députés, notamment sur une possible "pénurie de sperme". Comment éviter ce cas de figure ? Que prévoit la loi exactement ? Cinq questions pour tout comprendre.

1/ Quelle est la situation aujourd'hui?

Selon l'Agence de la biomédecine, 404 hommes ont donné leur sperme et 956 enfants sont nés d'un don de sperme en 2017. Cela ne représente qu'un petit pourcentage du total de 25.614 naissances par PMA (procréation médicalement assistée), puisque la plupart se fait sans don, avec les gamètes du couple. La même année, 1.961 couples ont fait une tentative de PMA avec don de sperme, et 1.812 nouveaux couples se sont inscrits pour en bénéficier.

Le délai d'attente moyen est "de 12 mois", variant "entre 6 et 18 mois" selon les centres, a expliqué la présidente de la Fédération des 29 Centre d'études et de conservation du sperme (Cecos), Nathalie Rives, lors de son audition par les députés début septembre. Depuis la création de ces banques de sperme et d'ovules en 1973, plus de 70.000 enfants sont nés grâce aux dons de sperme, selon cette même source.

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2/ Que change la loi ?

Le projet de loi prévoit notamment la fin de l'anonymat des donneurs, pierre angulaire du don de sperme en France. Pour donner, un homme devra désormais obligatoirement accepter que l'enfant né de ce don puisse, une fois majeur, connaître son identité s'il le souhaite (c'est "l'accès aux origines").

Dans le cas des dons faits avant la loi, donneurs et adultes nés de ces dons pourront éventuellement entrer en contact par l'intermédiaire d'une commission. Mais les donneurs devront faire la démarche de s'y inscrire volontairement : les autorités n'iront pas les solliciter. Ces mesures révolutionnaires auront un double effet.

L'élargissement de la PMA augmentera la demande de sperme, tandis que la fin de l'anonymat devrait, au moins au début, faire baisser l'offre (le nombre de donneurs). D'où des craintes que le sperme vienne à manquer et que le délai d'attente pour une PMA avec don n'explose.

3/ Vers une pénurie ?

Quand la PMA sera ouverte à toutes, 2.000 femmes supplémentaires par an demanderont à bénéficier d'un don de sperme, estime le ministère de la Santé. Quant à l'offre, l'expérience du Royaume-Uni montre que la levée de l'anonymat "entraîne dans un premier temps une chute des donneurs, pendant un, deux ou trois ans", selon Nathalie Rives. "Ensuite, on observe une réascension du nombre des donneurs, avec un profil qui peut être différent", poursuit-elle. Des donneurs plus conscients de leur geste, voire militants.

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Mais au Royaume-Uni, deux autres paramètres expliquent la remontée des dons après la fin de l'anonymat en 2005, selon la Pr Rives. D'abord, leur indemnisation. Ensuite, "plus de 40% des donneurs proviennent d'importations de gamètes, de banques américaines et de la banque danoise Cryos". Or, l'indemnisation comme l'importation sont interdites en France.

4/ Comment éviter ce risque?

En instaurant "trois phases de mise en oeuvre de la loi", selon la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

Première phase : une fois la loi promulguée, l'ancien stock de sperme continuera dans un premier temps à être utilisé. Conséquence: bien que nés après la loi, ces enfants-là n'auront pas accès à l'identité de leur donneur, puisque le don aura été fait avant la loi. Tout ancien donneur pourra toutefois indiquer aux Cecos qu'il accepte que son don bascule dans le nouveau régime (et donc que son identité soit éventuellement dévoilée un jour).

Deuxième phase : le don sera ouvert à de nouveaux donneurs, inscrits sur un registre national, pour constituer un autre stock garantissant l'accès aux origines.

Enfin troisième étape : quand le stock de nouveaux donneurs sera suffisant, c'est lui qui sera utilisé pour les PMA. Ce qui restera du stock d'avant la loi sera détruit. La ministre des Solidarités et de la santé espère que ces destructions seront limitées, car "le stock d'anciens donneurs aura a priori été éclusé" d'ici là. Et selon elle, "le risque de pénurie sera anticipé par la constitution du nouveau stock". Les campagnes de sensibilisation seront également intensifiées pour recruter de nouveaux donneurs. La loi ne fixe pas les délais de ces étapes, qui seront précisés par décret.

5/ D'autres solutions ?

Les gynécologues en proposent deux, aujourd'hui interdites car elles se heurtent à la tradition bioéthique française. "Est-ce qu'il ne faudrait pas autoriser le recours aux banques étrangères" et importer du sperme", s'interroge ainsi la Dr Belaisch Allart. Les gynécos préconisent aussi d'indemniser les donneurs. "Nous sommes le seul pays d'Europe à demander 100% d'altruisme aux donneurs de gamètes", déplore le président du CNGOF (Collège national des gynécologues), Israël Nisand.

(Avec AFP, P.R.)

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