PMAL'Assemblée vote l'accès aux origines pour les enfants nés d'un don

Par Youen Tanguy le 03/10/2019
origines

Au terme d'un débat relativement apaisé, les députés ont voté mercredi 2 octobre l'article 3 du projet de loi bioéthique qui doit permettre aux enfants nés d'une PMA d'avoir accès à leurs origines à leur majorité.

Nouvelle étape dans l'examen du projet de loi bioéthique à l'Assemblée. Les députés ont voté en première lecture l'article 3 qui ouvre la possibilité pour les personnes nées après une PMA qui le souhaitent, d’accéder à leur majorité à des « données non-identifiantes » (âge, caractéristiques physiques, etc.) du donneur et à son identité.

Tout au long des débats sur cet article, qui ont débuté vendredi dernier, le gouvernement s'est attaché à rappeler qu'il ne s'agissait pas d'une "levée de l'anonymat". L'anonymat sera "conservé au moment du don" et les donneurs "n'auront jamais l'obligation de rencontrer les enfants nés du don", a insisté la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Pendant la soirée, plusieurs amendements ont fait débat, dont celui de la rapporteure Coralie Dubost visant à "faciliter le recueil du consentement du donneur" ayant fait un don avant la promulgation de la loi, c'est à dire sous l'ancien régime où l'anonymat est toujours garanti. Mais cet amendement a été rejeté (17 voix pour, 58 contre).

Ce serait casser le "contrat moral" passé avec ces anciens donneurs, ont insisté la ministre Agnès Buzyn ainsi qu'une partie des députés de la majorité.

Des amendements retoqués

Un amendement du député Jean-François Mbaye proposant d'informer les tiers donneurs lorsque leurs données personnelles seront communiquées aux demandeurs a également été rejeté. "Nous créons un droit à l'information, pas un droit à une rencontre", a justifié Coralie Dubost.

Si beaucoup d'amendements ont donc été retoqués, une série d'entre eux ont été adoptés contre l'avis du gouvernement et de la rapporteure. Ils prévoient que le tiers donneur puisse, s'il le souhaite, s'adresser à la commission compétente pour connaitre le nombre d'enfants nés grâce à son don ainsi que leur sexe et année de naissance.

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Coralie Dubost a regretté cette décision : « C’est une erreur que le donneur ait accès à ce type d’informations (…) C’est de nature à porter atteinte au principe d’anonymat du don ». Elle a enfin espéré que cette « erreur sera réparée ultérieurement ». 

Un peu plus tard dans la soirée, les parlementaires ont adopté l’article 3 du projet de loi bioéthique en première lecture à 57 voix pour et 16 voix contre.

Début des discussions sur la filiation

A 21h30, les députés ont donc pu entamer les débats autour de l'article 4 concernant la filiation. C'est donc la ministre de la Justice Nicole Belloubet qui a remplacé Agnès Buzyn pour représenter le gouvernement.

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Si les débat ne font que commencer sur ce sujet, des échanges très vifs se sont déjà fait entendre dans l'hémicycle. Dans sa dernière version, proposée par le gouvernement et adoptée en commission, l'article 4 propose une "reconnaissance anticipée de l'enfant" devant notaire pour les couples de femmes, comme pour les couples hétérosexuels non mariés.

"C'est du bricolage", a lancé à la ministre Nicole Belloubet le député LR Thibault Bazin qui avait présenté un amendement de suppression, rejeté, comme tous les quinze autres. "Ca n'est pas du tout du bricolage, a-t-elle rétorqué. C'est un droit nouveau que nous créons pour les femmes".

"Une révolution tranquille"

Des voix de droite se sont aussi fait entendre pour dénoncer "un changement majeur dans la filiation". "Avec cette loi, la filiation n'est plus assise, pour une des deux femmes, sur l'accouchement. Cette éviction du fait biologique est absolument insupportable. Il y a là quelque chose qui contrevient au bon sens", a dénoncé la député LR Annie Genevard.

Réponse de Nicole Belloubet, qui semblait souvent agacée par les arguments - parfois répétitifs - des députés LR : "Nous sommes face à une situation, au regard de la procréation, inédite (...) cela nous oblige à créer un autre mode d'établissement de la filiation distinct de ce qui existe déjà dans notre code civil. C'est une révolution, mais une révolution tranquille".

La députée LFI Clémentine Autain a de son côté donné un discours d'introduction très applaudi par les députés de la majorité : "Quand j'écoute sur les bancs de l'opposition, on voit bien comment toute la colonne vertébrale de l'ordre des sexes et des sexualités, bousculé depuis un siècle, dérange ceux qui sont attachés à la conservation d'un modèle masculin-féminin".

Les discussions sur les amendements à l'article 4 devraient continuer jusqu'à au moins jeudi soir. Les députés ne manqueront pas d'aborder la question de la reconnaissance de la filiation des enfants nés de PMA dans des couples lesbiens avant la promulgation de la loi ou bien de la reconnaissance des enfants nés de GPA à l'étranger. Ca promet d'être animé.

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