cinémaCéline Sciamma démolit l'industrie du cinéma français dans une interview au Guardian

Par Timothée de Rauglaudre le 21/02/2020
Céline Sciamma

Interrogée sur son Portrait de la Jeune Fille en Feu par le quotidien britannique, Céline Sciamma n'a pas retenu ses coups contre le sexisme de l'industrie du cinéma français.

The Guardian a adoré Portrait de la jeune fille en feu. D'après le quotidien britannique, le film devrait être précédé d'un avertissement : "Ce film peut provoquer un évanouissement incontrôlable." Et ce n'est pas la réalisatrice, Céline Sciamma, qui dira le contraire. Aux quatre coins du globe, durant la quarantaine de festivals où le film a été diffusé, de Cannes à Aspen en passant par Zurich, elle a pu mesurer la "tension avec le public", comme elle le raconte au journal dans un article publié ce vendredi 21 février : "Il y a de l'électricité. C'est ce qui se passe quand on fait une histoire d'amour. On reçoit beaucoup d'amour."

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Et pourtant. Dans son propre pays, d'après elle, le public n'a pas l'air d'avoir saisi son film : "En France, ils ne trouvent pas le film chaud. Ils pensent que ça manque de chair, que ce n'est pas érotique. Il semblerait qu'il y a des choses qu'ils ne peuvent pas capter." Elle estime que les critiques cinématographiques ont réagi avec tiédeur à son drame historique, qui dépeint une relation amoureuse entre deux femmes à la fin du dix-huitième siècle et qui a reçu le Prix du scénario du Festival de Cannes 2019.

"I don't give a fuck"

Pour autant, la réalisatrice n'est pas vraiment surprise, comme elle l'explique au Guardian : "C’est une industrie très bourgeoise. Il y a une résistance au radicalisme, et aussi moins de jeunes aux commandes. "Un film peut-il être féministe ?" Ils ne connaissent pas ce concept. Ils n'ont pas les clés de compréhension. Ils ne savent même pas que le "regard masculin" [de l'anglais "male gaze", qui désigne le regard sexiste et dominateur des artistes masculins qui existerait dans la culture, ndlr] existe. On peut dire que c'est un pays où il y a beaucoup de sexisme et une forte culture patriarcale."

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Sciamma n'hésite donc pas à tirer à boulets rouges sur l'industrie du cinéma français, y compris son homologue Abdellatif Kechiche. Interrogée sur La Vie d'Adèle, célèbre film sur une histoire lesbienne, qui avait essuyé de nombreuses critiques, pour la longueur des scènes de sexe mais aussi les conditions de travail des comédiennes, elle répond simplement (on a préféré ne pas traduire) : "I don’t give a fuck. I don’t give a shit about it." Réticente à parler des accusations de l'actrice Adèle Haenel contre le réalisateur Christophe Ruggia (mis en examen en janvier pour agression sexuelle sur mineur), elle se réjouit tout de même des réactions à cette prise de parole : "Elle a reçu du soutien. Les gens ont cru en elle. Ça, c'est nouveau." Elle sera tout aussi lapidaire quant aux nominations de Roman Polanski aux Césars (avant la démission collective de la direction de l'Académie) : "C'est la France."

 

Crédit photo : Facebook / Céline Sciamma