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GPALes clichés sur la GPA que ce père ne veut plus entendre

Par Nicolas Scheffer le 25/08/2020
GPA

La GPA est souvent caricaturée par ses opposants qui en ont fait un repoussoir. Pour TÊTU, un père revient sur son expérience et démonte certains clichés.

"Souvent, les personnes ne savent pas de quoi elles parlent lorsqu'elles abordent le sujet de la GPA", déplore Rodolphe Blavy, père de deux jumeaux de six ans, blonds et espiègles. Il regrette que le sujet soit tabou en France, notamment pendant l'examen du projet de loi bioéthique. Pendant les débats, le Premier ministre, Jean Castex, a qualifié cette technique de procréation de "ligne rouge". Son évocation suscite une levée de boucliers... et de préjugés.

Pour documenter et aiguiller les futurs pères, il a choisi d'écrire son parcours dans un livre, sobrement intitulé Enfants. Dans ce témoignage qu'il ne veut pas militant, il décrit ce qui l'a conduit à avoir recours à une mère porteuse. Il montre aussi sa surprise de voir les embûches là où il ne s'y attendait pas. Mais surtout, la beauté de mettre au monde deux beaux bébés grâce à une "gentille dame", épanouie d'avoir donné la vie. TÊTU a rencontré ce papa.

Voyage au bout du monde

Quand il s'est lancé dans ce projet fou, Rodolphe a été confronté à une réalité : la solitude. Par exemple lorsqu'il doutait de l'accomplissement de la démarche. Ou bien lorsqu'il fallait voyager au bout du monde pour être reçu par une psychologue qui évalue sa sincérité. Quand il sent son projet d'enfant mûrir, il en parle à quelques amis qui l'ont conseillé, mais pas à sa famille.

"Comme tout le monde, je leur ai appris après deux ou trois mois de grossesse, quand les risques de fausse-couche sont plus faibles", élude-t-il. D'autant que cet économiste vit son projet comme un engagement personnel, presque intime, tant il a réfléchi aux raisons de sa volonté de procréer. Le parcours du combattant a ressemblé par moments à un chemin de croix, loin du "voyage" affiché par l'agence avec laquelle il est parti dans l'aventure.

Devoir de fermeté

Sa première erreur a été celle de s'entourer d'une agence plus qu'une association pour être accompagné dans son projet. La structure est toute puissante dans l'avancée de son projet. Elle est par exemple pressante lorsqu'il s'agit de demander de signer les contrats (et les chèques). Mais Rodolphe a dû taper du poing sur la table pour que l'agence lui présente des mères porteuses, douze à quatorze mois après qu'il se soit engagé dans cette voie-là.

Ces mères, qui sont-elles ? Les opposants à la GPA instillent l'idée que les femmes qui aident des hommes à devenir pères le font pour l'argent. "Peut-être que c'est le cas dans certains pays peu recommandables, mais aux États-Unis n'importe qui ne peut pas porter l'enfant de quelqu'un d'autre", explique le père. Sur le plan matériel, il faut compter plus de 130.000 dollars aux États-Unis pour avoir accès à une GPA. La porteuse, elle, ne reçoit qu'une indemnité de l'ordre de 35.000 dollars. Ce n'est pas un salaire mais une compensation pour parer à la baisse des revenus liés à la grossesse. Il n'y a pas de quoi s'enrichir.

C'est la mère qui donne son accord

Et surtout, c'est la mère qui choisit si oui ou non elle est d'accord pour porter l'enfant de Rodolphe. Lorsqu'ils se sont rencontré la première fois via Skype, cela a beaucoup ressemblé à une rencontre amoureuse. Tous les deux se sont fait beaux, Rodolphe a réfléchi en amont à ce qu'il voulait lui dire et devant son écran, et il a scruté tous les détails en arrière plan qui pouvaient lui donner des indices sur la personnalité de la femme qui porterait ses enfants. "Cela demande une grande confiance de voir ses enfants portés par quelqu'un que l'on ne connaît pas depuis longtemps. C'est un lien très important qu'il faut entretenir", admet Rodolphe.

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Sur le fond, les mères porteuses ne sont pas les mêmes que les donneuses d'ovocytes pour des raisons médicales et pour épurer la charge émotionnelle. La plupart du temps, les donneuses souhaitent rester anonymes une fois l'enfant mis au monde. Rodolphe lui a malgré tout demandé d'écrire une lettre aux enfants afin de leur expliquer sa démarche. Cette lettre appartient aux enfants, et TÊTU, évidemment, n'y aura pas accès.

Une rencontre improbable

Stacy, la femme qui porte les enfants, est déjà mère de deux enfants. Elle est aussi assistante médicale dans un cabinet de l'Illinois. C'est sa première grossesse pour autrui, mais elle se sent confiante et son choix est réfléchi. "Il y a quelque chose d'insolite dans cette relation où deux personnes n'avaient aucune raison de se rencontrer si ce n'est celui de donner la vie", sourit Rodolphe. De fait, il habite à Paris et elle l'Amérique rurale et n'ont pas grand chose en commun. "Plus qu'une rencontre entre une mère porteuse et les enfants, la GPA créé un lien avec le parent d'intention", indique-t-il.

D'ailleurs, quand elle lui envoie des messages pour donner des nouvelles de la grossesse, Stacy parle de "tes bébés", sans qu'il n'y ait d'ambiguïté. Dans ses messages, son excitation est communicative. "Baby A is... a girl. And Baby B is ...... a boy ! Congratulations !!!!", lui écrit-elle à l'issue de son échographie ("Bébé A est... une fille et bébé B... un garçon ! Félicitations !!").

"Aux US, les croyants ne voient pas la GPA comme en France"

Stacy a ouvertement expliqué sa démarche auprès de son entourage. Contrairement à la mentalité française où l'on regarde les mères porteuses avec méfiance, aux États-Unis, Stacy est encouragée par son quartier. Ses amis lui ont même offert des t-shirts floqués d'un message qui se veut humoristique sur le fait qu'elle porte les enfants de quelqu'un d'autre. "C'est étonnant de voir qu'au sein-même de sa paroisse, elle est perçue comme quelqu'un qui permet à une famille de s'épanouir. La vision des croyants est totalement différente par rapport à la France", remarque le père.

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D'ailleurs, depuis qu'elle a porté ces enfants, Stacy a une meilleure estime d'elle-même. Elle a repris des études, changé de travail et s'est mariée. Depuis la naissance, elle voit les enfants par écrans interposés, une à deux fois par an. Ils la considèrent comme "une gentille dame". Rodolphe leur a écrit un conte pour leur expliquer dès le plus jeune âge la manière dont ils ont été conçus. Il leur explique qu'ils "sont nés de la volonté de personnes qui voulaient qu'ils existent. C'est en rien une histoire d'abandon mais de générosité !".

Pas un droit à l'enfant mais un devoir énorme

Rodolphe reconnaît volontiers avoir de la "chance" que son entourage soit ouvert sur la question de GPA, à l'image de la plupart des Français. Ses parents ont fondu en larmes quand ils ont appris qu'ils allaient être grands-parents. Il a tout de même perdu une amie proche qui l'a accusé de s'arroger un pseudo "droit à l'enfant". "Ce sont des attaques très violentes qui n'ont aucun fondement, dit-il. Être parent, ce n'est pas un droit mais un devoir énorme. C'est l'inverse d'un caprice mais un choix particulièrement ancré et réfléchi."

Surtout, une fois nés, la manière dont les enfants ont été mis au monde n'a plus aucune importance, seule compte la responsabilité à l'égard de deux êtres. Et le bonheur de vivre en famille.

Vous pouvez retrouver le témoignage de Rodolphe Blavy en podcast sur Majelan 

Crédit photo : Floriane de Lassee