Après le buzz de ses propos sur le mariage pour tous, le pape François a nommé de nouveaux cardinaux. Et parmi eux, Wilton Gregory, premier cardinal afro-américain au Vatican. Et c'est, à bien des égards, une décision qui en dit long.
Article mis à jour le 29/11/2020
Les institutions de l'Eglise sont-elles en train d'opérer leur mue ? Treize nouveaux cardinaux ont été ordonnés dimanche par le pape François, parmi lesquels Wilton Gregory, le premier archevêque noir des Etats-Unis à obtenir le chapeau rouge tant convoité. Il l'avait annoncé par surprise il y a environ un mois, depuis le balcon qui surplombe la place Saint Pierre bondée.
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La nomination de Mgr Gregory, 72 ans, a été accueillie avec enthousiasme par les défenseurs des droits LGBTQ et des progressistes aux États-Unis. Il avait, dès 2014 rencontré des parents d'enfants LGBT, et leur avait témoigné de son soutien dans une tribune publiée dans la presse locale, en affirmant que "l'Église doit accueillir tous ses enfants". Une prise de position pas banale pour un membre de l'Eglise qui ne l'est pas moins, et dont la nomination semble être un message envoyé par le pape. « Cette nomination démontre clairement la volonté du pape François de remodeler les Eglises américaines » fait savoir Nicolas Senèze, journaliste et spécialiste du Vatican et du catholicisme, contacté par TÊTU.
Un exemple à suivre
L’archevêque, originaire du South Side du Chicago - comme Michelle Obama - s’est converti au catholicisme à l’adolescence. Il a été nommé archevêque de Washington le 4 avril 2010, jour anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King en 1968. Tout un symbole. Pendant toute sa carrière, Mgr Gregory a milité afin de mettre fin aux scandales d’abus sexuel au sein de l’Église, prônant une approche de zéro tolérance vis-à-vis des coupables. Senèze affirme : "En nommant Mgr Gregory, le Pape désigne ce dernier comme un exemple à suivre pour les autres évêques".
La désignation de Mgr Gregory marquerait donc un pas vers une Église plus tolérante. Les cardinaux sont des personnages importants dans l'Eglise catholique, puisqu'ils participent au conclave, et élisent le pape. "Avec cette refonte de l’Église catholique, le Pape envoie un message : les questions morales sont moins urgentes que les questions sexuelles. C'est un effort parmi d'autres et il y a d'autres nominations à faire", affirme Senèze.
"Un effort parmi d'autres"
Mais pour les commentateurs du monde entier, ce choix serait même politique. Pour le quotidien italien la Repubblica, le pape a fait « le choix anti-Trump », et a pris soin de l'annoncer avant le dénouement de l'élection américaine. L’archevêque s’était en effet plusieurs fois opposé au président Donald Trump, notamment lors des manifestations qui ont secoué les États-Unis après la tuerie de George Floyd. Quand le président américain s’est rendu dans un sanctuaire dédié à Jean-Paul II à Washington au lendemain de la dispersion de manifestants pacifiques près de la Maison Blanche, le religieux a jugé l’attitude présidentielle « déconcertante et répréhensible ».
A quelques jours de l'élection présidentielle américaine, le choix du pape n'est pas anodin. Pour le spécialiste du Vatican, le choix d’un noir américain sensible à la justice raciale et aux questions LGBTQ porte un message politique, spécialement aux votants catholiques. Toutefois, il faut préciser que cette nomination s'accompagne de celle de Felipe Arizmendi, à Mexico. Un prélat de 80 ans qui, s'il est progressiste sur les droits des migrants, ne porte pas les personnes LGBT dans son coeur. Il a en effet déclaré que l'homosexualité était une contagion, et a remis en cause le mariage des couples de même sexe, qu'il juge "immoral". Il juge également que l'homosexualité n'est pas "naturelle", car si elle l'était, "elle serait présente dans les communautés indigènes, et elle ne l'est pas."
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Cet article a été réalisé par un.e étudiant.e en journalisme, en partenariat avec le Centre de Formation Professionnelle des journalistes.