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justiceÉlisabeth Moreno sur le #MeTooGay : "Cette libération de la parole doit être encouragée"

Par Nicolas Scheffer le 03/02/2021
metoogay

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes gay ont raconté les agressions sexuelles qu'ils ont subies avec le mot-clef #MeTooGay. Une libération de la parole qui montre le besoin de plus de structures pour accompagner les victimes. À TÊTU, la ministre chargée de l'Égalité, Élisabeth Moreno dit vouloir "accompagner davantage" les assos.

Le 21 janvier dernier, un jeune homme a accusé sur Twitter l'élu parisien Maxime Cochard et son compagnon de viol. Il a allumé la mèche d’une omerta qui a explosée avec un mot clef : MeTooGay. Des milliers de personnes ont témoigné sur les réseaux sociaux d’avoir également été victimes de viol, d’agression sexuelle ou de violences. Contrairement aux débuts du mouvement MeToo, de nombreux internautes ont apporté leur soutien aux victimes. "On vous croit", "soutien sans faille", peut-on lire sous les publications.

Après le moment de sidération vient de la réflexion et peut-être celui de l'action. Certes, le président Emmanuel Macron a tweeté que "la peur doit changer de camp". Mais au-delà du mantra, le gouvernement peine à accompagner la libération de la parole. Pour preuve : les victimes n'ont pas inondé les tribunaux. La ministre de l’Égalité en charge des dossiers LGBT+, Élisabeth Moreno se défend auprès de TÊTU. 

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Elle annonce la mise en place de deux nouveaux référents LGBT+ au sein des forces de l'ordre, à Montpellier et Lyon. Un audit est engagé dans les établissements scolaires pour améliorer la sensibilisation aux LGBTphobies dans les écoles. La ministre dit également vouloir "accompagner davantage" les associations LGBTQI+. Est-ce suffisant ? Rien n'est moins sûr.

TÊTU : Selon la dernière étude Virage, environ 6% des hommes homos ou bis ont été agressés par un membre de leur famille, hors couple. Qu’est-ce que vous leur dites ?

Élisabeth Moreno : Je les entends, je les crois, je suis à leurs côtés. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour que d’autres ne subissent pas cela. C’est atroce. Je ne peux que me réjouir que ces silences soient brisés. Cette libération de la parole doit être encouragée pour que nos jeunes sachent que ce n’est pas normal. Personne n’est protégé de ce type de violences.

Vous êtes du côté des victimes. Et pourtant, ces personnes ne font pas confiance en la justice. Guillaume, qui a lancé le MeTooGay en témoignant, n’a pas voulu porter plainte. Est-ce qu’il n’y a pas une défaillance du système judiciaire ? 

Beaucoup de personnes ne portent pas plainte parce qu’elles redoutent de ne pas être crues par la justice, mais aussi parce qu’elles peuvent avoir un sentiment de honte. C’est tellement difficile de raconter des histoires aussi douloureuses. C’est pourquoi il y a une nécessité de poursuivre le travail de formation, de sensibilisation de toute la chaîne pénale, pour que ces personnes sentent qu’elles seront entendues et crues.

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Cela commence au sein de la police et de la gendarmerie. La procédure judiciaire dépend de la manière dont la plainte va être reçue. Nous avons désigné des interlocuteurs dédiés aux plaintes des victimes LGBT+ dans quatre territoires : Paris, Bordeaux, Marseille et en Guyane. Deux autres officiers de liaisons doivent être nommés prochainement à Montpellier et à Lyon. Développer le nombre de personnes dédiées à l’accueil de la parole des personnes LGBT+ permettra à ces personnes de s’exprimer sans craindre l’omerta.

La communication sur les violences sexuelles est très majoritairement à destination des femmes. Est-ce que cela n’a pas installé l’idée qu’un homme ne peut pas être victime ?

Dès le 22 janvier, nous avons organisé une rencontre avec des associations pour travailler sur des points d’amélioration et le renforcement de la communication autour des dispositifs. Le 3919 est ouvert aux hommes tout comme le chat de l’association En avant toutes. Les personnels sont formés pour accueillir la parole des personnes homosexuelles en souffrance. Au 3919 s’ajoute également la ligne d’écoute de SOS homophobie ou l’application FLAG!. Tous ces outils sont clefs.

Ne faudrait-il pas mettre en place une ligne spécifiquement dédiée aux personnes LGBT+ victimes de violences ? 

La question n’est pas tant d’avoir une ligne à part, c’est de savoir qu’on peut avoir une écoute spécifiquement formée pour répondre à la souffrance. C’est l’expertise et la bienveillance de la personne que vous avez au bout du fil. La base de la violence part toujours de la domination d’une personne sur une autre. 

Est-ce qu’il y aura un avant et un après MeTooGay ?

Définitivement. La société prend conscience de la souffrance qui se passe au quotidien. C’est mettre la lumière sur les agresseurs qui profitent de leur situation pour s’attaquer aux personnes en situation de vulnérabilité. La honte doit changer de camp.

Vous avez félicité Emmanuel Macron qui a pris la parole sur Twitter. Est-ce un tweet qui va changer les choses ?

Vous êtes vexant, on va bien au-delà d’un tweet. Mais la parole compte : quand 30.000 personnes voient que j’encourage à se saisir de cette question, les associations qui luttent contre ce fléau se sentent encouragées. Les personnes qui commettent ces délits savent qu’on les regarde et qu’on ne va pas laisser faire.

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Mon rôle, ce n’est pas de tweeter, mais parler de ces sujets sur les réseaux sociaux est un moyen de mettre en lumière ce fléau et de le dénoncer. Mon rôle c’est d'agir. J’ai lancé le plan contre les LGBTphobies en octobre, ce plan salué par les associations contient des actions concrètes et un contrôle de son avancée va être assuré par la mise en place d’un comité de suivi. 

Dans cette optique, faut-il mettre en place un plan spécifique pour accompagner davantage les assos LGBT+ ?

Nous travaillons avec la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT+, ndlr) pour voir comment on peut accompagner davantage les associations LGBT+ qui s’appuient beaucoup sur les bénévoles. J’ai entendu qu’il y avait besoin de davantage d’aides et je regarde comment on peut y parvenir.

À l’école, les élèves doivent avoir trois heures de formation aux LGBTphobies par an. Mais bien souvent, ces heures ne sont pas données. C'est la même chose sur le consentement et l'éducation sexuelle ? Est-ce qu’il n’y a pas un problème dans l’application des programmes scolaires ?

Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons lancé un audit auprès des  écoles sur la sensibilisation aux violences sexuelles pour rechercher comment nous pouvons mieux faire. On peut créer des dispositifs, mais si sur le terrain, les gens ne s’en saisissent pas, c’est une catastrophe. On va continuer de former, de sensibiliser, de parler de ces sujets partout.

À l’éducation nationale, il y a environ 150 à 200 formateurs pour sensibiliser 61.000 établissements. Est-ce que les moyens sont à la hauteur ?

C’est aussi une question de volontarisme. Je crois beaucoup à la force des jeunes qui sont souvent en avance sur ces questions. Mettre en place une obligation de formation est indispensable mais si une personne rechigne à être formée, c’est inutile. Notre rôle est de soutenir et d’accompagner le personnel enseignant. Je sais aussi qu’on peut s’appuyer sur cette jeunesse qui a envie d’avancer et qui sait comment elle peut trouver les informations dont elle a besoin.

 

Crédit photo : Capture d'écran YouTube / Elle