LGBTphobieLa télé publique italienne accusée d'avoir tenté de censurer un discours contre l'homophobie

Par Nicolas Scheffer le 04/05/2021
Italie

Le rappeur Fedez voulait profiter de son passage à l'antenne pour appeler les parlementaires à voter un projet de loi contre les discriminations. Il y a cité les propos homophobes de parlementaires d'extrême droite.

Le concert du 1er mai n'est pas une tribune pour parler des LGBTphobies, en Italie. C'est en substance ce que regrette le rappeur Fedez, qui dénonce une censure de la Rai, la chaîne de télévision publique italienne. Il accuse ses dirigeants d'avoir tenté de le dissuader de critiquer l'extrême droite et ses propos homophobes, alors que le pays doit voter une loi pénalisant les actes LGBTphobes. Car aujourd'hui encore, aucun texte ne punit explicitement chez nos voisins des Alpes les discriminations et discours de haine contre les personnes LGBT+.

"Si j'avais un enfant homosexuel, je le brûlerais dans un four" ; "Les gay sont des victimes d'une aberration de la nature" ; "Le mariage gay conduit à l'extinction de la race". Ces phrases ouvertement homophobes ont été prononcées par des responsables politiques de la Ligue, le parti d'extrême droite emmené par l'ancien ministre Matteo Salvini, rappelle Courrier International. À la télévision, Fedez, en couple avec une femme, a souhaité rappeler ces déclarations insupportables. Il a également fustigé l'obstruction dont ferait preuve le parti d'extrême droite.

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Une conversation filmée

Sauf qu'avant de monter sur scène, la Rai aurait tenté de le faire taire. Après le concert, Fedez a publié une conversation filmée sur son téléphone dans laquelle le producteur et la numéro 2 de la chaîne indiquent que le concert festif ne se prête pas à la politique. La vidéo a dépassé les 2 millions de vues. Pour sa défense, la chaîne avance que l'enregistrement a été tronqué.

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L'épisode a été propulsé en une des journaux italiens. La Repubblica, principal quotidien de centre gauche, a titré ce lundi 3 mai "Un cyclone nommé Fedez sur la RAI", rapporte Courrier international. La question de l'indépendance des médias de service public est particulièrement tendue en Italie, notamment depuis que l'ancien Premier ministre et milliardaire Silvio Berlusconi a remodelé le paysage médiatique afin de porter ses ambitions politiques. Des responsables politiques, notamment l'ancien Premier ministre Guiseppe Conte, ont apporté son soutien au rappeur.

Des réactions politiques

Pour assainir le paysage télévisuel italien, le leader du Parti démocrate, Enrico Letta, demande que les parlementaires et anciens parlementaires ne puissent plus être nommés au conseil d'administration de la télé publique. "Nous demandons immédiatement des clarifications et des excuses à la RAI. Je tiens à remercier sincèrement Fedez car le fait parler de ces problèmes avec la force et la visibilité dont il dispose brise le tabou qui pèse sur la proposition de loi Zan", a-t-il ajouté sur Twitter.

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"Le courage de Fedez au concert du 1er mai donne une voix à toutes ces personnes qui souffrent encore de la violence et de la discrimination pour ce qu'elles sont. Le Sénat doit avoir le même courage pour approuver immédiatement une loi pour laquelle l'Italie ne peut plus attendre", a réagi le député du parti démocrate ouvertement gay Alessandro Zan, à l'origine de la réforme.

Le proposition de loi anti-discrimination suscite toutefois la controverse. La proposition de loi Zan prévoit de combattre les actes LGBTphobes en prévoyant des peines de prison, une première en Italie. La réforme a été adoptée à la Chambre des députés le 4 novembre dernier mais le Sénat doit encore le confirmer. Or, la coalition de centre-droit y est accusée d'obstruction parlementaire.

 

Crédit photo : Capture d'écran Instagram / Fedez