Saisi d'une chronique humoristique diffusée en janvier 2020 dans l'émission Par Jupiter! sur France Inter, le Conseil d'Etat estime que la chanson parodique "Jésus est pédé" ne contrevient pas aux limites de la liberté d'expression, d'autant que l'intention de l'auteur de cette parodie maladroite était de dénoncer l'homophobie.
Dire que "Jésus est pédé" pour faire rire à la radio publique, c'est ok – si c'est bien intentionné. Saisi d'une chronique humoristique diffusée le 10 janvier 2020 dans l'émission Par Jupiter! de France Inter, le Conseil d'Etat estime que le propos n'excède pas les limites de la liberté d'expression fixées par la loi française. La phrase avait été prononcée par l'artiste Frédéric Fromet qui présente, le vendredi dans l'émission de Charline Vanhoenacker, une chanson parodique, ici un pastiche de Jésus revient, fameuse chanson du film La Vie est un Long fleuve tranquille et ce, "au nom de la lutte contre l'homophobie".
"Jesus, Jésus, Jésus est pédé"
Dans sa décision datée du 6 mai, le policé Conseil ne reprend évidemment pas les termes incriminés, évoquant "une séquence à vocation satirique intitulée 'La chanson de Frédéric A', au cours de laquelle M. A, en réaction à la décision d’une autorité judiciaire brésilienne qui avait interdit un film présentant Jésus Christ comme une personne homosexuelle, a chanté une chanson dont le texte affirmait, en des termes souvent obscènes et grossiers, l’homosexualité de ce dernier".
A l'époque, la chanson de Frédéric Fromet avait fait tiquer la droite catholique, sans surprise, mais aussi au sein d'associations LGBTQ+ dont le comité Idaho France, qui expliquait alors au Parisien : "Que Jésus, Mahomet ou Bouddha soient homosexuels, trans, bisexuels ou queer ne nous dérange pas, que les jurons homophobes soient utilisés pour parler de leurs orientations sexuelles nous dérange et nous choque".
La chanson ne se contentait pas en effet de qualifier Jésus de "pédé" mais développait en ces termes : "Jesus, Jésus, Jésus est pédé, membre de la LGBT du haut de La Croix, pourquoi l'avoir cloué, pourquoi ne pas l'avoir enculé (…) Jésus, Jésus, Jésus est pédé, y a pas que l'hostie qu'il faut sucer. Du haut de la croix, Jésus aime son prochain, surtout s'il est masculin".
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Excuses de France Inter
Au terme de ses délibérations, le Conseil d'État convient de l'emploi de termes "souvent obscènes et grossiers" mais reconnaît l'intention, c'est-à-dire "que la diffusion de cette chanson, qui visait à critiquer les attitudes de discrimination à l'égard des personnes homosexuelles et dont les termes ne comportaient aucun encouragement à la discrimination envers un groupe de personnes déterminé à raison de leur religion, s'inscrivait dans le cadre d'une séquence à vocation explicitement satirique".
En conclusion, le juge administratif suprême estime que "malgré leur caractère outrancier, ces propos, qui sont restés isolés et ont au demeurant fait l'objet d'excuses ultérieures […], ne peuvent dès lors être regardés ni comme excédant les limites de la liberté d'expression ni, s'agissant de la société nationale de programme qu'est la société Radio France, comme caractérisant une méconnaissance par cette société de son obligation légale de concourir à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations." Et de rejeter le recours qui avait été déposé par l’association chrétienne Fondation service politique.
"J'ai été si mal compris que j'ai même heurté une association LGBT. C'est ma faute, donc."
Devant la polémique, Frédéric Fromet avait en effet rétropédalé dans un message publié par la médiatrice de Radio France : "Je constate que ma chronique est ratée. Elle n'avait pour but que de dénoncer l'homophobie. J'ai été si mal compris que j'ai même heurté une association LGBT. C'est ma faute, donc. Je le reconnais bien volontiers. Je présente mes excuses aux personnes que j'ai blessées, tout en revendiquant mon droit à l'erreur dans un exercice qui reste très périlleux". La patronne de France Inter, Florence Bloch, avait également fait part de ses "regrets les plus sincères" aux auditeurs et auditrices "que cette chronique a pu choquer". En septembre dernier, le CSA était parvenu à la même conclusion que le Conseil d'Etat, estimant que les propos "n’excédaient pas les limites de la liberté d’expression" et prenant acte des "regrets" exprimés par France Inter.
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Crédit photo : France Inter, capture d'écran YouTube