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HongrieLoi homophobe en Hongrie : l'Europe tape mollement du poing sur la table

Par Nicolas Scheffer le 08/07/2021
Loi homophobe en Hongrie : l'Europe tape mollement du poing sur la table

La présidente de la Commission européenne a indiqué qu'une procédure d'infraction pourrait être utilisée contre la Hongrie si elle ne retire pas sa loi homophobe. Mais elle a peu de chances d'aboutir...

"Il faudrait donner à Ursula von der Leyen un peu de poppers", souffle une source européenne. La Présidente de la Commission européenne a menacé la Hongrie d'une procédure d'infraction, si Budapest ne retire pas sa loi ouvertement homophobe. Une procédure qui n'a quasiment aucune chance d'aboutir vu qu'il faut l'unanimité des autres États. En attendant, la loi qui empêche la "promotion de l'homosexualité" auprès des mineurs entre en application ce jeudi. Elle fait déjà des victimes.

Mise en demeure

"Si la Hongrie ne corrige pas le tir, la Commission fera usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité de gardienne des traités", a dit ce mercredi 7 juillet Ursula von der Leyen, devant les parlementaires européens. Une lettre de mise en demeure doit être envoyée au plus tard à la mi-juillet, selon une source européenne citée par l'AFP. "Depuis le début de mon mandat, nous avons engagé quelque quarante procédures d’infraction liées à la protection de l’Etat de droit et d’autres valeurs européennes consacrées par l’article 2 du traité ", a rappelé la présidente de la Commission, oubliant que pour l'heure, aucune n'a abouti.

Les eurodéputés qui défendent les droits des personnes LGBTQI+ étaient consternés. "Quand je me réveille à côté de ma compagne, pleine de joie et de gratitude, je me demande comment vous pouvez détester que nous nous aimions", demande l'allemande écologiste Terry Reintke. "Nous devons faire face à un choix : une Europe de l'égalité, de liberté et de diversité ou une Europe de haine et d'oppression où des gouvernements encouragent des campagnes d'homophobie pour couvrir leur  corruption systémique", a-t-elle ajouté.

"Cette loi n'est pas seulement LGBTphobe, mais elle restreint également sévèrement les droits des enfants au lieu de les protéger. Monsieur Orban, vous n'empêcherez aucun enfant de devenir gay, lesbienne, bisexuel, intersexe ou trangenre. Il s'agit d'une identité, arrêtez de parler d'idéologie. Vous ne faites que forcez des enfants à se cacher dans la souffrance", a soufflé le Luxembourgeois social-démocrate Marc Angel.

De l'argent européen pour financer l'homophobie scolaire ?

Devant un hémicycle quasiment vide - c'était l'heure du déjeuner -, le français Pierre Karleskind (Renaissance) a demandé : "vous voulez vraiment que l'argent européen vienne financer des écoles, des centres de formations, des universités, alors même que vous refusez que nous y parlions de sujets comme l'homosexualité ou le genre ? Vous voulez l'argent européen, mais vous ne voulez pas les valeurs européennes". Dans le cadre du plan de relance post-Covid, la Hongrie doit recevoir quelque 7 milliards d'euros de subventions européennes.

Selon l'eurodéputé, interrogé par TÊTU, la Commission européenne devrait utiliser le mécanisme "État de droit". Ce mécanisme, entré en vigueur en janvier dernier, est censé permettre de suspendre des subventions de pays qui ne respectent pas la séparation des pouvoirs. Selon Pierre Karleskind, ce mécanisme pourrait être utilisé à échelle régionale. Mais les velléités de la Commission ne semblent pas le convaincre.

Une amende pour un livre traitant d'homoparentalité

Qu'à cela ne tienne, la Hongrie a dénoncé "la campagne sans précédent lancée" par l'Union européenne. "Bruxelles n'est pas en mesure de dire qui devrait élever les enfants ni comment", a déclaré le chef du bureau de Viktor Orbán. Ainsi, une entreprise de distribution hongroise a écopé d'une amende de 700 euros, mercredi. Il lui est reproché de ne pas avoir diffusé d'avertissement concernant un livre pour enfants parlent d'homoparents. Traduit de l'américain, le livre, publié par une ONG qui défend les droits des personnes LGBTQI+, parle d'une famille homoparentale.

Sa présentation "n'indiquait pas que les histoires contenaient des schémas de comportement différents des rôles de genre traditionnels, a indiqué Richard Tarnais, un commissaire de comté nommé par le gouvernement auprès de HirTV. Ce livre a été placé au milieu d'autres contes de fées et a ainsi enfreint la loi". 

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"Les familles arc-en-ciel sont totalement normales. Nous aimons nos enfants de la même façon, nous devons leur préparer leur petit-déjeuner le matin, nous sommes agacés lorsqu'ils colorient les murs avec des crayons, et nous avons la gorge nouée lorsqu'ils récitent un poème pour la première fois à l'école. (...) La sexualité des parents n'est pas un sujet du livre", a répondu la Fondation pour les familles arc-en-ciel sur Facebook. Amnesty international et l'association hongroise de défense des personnes LGBTQI+, Háttér Society, ont installé un coeur géant aux couleurs de l'arc-en-ciel devant le parlement européen.

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Crédit photo : Nagy Szabolcs / Amnesty International Hungary