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HongrieHongrie : la mobilisation de l'Union Européenne redonne de l'espoir aux assos LGBT+

Par Nicolas Scheffer le 02/07/2021
L'Union européenne peine à protéger les personnes LGBTQI+ persécutées en Hongrie

Depuis 10 ans, Viktor Orban s'en prend doucement mais surement aux droits des personnes LGBTQI+ en Hongrie. Le vote d'une loi interdisant la "promotion de l'homosexualité" auprès des enfants pourrait être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est en tout cas ce qu'espère Háttér society, une association LGBTQI+ hongroise.

Une fois encore, Bruxelles a tapé du poing sur la table mercredi 30 juin. Quinze jours plus tôt, la Hongrie a fait voter une loi ouvertement homophobe, interdisant la "promotion de l'homosexualité" et de la transidentité auprès des mineurs. La vice-présidente de la Commission Vera Jourova, en charge des Valeurs, affirme qu'elle est prête à lancer ce que les commentateurs appellent "l'arme nucléaire" diplomatique : la procédure d'infraction et demander des sanctions financières.

Pas certain que cela suffise à intimider Viktor Orban qui sape les droits des personnes LGBTQI+ depuis son arrivée au pouvoir, il y a 10 ans. Háttér society, une asso de défense des droits des personnes LGBTQI+ en Hongrie a fait le décompte. Alors que l'ancien pays du bloc soviétique a dépénalisé l'homosexualité dès 1961, Viktor Orban est revenu sur de nombreux droits. En 2011 et 2012, la police nationale a interdit la Marche des fiertés de Budapest. En 2011, le mariage est défini comme l'union d'un couple hétérosexuel dans la constitution.

En 2015, la Hongrie a apposé son veto sur une proposition de règlement visant à reconnaître les biens des époux binationaux de même sexe. Plus récemment, le gouvernement a profité de la crise sanitaire pour remettre en cause le droit des citoyen.ne.s transgenres à changer leur état civil. En décembre dernier, le parlement a adopté des amendements constitutionnels pour obliger l'adoption aux couples mariés, interdisant de fait l'adoption aux couples LGBTQI+. Luca Dudits, porte-parole de Háttér society, l'une des principales association LGBTQI+ hongroise, fait le point avec TÊTU.

TÊTU : À quoi ressemble la vie des personnes LGBTQI+ sous Orban ?

Luca Dudits : Le gouvernement du Fidesz a laissé de côté les sujets LGBTQI+ comme si les personnes concernées n'existaient pas. À partir de 2019 nous avons vu un changement dans leur rhétorique. Ils sont devenu très hostiles aux personnes LGBTQI+ et à leurs droits. Ils nous associent à des pédophiles. Les politiciens du Fidesz ont maintenu un discours de haine.  Nous sommes particulièrement concernés par les jeunes et leur santé mentale. À chaque fois qu'ils allument la télévision, ils peuvent entendre à quel point les personnes LGBTQI+ sont immorales, au lieu de leur donner accès à de l'information à propos de leur identité, de leur bien-être ou de leur sécurité.

"Heureusement, il y a eu énormément de protestation de la part de la société civile"

Pourriez-vous décrire la situation depuis le 15 juin ? 

Le parlement hongrois a adopté des amendements qui interdit la promotion et fait la publicité qui dépeint positivement les sujets LGBTQI+ auprès des enfants. Heureusement, il y a eu énormément de protestation de la part de la société civile. Nous avons manifesté avec plus de 5.000 personnes qui se sont déplacées dans la rue. Il me semble que c'est la plus importante manifestation qu'il y a jamais eu pour défendre les personnes LGBTQI+. Plus de 130.000 personnes ont signé une pétition contre ce texte. De nombreuses personnes ont changé leur photo de profil sur les réseaux sociaux pour montrer leur solidarité avec la communauté LGBTQI+. En Europe, depuis le match de Munich, les médias internationaux se sont intéressés à ce qui se passe ici, c'est une bonne chose.

Regrettez-vous que les dirigeants européens se soient intéressés à la situation hongroise seulement après le tollé provoqué par l'UEFA ?

La Commission européenne et certains parlementaires européens ont parlé de la loi homophobes avant le match à Munich. Les inquiétudes ont également été discutées au Conseil européen qui était programmé après le match. Ce que nous avons entendu de la part des institutions européennes est encourageant. Ils ne cherchent pas simplement à observer la situation mais se sont engagés à des actions diplomatiques. Nous pensons que les institutions doivent lancer une procédure d'infraction. La nouvelle loi va définitivement à l'encontre des traités européens et la liberté d'expression. La Commission peut également lancer des procédures juridiques.

Comprenez-vous que la lettre des 17 chefs d'État européens ne soit pas signée par tous les autres pays de l'UE ?

Mais c'est incroyable que 17 pays aient signé la lettre ! En Europe, il n'y a pas qu'en Hongrie que les droits sont attaqués. Cela aurait été vraiment étonnant si la Pologne avait signé la lettre, par exemple.

"Il y a un sentiment très vague sur ce que signifie la 'promotion de l'homosexualité'"

Avez-vous le sentiment que la rhétorique homophobe de Orban est soutenue dans la société ?

Cette loi a une responsabilité dans la montée de l'homophobie. La loi est tellement imprécise, il y a un sentiment très vague sur ce que signifie la "promotion de l'homosexualité" auprès des jeunes. Cela conduit à une forte auto-censure avec des personnes qui ne veulent pas enfreindre la loi. L'effet secondaire de cette loi, c'est qu'elle légitime l'homophobie et la transphobie au sein de la société. C'est pourquoi il est d'autant plus important de participer à la Marche des fiertés de Budapest le 24 juillet prochain.

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Crédit photo : Yanny Mishchuk / Unsplash