La Commission européenne menace la Pologne de ne pas accorder des aides locales de plusieurs milliards d'euros. Elle reproche à cinq régions de s'être déclarées "sans idéologie LGBT+".
C'est une petite révolution. La Commission européenne entend taper dans le porte-feuille de cinq régions polonaises qui se sont auto-déclarées "anti-LGBT+". C'est ainsi que la région de Cracovie, Malopolska, pourrait se voir refuser plusieurs milliards d'euros d'aides prévues pour 2021 à 2027. Lors d'une réunion le 28 mai dernier avec les représentants de Malopolska, la Commission a sorti la sulfateuse contre la Pologne.
"Le maintien de résolutions ("sans-LGBT+", ndlr) peut mener au blocage des négociations du programme régional pour 2021-2027", indique le compte rendu de la réunion que TÊTU s'est procuré. L'enjeu est énorme. Entre 2014 et 2020, la région a obtenu environ 2,8 milliards d'euros d'aides. Ces fonds structurels, dans le jargon européen, visent à réduire les inégalités entre les régions. Mais l'institution rappelle que les résolutions "anti-idéologie LGBT+" sont vraisemblablement incompatibles avec la Charte des droits fondamentaux. Or, son respect est "une condition préalable à la certification des dépenses". Pas de certification, pas de déblocage des fonds, est-il indiqué explicitement. CQFD.
Promouvoir "l'égalité et la diversité"
Lors de cette réunion, le représentant de la région assure que, selon lui, les résolutions appelant à empêcher la "promotion de l'idéologie (sic) LGBT+" n'est pas discriminatoire. Il rappelle que les habitants de Malopolska sont "attachés aux valeurs traditionnelles". La commission répond que le rôle de la région est de promouvoir "l'égalité et la diversité". Au contraire, les résolutions "stigmatisent un groupe de personnes" en les dépeignant comme "indésirables". L'institution européenne encourage de mettre en œuvre des projets qui luttent contre les discriminations, "y compris la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle".
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La Commission reproche également aux résolutions "anti-LGBT+" de nuire à leur développement touristique et économique. "De nombreuses collectivités locales européennes, principalement des villes partenaires, mais aussi des régions, ont mis fin à des partenariats à long terme avec leurs homologues polonaises, qui ont adopté des résolutions", indique-t-elle. "Par conséquent, la Commission ne voit aucune justification pour de nouveaux investissements en 2021-2027 dans la promotion du patrimoine culturel matériel et immatériel de la région et de l'offre touristique basée sur les ressources de ce patrimoine puisque les (autorités, ndlr) contribuent à créer une image hostile de Malopolska", note la Commission.
Le 27 mai dernier - la veille de la réunion -, Pierre Karleskind, eurodéputé Renaissance ouvertement gay, disait déjà à TÊTU que "dans la mise en œuvre des fonds régionaux, il ne peut pas y avoir d'atteinte aux valeurs de l'Union européenne. Nous sommes en période de discussion entre l'UE et les régions polonaises, j'ai donc rappelé à la Commission européenne qu'elle ne peut pas verser ces fonds. Je ne vois pas comment on peut valider un programme programmé par une région qui se met hors des clous des valeurs de l'UE".
Une procédure d'infraction
Mi-juillet, la Commission européenne a lancé une procédure d'infraction contre la Pologne. Cette procédure peut aboutir à des sanctions financières et à une suspension de vote. La suspension des versement des fonds européens était également attendue de longue date tant par les militants que par les eurodéputés. "On peut se demander pourquoi cela a pris deux ans à la Commission pour agir, mais soyons contents qu'ils fassent enfin quelque chose", se félicite Rémy Bonny, directeur exécutif de Forbidden Colours. Il a fallu que les députés européens montent au créneau et menacent la Commission pour qu'elle prenne des décisions.
"Il y a une dynamique positive, maintenant, il faut que ce soit bordé juridiquement pour éviter que cela nous revienne en boomerang", indique à TÊTU une source au sein de la Commission. Les autorités polonaises ont en effet peu apprécié que les institutions pointent du doigt leur homophobie assumée.
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Crédit photo : Christophe Licoppe / Union européenne