Des différences de salaires subsistent en moyenne selon l'orientation sexuelle des salariés, montre une méta-étude portant sur plusieurs pays. Et devinez qui sont les premiers de cordée…
Il est établi que, dans la plupart des pays, les femmes gagnent moins que leurs collègues masculins. Même chose pour les personnes en situation de handicap, ou pour les groupes ethniques minoritaires. Mais, et c'est sujet bien moins abordé, les personnes LGBTQI+ sont également confrontées à des discriminations salariales au sein de leur milieu professionnel.
Des chercheurs de l'Université Anglia Ruskin (Royaume-Uni) ont décidé de se donner une vue globale de la question. Relayé mi-juillet par la revue universitaire Journal of Population Economics, leur rapport intitulé "Orientation sexuelle et revenus : une méta-analyse" se fonde sur l'étude de 24 articles scientifiques parus entre 2012 et 2020 dans différents États d'Europe et d'Amérique du Nord, ainsi qu'en Australie. L'objectif de cette recherche étant donc d'observer à une large échelle les différences de revenus selon l'orientation sexuelle déclarée des salariés.
Les salaires moindres des gays et bis
Selon les conclusions rendues dans ce rapport, c'est entre les hommes bisexuels et leur collègues hétérosexuels que se révèle la plus grande disparité salariale. Les bis gagnent ainsi, pour un travail exigeant pareille qualification, 10,3% de moins que les hommes hétéros. Une différence de revenus que l'on retrouve également chez les femmes, mais en version atténuée, les femmes bies gagnant 5,1% de moins que leurs collègues hétérosexuelles.
En ce qui concerne les gays, l'étude montre qu'ils reçoivent en moyenne un salaire inférieur de 6,8% par rapport aux hommes hétéros. "La persistance des pénalités salariales pour les hommes gays et les hommes et femmes bisexuels face aux politiques anti-discrimination représente une source de préoccupation", écrit l'auteur de l'étude, Nick Drydakis.
Le cas des lesbiennes
En élargissant la focale géographique et temporelle grâce à la diversité des recherches analysées, cette étude permet de se rendre compte d'une forme de "ruissellement" discriminatoire assez simple et universel : les hommes hétéros sont mieux payés que les hommes gays, qui gagnent plus que les femmes lesbiennes, qui sont elles-mêmes mieux rémunérées que les femmes hétérosexuelles.
Les lesbiennes gagnent ainsi en moyenne 7,1% de plus que leurs collègues hétérosexuelles. Un constat a priori contre-intuitif que les chercheurs expliquent en partie par… une sorte de discrimination positive à l'envers. Ainsi, relève en effet Nick Drydaki, des critères masculins, "qui caractérisent de manière stéréotypée les lesbiennes et démontrent un leadership", "ont été utilisés pour évaluer leurs expériences". Pour le professeur en économie, une autre hypothèse d'explication est que les femmes lesbiennes, statistiquement moins susceptibles que leurs collègues hétérosexuelles de se marier et d'avoir des enfants, ont plus de temps pour "investir dans une carrière professionnelle".
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Quoi qu'il en soit, le professeur rappelle que "la législation et les directives sur le lieu de travail devraient garantir que les gens reçoivent le même salaire et ne subissent aucune forme de préjugé sur le lieu de travail simplement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre".
Un constat similaire sur les salaires en France
Ce rapport fait écho en France à une étude publiée en 2010 par Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, chercheurs au sein du Centre d'étude des politiques économiques de l'Université d'Évry. Rapportée par Libération, elle avait permis de prouver que les personnes LGBTQI+, et en particulier les hommes gays, souffraient de discrimination salariale.
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Le cas français avait juste montré une différenciation entre les secteurs privé et public : les deux économistes avaient ainsi observé que les hommes gays ne gagnaient "que" 5,5% de moins que leurs homologues hétéros dans le secteur public, contre 6,5% dans le secteur privé. Un "écart de rémunérations 'inexpliqué', soulignait Thierry Laurent, qui doit être qualifié de discrimination [...] sauf à prouver que les gays font plus la fête et sont donc moins productifs au travail". Manifestement, dix ans plus tard, il reste du chemin à parcourir.
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