REPORTAGE. Environ 200 personnes ont marché ce dimanche à Paris en hommage à deux femmes trans mortes en septembre.
La colère est audible dans les cris des manifestant·es. Une foule de 200 personnes s'est réunie ce dimanche 10 septembre Porte Dauphine, à Paris, après la mort de deux femmes trans la semaine du 18 septembre. Sur les pancartes, on demande la justice. Justice pour Ivana, femme trans péruvienne, travailleuse du sexe, âgée de 31 ans, présumée assassinée dans son appartement, et pour la jeune Sasha, 22 ans, qui se serait suicidée malgré le soutien de sa famille, avait alors rapporté Acceptess-T, l'association de lutte contre les discriminations et violences liée à l'identité de genre.
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"La transphobie institutionnelle reprise par la société "
Au micro, la voix de Giovanna Rincon, présidente de l'association, tremble d'émotion. « La transphobie institutionnelle reprise par la société pousse des personnes trans à s’ôter la vie. Nous refusons d’être présentées comme des victimes qui souffrent, poursuit-elle, nous devons occuper l’espace public pour montrer que nous sommes heureuses d’être trans ! ». Les chiffres lui donnent raison, selon Santé publique France, les personnes trans ont sept fois plus de risque de se donner la mort que la population générale.
Au-dessus des têtes, on peut lire sur des pancartes « Trans Rights are human rights » (les droits trans sont des droits humains), « la transphobie tue » ou encore « Nique le cis-tème ». Alors qu'on crie « Solidarité avec les trans du monde entier ! », on rencontre Alex. Quand on lui demande comment elle se sent, la jeune femme de 25 ans décrit le « mélange de tristesse et de colère » qui l’a menée à venir manifester ce dimanche. « Ça fout la rage de voir que c’est toujours aussi indispensable de se battre pour nos droits », s’exclame-t-elle. Son ami Nato, 31 ans, regrette qu’on « en vienne à avoir une liste de femme trans mortes à cause de la transphobie ». Arrivé.es à mi-parcours, les manifestant·es se mettent à genou et lèvent le poing pour rendre hommage, en silence, aux deux nouveaux noms de cette liste morbide.
Prise de conscience chez les jeunes
Milo, 21 ans, un drapeau bleu ciel, blanc et rose autour du cou, veut toutefois rester optimiste : cette marche était nécessaire. C'est la première fois qu'il vient manifester avec et pour la communauté trans. « Ça fait du bien de voir qu’on n’est pas seul, qu’on peut se soutenir entre personnes trans ». Il poursuit en souriant : « Je ne pensais pas qu’on serait autant, ça donne vraiment envie de montrer qu’on est là et que, quoiqu’il arrive, on sera toujours là. »
La présence nombreuses des jeunes n'a pas échappée à Giovanna Rincon. Elle nous confie qu’elle est contente de voir qu'ils se mobilisent : « Qu’ils soient alliés ou concernés, ça montre qu’il y a une prise de conscience», estime la cofondatrice de l'asso née en 2010. Elle explique que cet événement avait pour but de « créer un pont entre deux mondes trans », pour rendre hommage à deux femmes trans qui ne « venaient pas du tout du même milieu ».
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Des parents mobilisés
Plusieurs parents de femmes trans décédées s'étaient d'ailleurs réunis derrière une bannière sur laquelle on pouvait lire : « Nos enfants sont transgenres, respectez-les ! » « C’est un message fort, il était temps ! », a commenté Giovanna Rincon.
Carole, la mère de Mathilde - une femme trans qui s’est suicidée à l’âge de 19 ans en mai 2020 - fait partie du groupe derrière la banderole. « J’aimerais que la mort de ma fille ne soit pas inutile, que les gens comprennent que la transphobie mène des jeunes personnes à se suicider », témoigne-t-elle auprès de TÊTU. Elle ne perd pas espoir même si elle « sait qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire, car les jeunes trans ne voient pas leur avenir de manière optimiste ».
Alors, pour célébrer l'identité trans, Acceptess-T avait prévu un événement culturel après la marche près du bois de Boulogne. Un moment convivial et joyeux, pendant lequel une tombola était organisée pour apporter une aide financière à la famille d’Ivanna, et pour contribuer au Fond d’action sociale trans (FAST), venant en aide aux personnes trans précaires.