écoleSuicide de Dinah : le bouleversant témoignage de la mère de l'adolescente victime de harcèlement scolaire

Par Nicolas Scheffer le 25/10/2021
L'affaire du suicide de Dinah Gonthier, 14 ans

Un hommage a eu lieu ce dimanche à Mulhouse (Haut-Rhin) en mémoire de Dinah, l'adolescente de 14 ans dont le suicide rappelle tragiquement l'importance de lutter efficacement contre la harcèlement scolaire et l'homophobie à l'école.

Plus d'un millier de personnes se sont déplacées pour rendre hommage à Dinah ce dimanche 24 octobre dans le Haut-Rhin. L'adolescente de 14 ans s'est donnée la mort au début du mois après avoir été victime, durant plus de deux ans, d'un harcèlement scolaire. Place de la Réunion à Mulhouse, sa mère a livré un témoignage poignant, appelant à une meilleure lutte contre ce phénomène.

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D'une voix frêle, devant une banderole "Dinah à tout jamais dans nos cœurs", sa mère a rappelé que Dinah avait des projets : "Ma fille aimait la vie, c'était une personne intelligente, elle voulait être présidente de la République. Elle voulait faire tellement de choses et maintenant, elle n'est plus là...". Le 5 octobre, elle a retrouvé sa fille pendue dans sa chambre de leur appartement de Kingersheim, en Alsace.

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Une enquête a été ouverte par le parquet de Mulhouse afin de déterminer les "causes de la mort" de Dinah, la famille ayant fait état du harcèlement solaire qu'elle subissait selon ses proches depuis la classe de quatrième. Ce dimanche, la mère a pointé du doigt les personnes qui y ont participé : "Elles l'ont poursuivies jusqu'à la maison, jusque sur les réseaux sociaux".

"Sale lesbienne", "sale arabe"

Sociable, Dinah était entourée d'un groupe de copines. "Elles faisaient plein d'activités ensemble, dormaient l'une chez l'autre", dit sa mère citée par l'Alsace. Jusqu'à ce jour où Dinah leur annonce son orientation sexuelle, en 2019, alors qu'elle est en 4ème. "Dès le moment où elle leur a dit qu'elle était attirée par les filles et tout particulièrement par une fille du groupe, leur comportement a changé. Elle a eu des courriers insultants. Dinah avait une sensibilité à fleur de peau. Elle a très mal vécu ce changement de comportement", poursuit sa mère dans le quotidien régional.

"Elle leur a parlé du mouvement LGBT, un mouvement qu'elle suivait. Les filles, à partir de ce moment n'étaient pas d'accord avec ce qu'elle défendait et lui ont envoyé des messages, l'ont bousculée, l'ont critiquée... Elles avaient fait un programme pour s'attaquer à ma fille quant à son orientation sexuelle", dit encore Samira sur BFMTV.

Les encadrants du collège sont informés et une confrontation a lieu avec celles qui traitent Dinah de "sale lesbienne", "sale arabe", "sale métisse". L'adolescente change d'établissement en entrant au lycée, mais retrouve ses bourreaux dans le réfectoire partagé de la ville. Une première tentative de suicide a lieu en mars 2021. Dinah demande ensuite à ses tortionnaires de la laisser tranquille mais, selon son frère sur BFM, elle reçoit en retour : "La prochaine fois, on espère que tu arriveras à mourir".

Blanquer appelle à "ne pas s'emballer"

La procureure de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, a déclaré que le "harcèlement dont elle aurait été victime" n'est pour l'heure "qu'une hypothèse" expliquant le suicide de la jeune fille, qui doit être vérifiée notamment via "l'exploitation en cours de son téléphone et de son ordinateur". Il faudra surtout que les enquêteurs fassent la lumière sur la responsabilité des établissements scolaires car la famille de Dinah entend porter plainte. "On compte porter plainte contre le collège qui n'a rien fait pour ma sœur. On n'accepte pas ça", pointe son frère Rayan, interrogé par BFMTV.

Sur France Bleu Alsace, l'académie de Strasbourg fait savoir qu'elle "prend très au sérieux les situations de harcèlement". Mais des réponses sont attendues. Appelant à "ne pas s'emballer", Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation, a considéré ce lundi matin sur Europe 1 que le suicide de Dinah "doit nous alerter sur les phénomènes de tout ordre. Le harcèlement en fait partie". Et d'ajouter : "C'est toute la société qui est à former".

Lutter à l'école contre l'homophobie

Sandrine Rousseau, ancienne candidate à la primaire écologiste, a quant à elle considéré que "l'histoire tragique de Dinah devrait déclencher un grand plan de protection de l'enfance. De l'enfance placée à celle harcelée, violentée, les souffrances des enfants sont largement sous-estimées et non traitées en France", a-t-elle réagi sur Twitter.

"Le harcèlement scolaire touche tout particulièrement les jeunes LGBT. 50% des LGBTphobies envers les jeunes ont lieu à l'école", rappelle sur France 3 SOS homophobie. Avec beaucoup de gravité, Samira, la mère de Dinah en appelle aux parents : "Pour ceux qui ont des enfants, parlez-leur. Dites-leur de ne pas harceler, que c'est grave."

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Si vous êtes victime de harcèlement, ne restez pas seul·e
Des lignes d'écoute sont disponibles, comme Suicide écoute, disponible 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00, ou SOS Amitié au 09 72 39 40 50, également 24h/24 et 7 j/7. SOS homophobie dispose aussi d'un chat d'écoute en ligne et d'une ligne d'écoute anonyme au 01 48 06 42 41. D'autres ressources sont recensées sur le site de l'Assurance maladie.

Crédit photo : capture d'écran BFMTV