Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) a validé le nouveau programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), prévu initialement pour la rentrée 2024.
"Une victoire pour l’École, les élèves et les personnels !", a salué la Fédération syndicale unitaire (FSU), première fédération syndicale de l'enseignement en France. Le nouveau programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) a franchi ce jeudi 30 janvier une étape-clé pour sa future publication avec le vote du Conseil supérieur de l'éducation (CSE), instance consultative de l'Éducation nationale, par 60 voix pour et 0 contre, a indiqué la FSU à l'Agence France-Presse (AFP).
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Contesté par les milieux conservateurs qui lui reprochent de propager une pseudo "théorie du genre", le programme devait initialement entrer en vigueur à la rentrée 2024. Il prévoit trois séances annuelles – théoriquement imposées par la loi depuis 2001, mais rarement mises en œuvre – d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle dans l'ensemble des écoles, collèges et lycées, publics comme privés. Après plusieurs contretemps liés notamment à la dissolution de l'Assemblée nationale, le CSE s'est réuni mercredi et jeudi pour examiner et voter le texte, une étape décisive avant sa prochaine publication officielle et sa mise en oeuvre à la rentrée prochaine. "Les échanges ont été vifs et pertinents. Je sais que nous allons aboutir à un texte ambitieux et équilibré, essentiel pour notre jeunesse. Le programme final sera publié dans les prochains jours !", avait écrit mercredi sur les réseaux sociaux la ministre de l'Éducation nationale, Élisabeth Borne, dont les services gardent la main pour la rédaction finale.
Ce que contient le programme
Dans sa nouvelle version, le programme Evars prévoit un apprentissage en deux étapes : "Une 'éducation à la vie affective et relationnelle' pour l’école maternelle et l’école élémentaire, une 'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité' pour le collège et le lycée", avec évidemment "un ajustement à l’âge et à la maturité des élèves".
Concrètement, à l'école maternelle et élémentaire, le programme est centré sur la vie affective et relationnelle. En maternelle, il prévoit la prise en considération du corps, des sentiments, des émotions, du respect de l'intimité et de l'égalité entre filles et garçons. Avant l'âge de 4 ans, il s'agit de connaître son corps (nommer ses différentes parties), d'avoir conscience de l'intimité, d'apprendre à "exprimer son accord ou son refus", ou d'être sensibilisé à l'égalité entre filles et garçons (comprendre par exemple qu'une activité ou un métier peuvent être choisis par tous). À partir de 4 ans, le programme inclut le fait d'identifier des adultes de confiance et d'apprendre à faire appel à eux, de distinguer ce que l'on peut garder pour soi ou entre enfants (comme un secret) d'une situation de danger, ou encore d'"appréhender, comprendre et respecter les différentes formes de famille".
En élémentaire, les élèves se voient notamment présenter des connaissances scientifiques plus précises sur leur corps (avec un vocabulaire adapté à leur âge) et leurs émotions. À partir du CM1, ils apprennent aussi à connaître les principaux changements du corps à la puberté, à repérer les situations de harcèlement ou à comprendre les stéréotypes pour lutter contre les discriminations (par exemple lire des textes pour identifier les inégalités femmes/hommes dans l'histoire). En CM2, les enfants apprennent aussi à repérer et se protéger des violences sexistes et sexuelles, ou à connaître leurs droits pour un usage sécurisé du numérique (dangers d'internet et des réseaux sociaux, interdiction des réseaux aux moins de 13 ans...).
Le programme aborde la sexualité à partir du collège. Il s'agit d'aider les élèves à "comprendre et à vivre sereinement" les changements dont ils font l'expérience et "appréhender progressivement" la notion de sexualité "dans l'ensemble de ses implications". Ils doivent appréhender les changements du corps et le respect des autres en 6e, l'orientation sexuelle et le fait de développer librement leur personnalité, notamment en 5e où ils apprennent à "différencier sexe, genre, orientation sexuelle et respecter leurs diversités". En 4e, la sexualité est abordée comme une "réalité complexe" ("pouvant faire intervenir le plaisir, l’amour, la reproduction, etc") et en termes de santé (dont la prévention des risques). Les "incidences des réseaux sociaux sur les relations" sont aussi évoquées. En 3e, les élèves doivent être amenés à "interroger les liens entre bonheur, émotion et sexualité", "savoir reconnaître et caractériser des contextes de danger et de vulnérabilité" (risques, mécanismes d'emprise...), les violences sexuelles ou les discriminations.
Au lycée enfin, "la dimension réflexive et critique est approfondie" et le programme invite "au développement de connaissances plus précises ainsi qu’à l’approfondissement de la capacité de questionnement des élèves". La classe de seconde permet d'"explorer les tensions entre l'intime et le social" (dont la protection à l'ère des réseaux sociaux). Les élèves doivent, entre autres, "comprendre que les différences biologiques entre les femmes et hommes ne déterminent pas les expressions, les comportements et les rôles attribués au genre 'masculin' et 'féminin'." Pour la première fois dans le programme, il est proposé, "à partir de témoignages", de leur faire "prendre conscience que le sexe biologique peut ne pas correspondre à son identité de genre". La première doit permettre d'aborder "les conduites, tentations, plaisirs et risques" (à travers par exemple l'étude d'œuvres). La terminale "rassemble les acquis permettant à l'élève d'appréhender la sexualité en jeune adulte responsable". Il s'agit, entre autres, de "savoir résister individuellement et collectivement aux violences sexistes et sexuelles et aux discriminations liées au sexe, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle".
Information obligatoire des parents
"Le texte a retrouvé pleinement l'esprit de l'Evars", a salué après le vote du CSE Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées. Et d'ajouter : "La discussion a permis de faire entendre notre voix syndicale, la voix des personnels face à ce qui reste d'influence de l'extrême droite et des réactionnaires." L'information obligatoire des parents "de la tenue et du contenu des séances obligatoires" a évolué, a expliqué à l'AFP Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-Snuipp (premier syndicat du primaire) : "Ils auront une information en début d'année", selon une circulaire, ce qui permet "de ne pas mettre en danger les enseignants ou d'avoir des parents hostiles qui retirent leur enfant de l'école" lors de ces enseignements.
Dans un communiqué, le syndicat Unsa se réjouit du "maintien des termes 'identité de genre' et 'orientations sexuelles' dans le programme" comme des "mots explicites comme hétérosexualité, homosexualité, bisexualité". La fédération de parents d'élèves FCPE demande au gouvernement de publier "rapidement" ce programme et de "ne céder à aucune pression conservatrice" en l'appliquant bel et bien à la prochaine rentrée.
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Crédit photo : Frederic Petry / Hans Lucas via AFP