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lesbophobieLa Réunion : après sa violente agression, Julie témoigne

Par Tessa Lanney le 17/12/2021
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Lundi 13 décembre, Julie était victime d'une agression lesbophobe dans la commune de Le Tampon, sur l'île de La Réunion. Avec l'association LGBTQI+ Orizon, la jeune femme de 22 ans et sa famille organisent une manifestation afin de dénoncer ces violences.

Alors qu'elle rentrait chez sa mère accompagnée de sa petite amie le lundi 13 décembre, Julie, 22 ans, a été agressée violemment par deux individus. "Laissée pour morte" à Le Tampon, dans le sud de l'île de la Réunion, la jeune femme a pu être emmenée par son frère et sa mère à l'hôpital où les médecins lui ont prescrit cinq jours d'ITT. Contactée par TÊTU, la gendarmerie de Saint-Pierre confirme qu'une enquête a été ouverte et que deux individus ont déjà été interpellés. "C’est la première fois que je fais face à la violence, nous raconte Julie, la voix lourde. Je ne sais même pas comment l’exprimer, je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça. Je ne les connaissais même pas."

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"Pourquoi deux femmes se tiennent la main ? C'est quoi ça ?". C'est ainsi que l'un des deux agresseurs alpague le couple vers 16h30 ce jour-là. Julie rit. "Elle est habituée à la critique, déplore sa soeur Maeva, elle ne répond plus à la provocation". Mais le garçon enchaîne : "Si tu te prends pour un homme, montre-nous que tu arrives à te bagarrer comme un homme." Encore une fois, le rire nerveux l'emporte. Le jeune homme s'approche de la jeune femme et lui envoie un premier coup de poing au visage. Julie parvient à se défendre des premiers coups mais très vite, le deuxième individu vient prêter main forte à son ami. La jeune femme est rouée de coups, en particulier au niveau de la tête et du torse.

"Je suis très fatiguée. Je ne dors pas beaucoup, je n’arrive pas à manger."

"Heureusement que sa copine a tenté de la défendre, confie sa soeur. Si elle n'avait pas pu essayer un minimum, je pense que Julie serait morte." Pour le moment, la victime écope de "trois points de suture au visage, les lèvres complètement éclatées, les yeux au beurre noir, et de deux traumatismes crâniens". Mais au-delà des séquelles physiques, l'agression a laissé des traces plus profondes. "Je ne pense à rien d’autre, affirme Julie. Je suis très fatiguée. Je ne dors pas beaucoup, je n’arrive pas à manger. C’est plus difficile encore mentalement que physiquement." Ce que Maeva, sa soeur, confirme avec inquiétude : "Elle est complètement détruite, elle a peur, le moindre bruit la fait sursauter. Elle passe son temps à pleurer."

Femme et lesbienne à La Réunion

Jusque-là, Julie ne s'était jamais sentie menacée mais depuis cette agression, elle ne sait pas si elle pourra sortir ou s'il vaut mieux qu'elle reste chez elle. "Je pense que ça va prendre du temps avant que je ne retrouve une vie normale", confie la jeune femme à TÊTU. Sa soeur craint les conséquences de l'agression sur son estime d'elle-même : "Elle avait déjà peur du regard des autres mais depuis l’agression, elle a perdu toute confiance en elle. Pour elle, elle n’est pas normale."

Mathilde Lebon est militante féministe, lesbienne et membre de l'association réunionnaise Requeer. Elle explique qu'à la Réunion, malgré certaines avancées, comme notamment la première Marche des fiertés organisée le 16 mai dernier, "de nombreuses intolérances perdurent et se transforment en violences". Au regard de l'agression de Julie, elle souligne : "En plus d’être lesbienne, c’est une femme, la violence est double. La question de la masculinité à la Réunion joue un rôle important, il faut que la question soit discutée, avance la militante. Il est très difficile pour les femmes de sortir des stéréotypes sexistes qui leur sont inculqués. Si les femmes ne sont pas féminines, ne rentrent pas dans les normes, c’est perçu comme une menace." "Je me dis que ça aurait tout à fait pu m'arriver en me promenant avec ma copine", ajoute-t-elle, et craint aujourd'hui que cet événement ne dissuade de jeunes lesbiennes réunionnaises de s'affirmer.

Une manifestation de soutien

Julie, elle, n'a que 22 ans mais heureusement, elle est très entourée. "Pour ma famille aussi c’est très compliqué, mais ils sont là, avec moi, ils me soutiennent", assure la jeune femme. "Je suis fière de ma coeur et je la respecte peu importe qui elle aime", déclare Maeva. Julie et sa famille ont depuis reçu d'innombrables messages de soutien, "même de la part de gens que je ne connaissais pas. Je n'ai pas encore eu le temps de répondre à tout le monde mais je tiens vraiment à les remercier pour tout, ça m’aide beaucoup. S’il n’y avait pas tout ce soutien ce serait encore plus dur à vivre".

Julie en est persuadée, "si ça n'avait pas été moi, ça aurait été quelqu'un d'autre. Et ça peut encore arriver". C'est pour cela qu'elle et sa famille, avec le soutien de l'association LGBTQI+ Orizon, préparent une manifestation avec de dénoncer les violences perpétrée à l'encontre des personnes LGBTQI+. "Elle devrait se dérouler le 22 ou du 23 décembre, indique Julie. On va manifester pour tous ceux qui ont vécu la même chose, pour montrer qu'on est là et que, malgré tout, on ne lâche rien."

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Crédit photo : Julie via Facebook