L’Assemblée nationale étudie en deuxième lecture le texte de loi sur l’adoption qui doit notamment permettre de donner, au sein d’un couple lesbien, des droits à celle qui n’a pas porté l’enfant. Sauf que ce texte risque de pénaliser, une fois encore, les couples qui se sont tournés vers la PMA artisanale. Explications.
Elle se présente comme une nouvelle brique sur l'édifice des droits pour les familles homoparentales, mais l'est-elle véritablement ? Après la loi bioéthique, voici que l'Assemblée nationale se penche ces 17 et 18 janvier sur l'adoption. Objectif : simplifier l'adoption homoparentale à travers une réforme des Conseils des familles. En outre, les couples qui souhaitent adopter un enfant n'auront plus besoin d'être mariés pour le faire. Pour les couples lesbiens, la mère qui n'a pas porté l'enfant pourra également être reconnue plus facilement. Mais certains problèmes risquent de perdurer.
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"Avant la loi bioéthique et la PMA pour toutes, il fallait attendre la naissance de l’enfant puis six mois de vie commune avec la seconde mère pour pouvoir l'adopter, se souvient Stéphanie, 34 ans. J’ai pu adopter ma fille Alix quand elle avait 18 mois et mon fils Samuel quand il avait 10 mois." Dans leur dossier d’adoption de 70 pages, des photos, les actes de naissance, un extrait de casier judiciaire, mais aussi "des preuves que je m’occupe bien de mon fils et des lettres de nos proches pour dire que je suis bien présente dans sa vie".
La PMA artisanale non prise en compte
Pendant plusieurs mois, avec sa compagne Marie-Charlotte, 34 ans également, elles ont collecté des petits bouts de vie pour prouver au juge qu’elles étaient bien toutes les deux mamans de leurs enfants : des photos, des lettres de proches, des messages de bienveillance... La procédure administrative éreintante et risquée a été facilitée avec la loi bioéthique. Désormais, avant même la grossesse, les couples lesbiens doivent réaliser une Reconnaissance conjointe anticipée (RCA) de l'enfant. "Il est très important de faire cette reconnaissance avant l'insémination. À partir du moment où la grossesse a commencé, cette démarche ne peut plus être effectuée", avertit Céline Cester, présidente de l'association Les Enfants d'arc-en-ciel. Cette RCA doit être établie devant un notaire et permet que la filiation de l'enfant soit sécurisée à l'égard des deux mères.
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Mais la RCA ne résout pas la difficulté de certaines situations existantes. À 37 ans, Aurélie, dont le prénom a été modifié, attend de pouvoir adopter son enfant depuis sa naissance en 2017. "Mon épouse est partie avec notre fille. Elle m'a dit que je n'étais pas sa mère et que je ne le serais jamais", déplore-t-elle. Depuis, 500 kilomètres et 19 plaintes les séparent. Avant leur divorce, toujours en cours, Aurélie n'a pas eu le temps d'adopter légalement sa fille. Elle n'a donc aucune autorité parentale. Une situation confuse à laquelle la reconnaissance conjointe anticipée doit mettre fin... mais pour les futures familles.
Pour sécuriser la filiation de PMA, un article (9 bis) a également été ajouté dans la proposition actuellement en discussion à l'Assemblée. Il prévoit que pendant trois ans, "la femme qui n'a pas accouchée peut, à titre exceptionnel demander l'adoption de l'enfant (...) sans que puisse lui être opposée l'absence de lien conjugal". Une procédure toutefois longue, regrettent les associations. Surtout, les PMA artisanales réalisées en France avant l'adoption de la loi bioéthique ne sont pas prises en compte, tout comme celles qui perdurent en raison du manque de gamètes. "Il suffirait juste qu’ils rayent la mention 'PMA à l’étranger' et je rentrerais dans les clous. Mais là, même avec ce texte de loi, je ne pourrai pas récupérer ma fille", souffle Aurélie.
D'autant plus injuste que la reconnaissance conjointe n'est pas demandée aux couples hétéros qui réalisent une PMA. "L’idée c’était de pas toucher aux droits des hétéros. En faisant cela, la loi bioéthique a refusé de faire rentrer les couples lesbiens dans la norme", lâche Céline Cester. Après sa discussion à l’Assemblée nationale jusqu’à ce mardi 18 janvier, la proposition de loi repartira au Sénat où, pour être adoptée définitivement, elle doit être votée avant le 27 février. Un mince espoir pour toutes les mères qui attendent de pouvoir adopter leurs propres enfants.
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