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EuropeLa justice européenne reconnaît l'homoparentalité à l'échelle de l'UE

Par Nicolas Scheffer le 15/12/2021
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Dans un arrêt à valeur de jurisprudence, la Cour de justice de l'Union européenne établit que l'homoparentalité ne doit pas être un frein à la reconnaissance de citoyenneté d'un enfant né d'une PMA.

C'est un pas de géant pour la jurisprudence concernant les droits des personnes LGTBQI+ en Europe. Ce mardi 14 décembre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a ordonné à la Bulgarie de fournir des documents d'identité à Sara (nom d'emprunt), fille d'un couple de femmes mariées et née en 2019 d'une PMA en Espagne. Par cette décision, l'homoparentalité ne doit plus être un frein à la délivrance de papiers d'identité.

"Les États membres doivent reconnaître ce lien de filiation"

Sara est née à Gibraltar d'une mère britannique et d'une deuxième bulgare. Si elle ne peut obtenir la nationalité espagnole ni la nationalité britannique, la loi bulgare prévoit que l'enfant d'un parent bulgare peut prétendre à la nationalité. Mais les autorités refusent de délivrer des papiers d'identité avec le nom des deux mères, au motif qu'elles ne disposent pas d'un acte de naissance bulgare.

C'est là que la Cour de justice intervient. "L'État membre dont l'enfant est ressortissant est obligé de lui délivrer une carte d'identité ou un passeport, sans requérir l'établissement préalable d'un acte de naissance par ses autorités nationales", tranche l'arrêt rendu mardi. "Les États membres doivent reconnaître ce lien de filiation pour permettre à Sara d'exercer, avec chacun de ses parents, son droit de libre circulation", ajoute la décision qui doit faire jurisprudence dans toute l'Union, où les législations diffèrent selon les États membres. "À la différence d’autres cours internationales, la CJUE rappelle encore que les États sont libres de légiférer sur le mariage ou la parentalité. D’autres cours, comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme, ont reconnu que cela relève de d’un droit humain au nom de la non-discrimination", insiste auprès de TÊTU Sébastien Tüller, responsable LGBTI chez Amnesty International.

La Commission européenne interpellée

"La Cour a confirmé ce qui devrait être évident : tous les êtres humains sont égaux et doivent jouir des mêmes droits. La Commission européenne doit maintenant présenter une proposition pour une reconnaissance mutuelle des documents administratifs comme les certificats de naissance, pour entériner cette décision dans une structure législative", a réagi dans un communiqué l'eurodéputée écologiste ouvertement lesbienne Terry Reintke. La Commission a en effet promis en novembre 2020 d'harmoniser les règles afin que les familles homoparentales soient toutes reconnues à échelle de l'Union.

Une action d'autant plus nécessaire qu'"à la lecture de l'arrêt, on ne peut pas vraiment dire quelle en sera la portée en termes de droits civils", commente pour TÊTU Olivier Baillet, chercheur à l'institut Max Planck. "La limite de cette citoyenneté européenne reconnue, c'est qu'elle ne concerne que le droit de séjour et de circulation. Plusieurs domaines ne sont pas concernés par cette décision comme l'autorité parentale, la fiscalité, l'obligation alimentaire...". Bref, il reste du pain sur la planche.

Crédit photo : Torsten Dederichs / Unsplash