Enfin ! Un couple de femmes peut désormais s'engager dans une PMA en France. Mais après des années d'atermoiement rien que pour obtenir cette réforme, les parcours pourraient aujourd'hui être retardés par un manque de réserves dans les banques de sperme.
"Certains centres sont déjà saturés avant la mise en place de la réforme", s'étrangle auprès de TÊTU Catherine Guillemain, la présidente de la fédération française des CECOS, les Centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains, qui gèrent les dons de gamètes et d'embryons. Certes, Olivier Véran a récemment annoncé une rallonge de moyens de huit millions d'euros sur trois ans, dont quatre millions cette année, pour accompagner l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens et aux femmes seules. Mais "il faut que cet argent se transforme en postes supplémentaires dans les centres", insiste Catherine Guillemain. "Nous avons des besoins humains et matériels", confirme à TÊTU Florence Brugnon, cheffe de service à Clermont-Ferrand et présidente des BLEFCO, rassemblant les biologistes des centres d'assistance médicale à la procréation, qui se veut néanmoins rassurante : "Les sommes annoncées semblent suffisantes pour le démarrage mais nous le vérifierons avec du recul et la création d'un comité de pilotage".
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Les délais de la PMA trop longs
Autre manque crucial : les paillettes de sperme. "Actuellement, il faut compter en moyenne un an pour obtenir un don de sperme, c'est-à-dire de six à 18 mois selon les territoires", indique à TÊTU Larissa Meyer, présidente de l'association Réseau fertilité France. Un temps d'attente qui peut sembler incroyablement long, notamment pour celles des femmes concernées dont l'horloge biologique n'a plus tant de marge après les multiples retards législatifs qui ont déjà beaucoup fait reculer l'ouverture en France de la PMA. Là encore, Olivier Véran a répondu, promettant de réduire ce délai à six mois. "Un objectif ambitieux", relève avec diplomatie la présidente de la fédération française des CECOS… Si à ce stade, selon elle, "on peut difficilement évaluer d'impact de la réforme sur le besoin en matière de dons", Catherine Guillemain serait tranquillisée par un doublement du nombre de donneurs, soit quelque 400 volontaires en plus par an.
"On peut facilement trouver les donneurs qui nous manquent en se remontant les manches et en communiquant sur le don", veut croire Alexandre Urwicz, président de l'association de défense des familles homoparentales (ADFH). Pour remonter le niveau de paillettes disponibles, Dominique Boren, coprésident de l'association de parents gays et lesbiens (APGL), voudrait que le don de sperme soit aussi simple que celui de sang, "ou au moins simplifié". Car pour faire partie des quelque 350 à 400 donneurs chaque année, il faut passer par une consultation d'information, une enquête génétique, un entretien avec un psy, une première analyse de la vitalité de la semence et une prise de sang. Au total, comptez environ six mois entre la mise en oeuvre du projet de don et le prélèvement.
Une campagne d'appel au don
Pas très engageant, pour une démarche purement altruiste puisque la loi française interdit de rémunérer le don. Il s'agirait donc de la rendre plus attractive. "Par exemple, on pourrait penser à un dédommagement forfaitaire pour payer l'essence ou encore une journée de congés dédiée au don", propose Dominique Boren. Lorsqu'elle était ministre de la Santé, Agnès Buzyn avait rejeté l'idée : pas question que le don soit ne serait-ce que dédommagé. Depuis, Olivier Véran ne l'a pas contredite.
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Afin de recruter de nouveaux donneurs, une large campagne de communication doit démarrer le 21 octobre, organisée par l'Agence de la biomédecine. Deux millions d'euros ont été provisionné pour appeler les Français au don. Notamment, selon nos informations, les hommes racisés, qui manquent cruellement dans les centres. "Nous travaillons à diversifier le type de nos donneurs, et notamment en intéressant les personnes afro-descendantes", annonce ainsi à TÊTU l'agence de la biomédecine. Une réponse à l'une des revendications des associations de défense des droits des lesbiennes : dans le cadre d'une PMA, on le comprend, une femme racisée peut demander à ce que le donneur partage avec elle sa couleur de peau.
Bref, les garçons, vous l'aurez compris : la PMA pour toutes a besoin de vous pour réellement devenir une réalité en France. Pour effectuer un don de sperme, vous pouvez vous rendre sur cette page.
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