TRIBUNE. La maison de l'Observatoire, lieu emblématique de la militance LGBTQI+ d'Occitanie, est occupée par un collectif de personnes LGBTI en majorité racisées et/ou réfugiées, aujourd'hui menacées d'expulsion. Une pétition est en ligne pour soutenir "l'Obs".
Occupée depuis 2001, la maison de l’Observatoire située au 87/89, rue du dix avril à Toulouse, a servi de lieu de vie et d’activités à de nombreux collectifs associatifs et militants successifs. Les différents savoir-faire accumulés de ces collectifs ont non seulement permis de faire en sorte que cette maison vieille de 150 ans ne tombe pas en décrépitude, mais aussi d’en améliorer bon nombre des aménagements et équipements. Au fil des années, à force de chantiers collectifs et d’engagements associatifs, ce lieu est devenu un espace de référence, servant de centre social entièrement autogéré, accomplissant les missions de relogement, d’accompagnement et d’hébergement d’urgence, et globalement de lieu ressource pour les populations mises à l’écart d’une société individualiste et fortement précarisée.
L'Obs, un lieu sans équivalent
La maison est aujourd’hui occupée par un collectif de personnes LGBTI en majorité racisées et/ou réfugiées. Le lieu est toujours composé d’un espace d’habitation où vivent une dizaine de personnes, de deux espaces d’hébergement d’urgence pouvant accueillir jusqu’à dix personnes, ainsi qu’un espace d’activités diverses telles que des permanences administratives et culturelles, groupes de soutien communautaire, scènes ouvertes, activités sportives ou encore jardin partagé.
Il nous semble important d’insister sur le fait que "l’Obs" n'est pas qu'un simple squat ni un simple lieu d'hébergement, c'est un lieu de vie à part entière, un lieu d'échanges, de rencontres, de créations culturelles et d’auto-support. Il nous a permis de mettre en place un véritable projet social sans lequel beaucoup de personnes seraient aujourd’hui dans des situations d’isolement intolérables. Nos actions de solidarité, de soutien et d’accompagnement des personnes LGBTI sont sans conteste le moteur de notre engagement actuel, quand on sait que les populations marginalisées sont les plus directement impactées par la situation sanitaire de la pandémie. On sait aujourd’hui que ce sont les associations et les acteur.rices militant.es qui ont permis de développer des structures d’accompagnement d’urgence pour les LGBTI les plus à risque, les trans, les migrant.es et les travailleur.euses du sexe. Accompagnement d’hébergement, distribution alimentaire etc. ont été immédiatement mis en place, de manière informelle, complètement autogérée et sans aucun autre soutien financier que les dons. En plus d’être un refuge, la maison de l'Observatoire est un espace d’accueil et de guérison, un tremplin pour beaucoup de personnes, stable malgré sa gestion totalement autonome due à l’absence de soutien institutionnel et financier. C’est un lieu qui malheureusement, ne trouve pas d’autre équivalent institutionnel sur Toulouse.
Nous, habitant.e.s du lieu, les associations obsNco et Clar-T ainsi que les différents collectifs réunis en soutien, appelons donc l’État français, propriétaire du lieu, et particulièrement défaillant quant aux responsabilités qui lui incombent concernant le droit au logement ainsi qu’au respect de la vulnérabilité des personnes LGBTI+, à renoncer, dans un premier temps, à sa demande d’expulsion, et à accéder, dans un second temps, à notre requête de conventionnement.
Une mission d'intérêt public
En effet, les habitant.e.s et participant.e.s à la vie du lieu continueront d’exister en dépit d’une expulsion. Trop souvent à Toulouse, les bâtiments publics expulsés ne sont pas utilisés. À moyen terme, faute de solution équivalente, nous sommes convaincu.e.s que la plus logique des solutions pour assurer la sécurité des habitant.e.s est de rester vivre dans le lieu. Nous tenons à insister sur le fait qu’il s’agit d’un lieu de vie à part entière au sein duquel un véritable projet social et solidaire a été mis en place, qui permet aux personnes LGBTI de se reconstruire, de vivre en sécurité et de s’entraider afin de trouver une place dans la société. Rappelons ici la précarisation massive des personnes déjà marginalisées depuis la pandémie, avec l’arrêt soudain de contrats de travail ou d’emplois non-déclarés, l’isolement forcé des personnes à risque, l’arrêt des études pour énormément d’étudiant.e.s, et la hausse sans équivalent des problèmes de santé mentale chez les adolescents et jeunes adultes, qui poussent plus que jamais à penser des espaces de solidarités communautaires, pas pour faire la fête, mais pour survivre.
Répondant d’une mission d’intérêt publique de manière bénévole depuis plusieurs années, dans un lieu laissé à l’abandon par l’université Paul Sabatier il y a 21 ans, il nous semble plus que pertinent de demander à l’État une forme de reconnaissance de notre action en nous laissant la possibilité, au travers d’une convention, de bénéficier d’un des nombreux bâtiments vides à sa disposition, que ce soit au 87/89 rue du 10 avril, ou ailleurs. Nous avons toujours été en capacité de subvenir aux besoins financiers engendrés par la gestion d’un lieu collectif, qu’il s’agisse de pourvoir les habitant.e.s en nourriture, de payer l’électricité ou encore de répondre rapidement aux besoins de travaux urgents que peuvent parfois nécessiter des lieux laissés à l’abandon depuis plusieurs années. Nous avons en effet mis en place un système de cotisation pour les personnes habitant.e.s et organisons des événements de soutien tels que des scènes ouvertes ou des repas communautaires, qui permettent comme nous l’avons déjà dit, de créer un espace de convivialité et de créativité et de tisser des liens de solidarité entre les différentes personnes LGBTI gravitant autour de l’Observatoire.
>> Les habitantEs ont lancé une pétition "Sauver l'Obs !" sur Change.org.
Les signatures peuvent aussi être recueillies à l'adresse [email protected]