[Interview à retrouver dans le magazine têtu· du printemps] Dans le deuxième opus des Crevettes pailletées, Nicolas Gob joue l'entraîneur de l'équipe gay de water-polo qui reprend du service. l'acteur se confie sur cette aventure et sa position d'allié de la communauté LGBT+.
Interview Franck Finance-Madureira
Photographie Audouin Desforges
En vingt ans, le visage du comédien belge Nicolas Gob nous est devenu familier (on l’a notamment vu dans Un village français et dans L’Arme du crime). Tombé dès ses débuts dans les thématiques LGBTQI+, il est révélé dans Un amour à taire, de Christian Faure, où il joue le frère collabo d’un jeune gay incarné par Jérémie Renier. Il joue ensuite un policier homo dans la série Les Bleus, puis figure au casting de Sa raison d’être – sur les débuts du sida dans le Paris des années 1980… Dans la suite des Crevettes pailletées, il interprète à nouveau l’entraîneur Matthias Le Goff, allié malgré lui qui prouve que l’on n’arrête jamais vraiment d’apprendre.
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- Dès tes débuts comme comédien, on t’a vu dans des films aux thématiques LGBTQI+…
Oui, Un amour à taire, par exemple, parlait de la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fur et à mesure des années, je me suis rendu compte de nombreuses choses essentielles. Quand je reçois des messages de jeunes gamins qui me remercient pour tel ou tel film, qui me disent qu’ils ont enfin pu s’assumer, en parler, cela me touche profondément. L’acceptation de la différence, c’est vraiment un sujet qui me tient à coeur. Je pense toujours à mes enfants, à la manière dont ils pourraient me dire, qu’il s’agisse de mon garçon ou de ma fille, “papa, j’aime les hommes” ou “j’aime les femmes”. Quand je pense que des parents ne l’acceptent pas, que certains disent à leur fils ou à leur fille qu’ils ne sont plus leurs enfants et doivent quitter la maison, j’en ai la gorge serrée. Je suis sûr que, du fait de l’éducation qu’ils ont reçue, les miens oseront m’en parler sans problème. Et si ce jour arrive, je les prendrai dans mes bras et leur dirai que je les aime.
- As-tu hésité à accepter des rôles gays ?
Je ne me suis jamais inquiété de savoir si j’allais être catalogué ou pas. Il s’agissait plutôt d’un chemin personnel d’éveil à ces questions, car ce n’était pas un sujet auquel je pensais beaucoup quand j’avais 18 ans. Je baignais plutôt dans un univers hétéro et machiste. L’époque n’était pas la même, et elle change heureusement ! Ma carrière a choisi pour moi, elle a décidé que je porterais un peu la bannière à ma manière, et je considère comme une chance d’avoir eu à défendre ces rôles-là ! Je n’ai pas de revendications, mais, quand il faut être là, je suis là, et faire une interview pour Têtu, par rapport au film dont je suis ultra-fier, cela a vraiment du sens.
- Et ça fait quoi, en tant qu’hétéro, de pouvoir être désiré par des spectateurs masculins ?
Je ne l’ai jamais mal pris, et ça ne m’a jamais fait peur. Au contraire, je trouve ça génial et très valorisant ! Je ne me suis jamais senti bien dans mon corps, donc j’adore ressentir que je plais, même dans les yeux des hommes. Je ne comprends d’ailleurs pas l’état d’esprit de ceux qui se sentent menacés par rapport à l’homosexualité. Ce n’est pas mon cas, probablement parce que je sais où je me situe. En revanche, je trouve que la sexualité est trop mise en avant dès qu’on aborde une histoire d’amour homosexuelle. Un couple, ce n’est pas que du cul. Une vie amoureuse ne se réduit pas à des pratiques sexuelles.
- Comment as-tu réagi en lisant le scénario de la Revanche ?
J’ai adoré le fait qu’il soit beaucoup plus engagé et, même si je n’aime pas ce mot, plus politique. On passe du rire aux larmes, et des séquences atroces et très dures peuvent vriller en un instant en comédie. Mon personnage, désormais ami avec l’équipe, n’a plus les mêmes réactions épidermiques, même s’il peut être maladroit et dire des conneries.
- Justement, comment as-tu appréhendé ton personnage d’entraîneur ?
Je l’ai tout de suite bien aimé, trouvé intéressant. Le personnage de Matthias Le Goff est plus ignorant qu’homophobe. Il est une porte d’entrée pour ceux qui n’y connaissent rien, un moyen d’entrer dans le sujet même pour les plus rétifs, qui peuvent finalement se dire qu’après tout ce n’est pas très grave et qu’on est tous différents…
De manière générale, l’idée que les personnages ne soient pas des caricatures me plaisait beaucoup. Ils s’inspirent de personnes existantes, et qui sont mille fois plus exubérantes ! Cette aventure a été incroyable. Mais aussi épuisante parce que, mine de rien, ce ne sont pas des films faciles à faire. Cela dit, on a beaucoup ri. Nous sommes devenus une vraie bande, et je pense que cela transpire à l’image.
- Ton parcours sur ces sujets t’a aussi changé en tant qu’homme ?
Énormément ! Les actes homophobes et toutes ces injustices m’émeuvent beaucoup. J’ai énormément appris au fil de ma carrière – durant laquelle je me suis d’ailleurs réalisé en tant qu’homme en m’affranchissant un peu des normes et des clichés –, notamment en discutant avec mes partenaires, et je pense en être sorti grandi et meilleur. S’il fallait revendiquer quelque chose, je dirais que je me positionne en tant qu’allié, car je suis convaincu qu’on ne peut pas aller contre l’acceptation de tous. Aller vers ceux qui ne nous ressemblent pas est un devoir. S’il faut le dire comme ça, alors, oui, je suis un allié.
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