mondeL'ONU garde son défenseur des droits LGBTQI+ malgré l'hostilité de pays musulmans

Par têtu· le 13/07/2022
Victor Madrigal-Borloz

La mission du défenseur des droits des minorités LGBTQI+ auprès des Nations unies était contestée par l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui défend les intérêts des pays musulmans à l'ONU.

"Un résultat important", s'est félicité auprès de l'AFP Victor Madrigal-Borloz, qui occupe le poste depuis 2017. Le défenseur des droits des minorités LGBTQI+ auprès des Nations unies a obtenu de justesse le renouvellement de son mandat, malgré la lutte acharnée d'un groupe de pays musulmans dans toutes les arènes onusiennes. Sa mission, créée en 2016, a été renouvelée la semaine dernière à Genève par le Conseil des droits l'Homme, pour trois ans supplémentaires.

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La protection des droits des minorités sexuelles et de genre fait régulièrement débat à l'ONU, en raison de l'opposition acharnée de certains pays qui remettent en cause l'existence des concepts d'orientation sexuelle et d'identité de genre, pointées comme contraires à leurs valeurs traditionnelles et comme un obstacle à l'universalité des droits humains. Malgré une campagne impliquant "plus de 1.100 organisations" LGBTQI+ de 174 pays et "le soutien politique" de dizaines d'États, selon le défenseur des droits, le renouvellement du poste a dû affronter l'hostilité de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui défend les intérêts des pays musulmans à l'ONU. Un groupe de pays africains et du Golfe, menés par l'Arabie saoudite, le Nigeria et l'Égypte, refusaient en particulier l'utilisation des termes "orientation sexuelle", "transgenre" et "hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes". "Nous ne pouvons soutenir des efforts visant à inventer de nouveaux droits sur la base de préférences sexuelles personnelles", a plaidé au Conseil des droits de l'Homme l'ambassadeur pakistanais Khalil Hashmi, au nom de 56 États qui, sauf l'Albanie, sont tous les membres de l'OCI.

"Le prétexte de valeurs spécifiques"

Réponse de l'ambassadeur français Jérôme Bonnafont : "Trop de pays s'abritent derrière le prétexte de valeurs spécifiques pour conserver des législations discriminatoires". Par 23 voix contre 17 – le Malawi, l'Érythrée et la Chine se joignant à 14 pays musulmans – le Conseil a finalement acté le renouvellement, après avoir écarté plusieurs amendements visant à restreindre sa portée, parfois avec une seule voix d'écart. "La communauté internationale continue de comprendre l'ampleur des violences et de la discrimination envers les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, trans ou de genre divers", a salué Victor Madrigal-Borloz, fustigeant "un positionnement politique très regrettable" des pays opposés à sa mission : "Le discours de ces États (...) constitue un rejet de leurs obligations fondamentales en matière de droits humains internationaux : la protection des peuples sous leur autorité, et de leurs propres ressortissants, contre les violations de droits humains".

La ministre des Affaires étrangères norvégienne Anniken Huitfeldt, dont le pays se remet de l'attaque qui a fait deux morts et 21 blessés près d'un bar gay d'Oslo le 25 juin, a salué sur Twitter "la décision du Conseil des droits de l'Homme de renouveler (cet) important mandat". L'ambassadrice américaine Michèle Taylor, dont les deux enfants s'identifient comme personnes LGBTQI+, a de son côté exprimé son soulagement : "Je m'inquiète tous les jours pour leur sécurité. Mais je dors mieux la nuit en sachant qu'il y a un mandat en place dédié à les protéger de la violence".

In fine, Victor Madrigal-Borloz continuera donc à enchaîner publications de rapports et visites officielles jusqu'à fin 2023, lorsqu'il aura atteint la limite de six ans prévue pour le poste. Mais il souligne que l'environnement dans lequel il travaille reste "volatile"

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Crédit photo : Victor Madrigal-Borloz, capture d'écran ONU