Après une version originale britannique et un remake américain mémorable, la franchise Queer as Folk se voit relancée à travers une nouvelle mouture conçue autant comme un hommage qu'une mise à jour contemporaine.
Tous les reboots qui pullulent sur nos écrans n'ont pas forcément de bonnes raisons d'exister. Mais celui de Queer as Folk, oui. Depuis l'arrêt du premier remake américain en 2005, peu de séries communautaires sont parvenues à se faire une place. On se souvient de la très confidentielle (et lesbienne) Lip Service, qui s'est vue annulée sans préavis en 2012. Deux ans plus tard, la bien plus gay Looking, chez HBO, a également été avortée au terme de deux courtes saisons et un téléfilm. Et… c'est à peu près tout. Même The L Word a été contrainte de renaître de ses cendres en 2019 pour donner de la visibilité au milieu lesbien à la télé. Un retour de Queer as Folk s'imposait donc comme une évidence.
Objectif diversité
"Si je refaisais Queer as Folk aujourd’hui, il faudrait un casting plus inclusif", expliquait Russell T Davies, créateur de la série britannique originelle, auprès de têtu· l'an dernier. Bien qu'il ne soit pas aux commandes de ce reboot – c'est le cinéaste canadien Stephen Dunn qui s'en charge – et officie seulement à la production, ses vœux ont tout de même été exaucés. Dans le Queer as Folk de 2022, dont la diffusion démarre ce dimanche 31 juillet sur Starzplay, les personnages sont noirs, blancs, latinos, cis, trans, valides ou en situation de handicap. En clair, une diversité sans pareille qui change la donne, permettant de valoriser une pluralité de récits.
"Le détail très cool avec cette série, c'est qu'elle est faite pour des personnes queers, par des personnes queers, souligne Fin Argus, qui y interprète Mingus, lycéen non-binaire à l'âme rebelle. On n'est pas là pour apprendre ce qu'est le vécu queer à un public qui n'en aurait jamais entendu parler." Pour preuve, la bande au cœur de la série peut évoquer la culture drag, la PrEP et le fist-fucking au détour d'une seule et même conversation.
Avec ses coucheries enflammées, ses discussions houleuses et ses règlements de comptes pas toujours réglo, ce Queer as Folk troisième du nom est dans la droite lignée du premier remake américain. Mais ce qui étonne, c'est la liberté que les scénaristes offrent à chaque personnage. La liberté d'être imparfait·e, de faire des erreurs, voire d'être par moments problématique. "Tu peux être trans et toxique, ça s'appelle l'intersectionnalité, bitch !", lâche ainsi Ruthie, la fêtarde du groupe campée par Jesse James Keitel, dès le premier épisode.
"J'ai l'impression qu'en tant que personnes marginalisées, on attend toujours de nous qu'on soit parfait·es, détaille CG, qui incarne un·e professeur·e d'université enceint·e de jumeaux. Tu es déjà en bas de l'échelon social donc tu dois faire tout ton possible pour ne pas y rester. Mais ici, rien de tout ça. Ces personnages ont la liberté de faire ce qu'ils ont envie de faire, même si c'est quelque chose de complètement pété. Ils se limitent pas à leurs décisions parfois douteuses."
QAF Toujours pertinent
Douteuse, c'est d'ailleurs comme ça que beaucoup ont qualifié la bande-annonce de ce reboot lorsqu'elle fut mise en ligne en mai dernier. On y apprenait que l'intrigue serait amorcée par une fusillade dans un nightclub, faisant écho au drame du Pulse à Orlando (Floride). Jesse James Keitel garantit cependant que l'équipe de la série a étroitement collaboré avec les victimes qui ont survécu à cette tuerie marquante afin de les respecter au mieux : "Ce n'est pas une série sur une tragédie, c'est une série sur une communauté qui se regroupe et se reconstruit. C'est dans l'esprit de la Nouvelle-Orléans, qui a constamment dû se rebâtir au fil des années. Cette première saison est une lettre d'amour à cette communauté queer, non pas un moyen de capitaliser sur de la souffrance."
Pour l'acteur Johnny Sibilly, qui joue le séduisant mais tourmenté Noah, explorer cette histoire de fusillade tout au long de la saison est d'utilité publique : "Quand on voit des tragédies comme ça dans le monde, on se focalise sur le criminel et il y a tout un débat sur le port d'armes. Mais on n'entend presque jamais les histoires de ceux qui sont morts ou qui ont survécu. Or je trouve que c'est primordial. Plus on mettra en lumière l'humanité des victimes et des personnes survivantes, plus on se mobilisera pour faire cesser ce genre de violence."
Avec ce qu'il faut de justesse et de bienveillance, le nouveau Queer as Folk s'empare de thèmes forts pour la communauté LGBTQI+ qu'elle représente. À l'instar du VIH, comme son aînée, ou encore du chemsex, soit l'usage de drogues dans un contexte sexuel. Pour Johnny Sibilly, il était crucial d'en parler, à l'heure où les adeptes de cette pratique à risques se font de plus en plus nombreux. "J'ai des amis qui sont sobres après des années de galère avec ça, confie-t-il. Pour moi, il était surtout important de ne pas diaboliser les consommateurs car les gens ne réalisent pas à quel point il est facile de tomber dans l'addiction, surtout quand c'est lié au sexe."
Du sexe à gogo
Heureusement, au-delà de ces sujets parfois pesants, Queer as Folk n'oublie de proposer ce qui était l'essence des deux versions précédentes : du sexe. Sous toutes ses formes : cru, beau, bestial, tendre... mais toujours explicite. "Plein de séries comme Euphoria ou Game of Thrones montrent du sexe et de la nudité sans en avoir honte donc c'était évident pour nous de faire la même chose avec du sexe queer", appuie Johnny Sibilly. Montrer du sexe, oui, mais du sexe qui soit excitant : c'est ce qui a notamment plu à Ryan O'Connell, révélé dans la série Special sur Netflix. "Ces scènes intimes ne sont jamais fun à tourner, développe-t-il. Mais ayant été habitué à tourner du sexe plutôt gênant dans Special, j'étais ravi de participer à des scènes de sexe plus intenses qui étaient vraiment conçues pour stimuler." Sur ce point, le travail est plus que fait.
Beaucoup ont eu une réaction épidermique à l'annonce d'un reboot de Queer as Folk. Pourquoi toucher à un pilier de la culture queer ? Cette mouture modernisée répond aisément à la question. "La série est davantage alignée sur ce que traversent les nouvelles générations, soutient Fin Argus, âgé de 23 ans. Je dirais en tout cas que les personnages de la série ressemblent vraiment à ma propre bande de potes. Et si ça reflète aussi bien mon expérience, ce sera sans doute le cas de tant d'autres." Et d'ailleurs, l'existence de ce reboot n'annule pas celle des itérations précédentes : à chacun son Queer as Folk et il n'y aura que des heureux !
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Crédit photos : Starzplay