Abo

discriminationClaire Hédon : "40 ans après la dépénalisation de l'homosexualité, nous nions encore la réalité des discriminations"

Par Nicolas Scheffer le 27/07/2022
1982,discriminations,dépénalisation de l'homosexualité

La Défenseure des droits appelle à la création d'un observatoire des discriminations, qui persistent 40 ans après l'abrogation du délit d'homosexualité.

Il y a 40 ans, ce 27 juillet, l'Assemblée nationale votait en dernière lecture une loi abrogeant le "délit d'homosexualité". La majorité sexuelle était différente selon qu'elle concernait un rapport homosexuel ou hétérosexuel, autorisant la répression d'homosexuels dont 10.000 ont reçu une condamnation judiciaire. Ce climat homophobe n'est pas complètement révolu. Claire Hédon, la Défenseure des droits explique en quoi un observatoire des discriminations est nécessaire. Entretien.

À lire aussi : Pétition : la France doit reconnaître les victimes de sa répression anti-gay

têtu· : Il y a 40 ans, l'homosexualité était dépénalisée, aujourd'hui, les discriminations n'existent plus ?

Claire Hédon : C’est une loi très récente, d'autres pays ont dépénalisé beaucoup plus tôt que nous. Mais une fois que la loi est adoptée, elle ne résout pas tout : 40 ans après, les discriminations restent à un niveau élevé. Elles n’ont bien sûr rien à voir avec les discriminations qui avaient avoir lieu dans les années 1980. Nous avons récemment rendu une décision pour aider un professeur de lycée homosexuel harcelé et outé par une collègue. Le harcèlement commence fréquemment par des moqueries censées être drôles. Il conduit régulièrement à multiplier les arrêts maladie. Dans ce cas, l’encadrement a mis du temps à réagir, mais l’a bien fait en déplaçant la personne harceleuse.

À lire aussi : Avoir eu 20 ans dans les années 1980 : naissance du Marais, saunas, sida…

Nous sommes également souvent saisi pour des refus de logement. Dans une location saisonnière, le logeur a dit à un couple d’homme qu’il souhaitait louer à « un couple sans histoire ». C’est évidemment une discrimination sidérante. Même si le terme fait polémique, il y a une intersection évidente entre les différentes formes de discriminations, c’est une réalité. Par exemple, les personnes non-blanche, ayant une orientation non-hétérosexuelle ou en situation de handicap sont victimes d’un cumul de discrimination.

Comment réduire les discriminations ?

40 ans après la dépénalisation de l'homosexualité, nous nions encore la réalité des discriminations, au motif que l’on a inscrit le mot « égalité » sur les frontons de nos mairies. Les discriminations sont bien réelles, mais elles ne sont pas suffisamment quantifiées.  Nous devons nous doter d’un observatoire des discriminations. Sans les mesurer avec précision, nous ne pouvons pas lutter efficacement contre. Si je constate une hausse de 25% des réclamations auprès du Défenseur des droits, ce serait faux de dire que les discriminations augmentent de cette manière. Cet observatoire doit également évaluer les politiques menées, car c’est très difficile de savoir ce qui fonctionne ou non. 

La communication et l’information sur ce qu’est une discrimination est également primordial car bien souvent, les personnes qui discriminent ne s’en rendent même pas compte. L’école a un rôle primordial à jouer, qu’elle ne remplit pas suffisamment actuellement. La lutte contre les discriminations repose énormément sur les victimes. Mais souvent, pour des raisons qui leur sont propre, elles ne souhaitent pas saisir les tribunaux. Bien souvent, la peur de représailles ou que ça ne sert à rien

Et vous, comment intervenez-vous ?

Déjà, la plateforme antidiscrimination permet de nous saisir très facilement. De nombreuses ont besoin d’entendre qu’elles sont victimes et de quoi précisément. Elles font appel à nos juristes qui caractérise leur situation et c’est très important. Ce n’est pas suffisant. Le Défenseur des droits fait également de la médiation et souvent nous parvenons à obtenir gain de cause. Dans le cadre de nos décisions, nous pouvons également faire un rappel à la loi. Lorsqu’il y a une démarche judiciaire, nous faisons des observations auprès des tribunaux. C’est très efficace puisqu’en 2021, 82% de nos recommandations ont été suivies d’effet.

Si vous êtes victime de discrimination, vous pouvez vous rendre sur la plateforme antidiscriminations pour obtenir un soutien juridique.

Crédit photo : Mathieu Delmestre / DDD