Royaume-UniReine Elizabeth II : mort de la Mamie pour tous

Par Nicolas Scheffer le 09/09/2022
La reine Elizabeth II d'Angleterre l'été d'avant sa mort, le 15 juillet 2022.

L'émotion étreint le monde entier depuis l'annonce ce 8 septembre 2022 de la mort d'Elizabeth II, reine d'Angleterre, tant l'aura de "The Queen" dépasse largement les frontières de sa fonction et du Royaume-Uni. La presse LGBTQI+ anglo-saxonne salue une – toujours discrète – alliée des LGBTQI+.

Sa silhouette seule était reconnaissable entre toutes, à travers la planète, tant la reine Elizabeth II était devenue, au fil de ses 70 ans de règne, en quelque sorte la grand-mère du monde entier, après avoir vaillamment traversé l'histoire déchaînée du XXe siècle. Depuis l'annonce de sa mort, ce jeudi 8 septembre 2022 à l'âge de 96 ans dans sa résidence d'été de Balmoral, en Écosse – comme un dernier legs pour l'unité du Royaume-Uni –, les réactions déferlent dans le monde entier, unanimement attristées et pleines d'affection pour The Queen. Si sa fonction ne lui conférait aucune rôle politique actif et que sa retenue était légendaire, les sept décennies de son règne sont aussi celles d'une époque durant laquelle les sociétés occidentales ont grandement évolué sur les questions LGBTQI+, permettant à nos confrères anglo-saxons de dresser le bilan de Lilibet sur ce plan, certes succinct mais pas sans intérêt.

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Tandis que la BBC tourne en édition spéciale et que le pays se presse devant les grilles de Buckingham Palace à Londres, le bilan du plus long règne de l'histoire britannique tient ainsi chez Pinknews en deux feuillets. Selon le média LGBTQI+ britannique, c'est en 2003, alors qu'elle est déjà âgée de 77 ans, qu'Elizabeth II aborde, lors d'un discours au Parlement, pour la première fois la question de l'orientation sexuelle, afin d'annoncer que le gouvernement mettra en place une réglementation reconnaissant les couples de même sexe à travers un partenariat civil. Dix ans plus tard, lorsque le Royaume-Uni ouvre en 2013 le mariage aux couples homosexuels, elle appose, comme le prévoient ses obligations, le sceau royal à la loi. "Qui aurait cru 62 ans plus tôt, lorsque j'accédais au trône, que je signerais un tel texte ? N'est-ce pas merveilleux", se serait en privé réjouie la reine sans que cette anecdote, comme nombre de celles qui émaillent son règne, puisse être réellement attestée. En 2017, à nouveau devant le Parlement, la souveraine annonce que le gouvernement s'attaquera aux "discriminations des personnes en fonctions de leur origine, de leur religion, de leur genre, handicap ou orientation sexuelle" – c'est alors la première fois qu'elle prononce cette dernière expression.

Elizabeth gracie Alan Turing mais ghoste son cousin gay

Il faut dire que lorsque la jeune Elizabeth arrive au pouvoir en 1952, à l'âge de 25 ans, la police britannique fait encore respecter des lois interdisant la sodomie – la dépénalisation de l'homosexualité ne sera enclenchée qu'à partir de 1967. Ainsi, la castration chimique ou des peines de prison appliquées aux personnes homosexuelles se sont déroulées sous son règne, relève le média américain LGBTQnation. Une histoire qu'Elizabeth II n'oblitérera pas puisqu'en 2013, elle gracie à titre posthume – sur proposition du ministre conservateur de la Justice, Chris Grayling – le scientifique de génie Alan Turing, considéré comme l'un des inventeurs de l'informatique et qui a décrypté des messages codés allemands durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui ne l'empêchera pas de subir une castration – en 1952 – avant de se donner la mort deux ans plus tard, à l'âge de 41 ans.

La famille royale est aussi traversée par les sujets LGBTQI+, en particulier lorsque Lord Ivar Mountbatten, cousin de la reine, fait en 2016 son coming out gay et annonce sa volonté de se marier avec son compagnon, James Coyle – la cérémonie se tient en 2018. C'est la première fois que la famille royale célèbre un mariage homo, mais Elizabeth ne fait pas le déplacement, se souvient Pinknews. À l'autre bout du Commonwealth, en Australie, le Star Observer rappelle que la même année, Ollie Robert, un garde du palais de Buckingham ouvertement gay, démissionnait. Le Sun avait alors rapporté que cet ancien militaire de la Royal Air Force s'était senti "lâché" par le palais qui l'aurait rétrogradé pour avoir attiré l'attention.

Une reine en soutien contre le VIH

Si l'histoire britannique retient le soutien de Lady Di dans la tragédie du sida, Elizabeth a aussi apporté sa contribution à cette lutte. "Son immense soutien pour la bonne cause a marqué son règne. Elle a travaillé pour lutter contre le stigmate lié au VIH et pour soutenir les traitements contre le VIH au Royaume-Uni et dans le reste du Commonwealth", a ainsi souligné Ian Green, directeur exécutif de l'organisation Terrence Higgins Trust, cité par Pinknews. Le militant rappelle que la reine a rendu visite en 1989 à un patient porteur du VIH, puis qu'elle a ouvert en 2007 un centre dédié au VIH en Ouganda (Afrique de l'Est) et qu'elle a rendu visite en 2015 à un mémorial du sida pour "porter un message de compassion".

"Avec le reste de la nation, je suis profondément attristé d'apprendre que Sa Majesté la Reine Elizabeth est décédée. La côtoyer était une source d'inspiration et elle a dirigé notre pays dans les heures les plus grandioses et les plus ténébreuses, avec grâce, décence, et une chaleur humaine bienveillante. La reine Elizabeth a été une part importante de ma vie de mon enfance jusqu'à aujourd'hui et elle me manquera beaucoup", a réagi sur Instagram sir Elton John. Une autre reine, The Vivienne, gagnante de Ru Paul's Drag Race en 2015 au Royaume-Uni, écrit quant à elle : "Reposez en paix, merci pour votre service".

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Crédit photo : Kirsty O'Connor / AFP