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santéSyphilis, chlamydia, gonorrhée… la piste de la doxycycline dans la prévention des IST

Par Laure Dasinieres le 02/11/2022
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Pour prévenir les infections sexuellement transmissibles (IST) de type gonorrhée, chlamydia et syphilis parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes, les scientifiques étudient en ce moment l'efficacité de la prise de doxycycline, un antibiotique antibactérien, en post-exposition. Bientôt en complément de la PrEP qui protège du VIH ?

En cette fin octobre, les participants à l’essai "Doxyvac" de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) ont reçu une lettre leur annonçant la décision des responsables de l’essai de stopper l’étude. L'analyse de ses résultats intermédiaires tendent en effet à montrer l’efficacité d’un vaccin contre le méningocoque B pour réduire le risque d’infection par le gonocoque, et celle de l’utilisation de la doxycycline en post-exposition pour prévenir des infections sexuellement transmissibles (IST). Forte de ces premiers éléments, l'ANRS leur propose de mettre à leur disposition (après validation par les autorités réglementaires et éthiques) la doxycycline ainsi que le vaccin contre le méningocoque B. Il y a là ce qui ressemble à une bonne nouvelle, et on vous explique pourquoi. 

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Démarrée en 2019 et conduite depuis 2021 dans un contexte d’augmentation des IST, cet essai avait pour double but d’évaluer l’efficacité d’un vaccin contre le méningocoque B (Bexero®) pour prévenir les infections à gonocoques, ainsi que l’efficacité en prophylaxie post-exposition de la doxycycline, un antibiotique utilisé pour le traitement de nombreuses infections bactériennes, pour réduire les infections à chlamydiae mais aussi l'apparition de la syphilis et de la gonorrhée. Sur ce deuxième point, l’essai initialement prévu pour durer plus de trois ans avait également pour sous-objectif d’évaluer la résistance aux antibiotiques, en particulier à la doxycycline, de souches de ces IST. 

Dominique Costagliola, épidémiologiste et biostatisticienne directrice de recherche émérite à l’Inserm, commente pour têtu· : "Trouver des solutions pour prévenir les IST est une problématique importante au vu des conséquences qu’elles peuvent avoir sur la qualité de vie ainsi que sur la fertilité. Parmi les moyens de les prévenir, on compte le port du préservatif, les dépistages réguliers chez personnes les plus exposées, la notification des partenaires… La vaccination, jusqu'ici il n'y avait rien, et pour la prise d’antibiotiques en prophylaxie, il est nécessaire qu’elle n’induise pas d’antibiorésistance."

Une deuxième étude sur la doxycycline

Cet été, alors que l’essai de l'ANRS était encore en cours, ont par ailleurs été présentés les résultats d'une autre étude sur le sujet, américaine celle-ci, lors de la Conférence internationale sur le sida, qui a lieu à Montréal, au Canada, où ils ont été salués comme une étape importante. Ceux-ci ont mis en évidence que la prise d'un antibiotique après un rapport sexuel non protégé peut drastiquement réduire le risque de contracter trois maladies sexuellement transmissibles (MST) d'origine bactérienne auprès de personnes à haut risque : les chlamydias, les gonorrhées et la syphilis.

"C'est à la suite à ces résultats américains positifs que nous avons sollicité le comité indépendant de notre essai afin qu’il analyse nos premières données. Il a pu constater une efficacité tant du vaccin Berxsero® contre les infections à gonocoque que de la doxycycline en post-exposition contre les IST sans qu’il y ait d’interaction entre les deux", précise Dominique Costagliola qui ajoute que pour que le comité indépendant puisse tirer de telles conclusions, les données analysées doivent être robustes : "Un des rôles du comité indépendant étant de s’assurer qu’il n’arrive rien de dommageable aux participants, et ne ne pas mettre à disposition des interventions efficaces étant quelque chose de dommageable, il a recommandé de suspendre l’essai." 

L'ANRS précise que le suivi des participants va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2023 afin de s’assurer de l’efficacité sur le moyen terme de ces stratégies de prévention. Les résultats complets de l’étude seront quant à eux présentés lors de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) qui se tiendra du 19 au 22 février 2023 à Seattle (États-Unis). À partir de là, les recommandations nationales et internationales en matière de prévention des IST pourraient évoluer rapidement, élargissant le cas échéant la boîte à outils à notre disposition pour nous protéger et protéger nos partenaires. 

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Crédit photo : Wladimir Bulgar/AFP