Si vous êtes allergique au point médian, ce n'est pas une excuse pour abandonner l'idée d'une écriture plus inclusive. Il existe d’autres options et la bonne nouvelle, c'est que vous les utilisez déjà : il suffit juste de repenser un peu à notre manière d'utiliser la langue !
“C’est moche !”, “C’est lourd !”, “C’est illisible !”, entend-on brailler d'un côté. “Boomer !”, “Mascu !”, “Conservateur !”, rétorque-t-on de l'autre. Dans le débat sur le langage inclusif, tout le monde semble avoir choisi son camp et la discussion a fini par s'embourber. Un élément en particulier cristallise les oppositions : l'utilisation du point médian. Or comme son cousin le point G, beaucoup en parlent mais peu s’en servent…
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Comme le montre une récente étude menée par Google et l’agence de communication Mots-Clés, 58% des internautes se disent contre l’écriture inclusive. Plus précisément, 61% sont défavorables à l’utilisation du point médian (étudiant·es, chirurgien·nes…) et 79% rejettent les néologismes construits en emboîtant le masculin et le féminin - par exemple “toustes”, contraction de “toutes et tous”, ou “lecteurices” pour “lecteurs et lectrices”. Pourtant, une grande majorité (65%) adhère à la féminisation des noms de métier et dit volontiers “madame la première ministre”, “sénatrice” ou “dominatrice”. Une majorité (56%) se montre aussi en faveur du sujet de cet article : les mots non-genrés ou englobants (“la direction” au lieu “des directeurs”, par exemple). Voilà donc peut-être le rameau d’olivier qui restaurera la paix dans le débat. Alicia Birr, formatrice en langage inclusif, fondatrice de Reworlding et co-directrice de l'étude, confirme : “L’écriture inclusive ne se limitant pas au point médian, on peut très bien écrire en inclusif sans jamais l’utiliser”.
Les mots épicènes
Il existe deux types de mots non-genrés : les épicènes et les englobants. “Artiste”, “élève”, “juge”, “journaliste” ou “témoin” sont des mots épicènes : qu’ils soient écrits au masculin ou au féminin, ils ne changent pas de forme. Seul le déterminant (le/la), placé devant, permet de savoir si l’on parle d’un homme ou d’une femme.
Cet outil du langage inclusif a toutefois ses limites. “Si la stratégie est de rendre visibles les femmes, le mot épicène n’est pas la solution car il ne neutralise pas les stéréotypes de genre associé aux mots, explique Alicia Birr. Lorsqu’il s’agit des métiers en particulier, nos représentations ne sont jamais neutres. Par exemple, on associe plutôt 'photographe' à un métier d'homme.” Sans la précision “femme photographe”, l’identité féminine passe donc alors inaperçue.
Les mots englobants
Les mots englobants sont peut-être la crème de la crème, le must de l’inclusivité de la langue. En désignant les gens de façon collective, ils contournent en effet la marque du genre. “Les professeurs” deviennent ainsi “le corps enseignant” et “les auditeurs” sont remplacés par “l’auditoire”. L’autre avantage des mots englobants est d’inclure toutes les identités de genre, y compris les personnes non-binaires qui ne se retrouveraient pas dans la double flexion “les auditeurs et les auditrices”.
Rappelons-nous enfin que tout ce qui est écrit a vocation à être lu ou dit. C’est la raison pour laquelle “je préfère parler de langage inclusif plutôt que d’écriture inclusive, reprend Alicia Birr. C’est aussi pour cela que le débat sur le point médian est stérile : comme on ne peut pas le prononcer, on passe forcément oralement à la double flexion, 'toutes et tous'”. Une remarque qui vaut aussi pour les noms de métier auxquels on aurait simplement ajouté un “e” pour les féminiser, comme “auteure”. “On ne le prononce pas, donc c’est comme s’il n’existait pas. Il vaut mieux dire 'autrice'”, relève Alicia Birr. Cela ne déforme pas le français, au contraire, c’est la règle de construction de français.”
Aux réticences ou difficultés de pratique qu'elle a l'habitude de rencontrer durant ses formations, l'experte a l'habitude de répondre de manière rassurante : “Je considère le langage inclusif comme un ensemble d’outils dont aucun n’est plus important que les autres. Ce qui rend le texte lourd, c’est justement de n’en utiliser qu’un seul. L’idéal est de jouer avec toute cette palette et de s’adapter en fonction du contexte.” Finalement, utiliser le langage inclusif c’est un peu comme alterner les positions sexuelles. Plus on varie, mieux c’est.
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