Loin de la polémique sur le "wokisme", penchons-nous sur l’aspect pratique des choses. Pour qui souhaite vivre avec son temps, et ses adelphes, il est temps d’apprendre à conjuguer avec le pronom personnel iel, récemment entré dans le dictionnaire Robert. Promis, c’est beaucoup plus facile qu'on ne l'imagine !
Que l’on approuve ou non ce nouveau pronom personnel en circulation depuis le début des années 2010 en France, il est là. Et grâce à l’effet Streisand provoqué par la panique réactionnaire lorsque Le Robert a ajouté la définition de "iel" dans son dictionnaire en ligne, il n’est pas prêt de disparaître. La rédaction de TÊTU vous propose de laisser le faux débat derrière nous, en 2021, et d’avancer avec notre temps, en 2022.
Iel : définition
Pour commencer cette mini-leçon de wokisme langagier, reprenons tout d’abord la notion d’écriture "inclusive". Il ne s’agit pas de faire une fleur aux femmes et aux personnes non-binaires (qui ne se reconnaissent pas dans une identité de femme ou d’homme, ndlr) en cessant de les invisibiliser dans un tout-masculin-tout-sauf-neutre… il convient donc de se demander qui "inclut" qui, et au nom de quelle autorité ? Pour une approche moins paternaliste de cette langue dégenrée, on parle plutôt d’écriture épicène (qui a la même forme aux deux genres) ou d’écriture égalitaire.
Venons en maintenant aux faits : iel est le néo-pronom le plus facile à utiliser qui existe en français (eh oui, il y en a plein d’autres : ael, ul, ol, al…), car il est la contraction logique des pronoms féminin et masculin déjà existants, "il" et "elle". Vous pourrez parfois le voir écrit "ielle" ou "yel" mais le principe est le même, un peu comme le fait que l’on puisse à la fois écrire "clé" et "clef" sans rater sa dictée.
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Quand faut-il utiliser le pronom neutre iel ?
Au singulier, le pronom iel peut servir à désigner une personne dont on ne connaît pas le genre ou bien une personne non-binaire dont c’est le pronom : il fonctionne exactement comme le pronom neutre "they" en anglais. Iel va donc de pair avec une terminaison neutre (é•e, é-e, é·e, éE, eur·ice, eur·euse… etc).
Exemples :
- Iel est utilisateur·rice du point médian.
- Iel est relou·e avec son écriture égalitaire…
Si vous ne pouvez pas encore vous résoudre à l’utilisation du point médian, ou un autre outil épicène, rien de plus simple ! Il suffit de remplacer le mot que vous aviez en tête par une tournure naturellement non-genrée.
Exemples :
- Iel est adepte de l’écriture égalitaire.
- Iel m’agace avec son écriture égalitaire…
Au pluriel, "iels"» peut à la fois désigner plusieurs personnes non-binaires mais est surtout utilisé comme un groupe neutre à la place de "ils et elles" : ainsi, on désigne à la fois le masculin, le féminin et le neutre dans un même mot.
Exemples :
- Iels sont nombreux·ses à être venu·e·s pour cette manifestation.
- Iels sont en nombre pour assister à ce concert.
Iel n’est pas seul : parlons du second pronom neutre
Si vous avez déjà vu un badge dédié aux pronoms sur les vêtements de quelqu’un ou que vous les avez lus dans une signature de mail, vous avez dû remarquer que ceux-ci n’étaient pas seuls… Respirez un grand coup, iel s’adapte au fonctionnement préexistant de la langue de Molière ! De la même manière que vous ne diriez pas "je le retrouve chez il", vous n’allez pas dire "je le retrouve chez iel". Contrairement à ce qu’affirmait notre première dame Brigitte macron l’automne dernier, le français n’a pas que deux pronoms car il y a aussi, entre autres, les pronoms toniques. "Je" à son "moi", "il" a son "lui", "elle" reste "elle", et "iel" a son "ellui" !
Exemples :
- Ellui, iel sort danser tous les week-ends.
- Cette babiole m’a fait penser à ellui, alors je la lui ai achetée.
Au pluriel, ellui devient elleux (contraction d’elles et eux) et sert aussi bien à désigner plusieurs personnes non-genrées qu’un groupe mixte composé de femmes, d’hommes et de personnes non-binaires.
Exemples :
- Elleux, vraiment, je les adore !
- Je vais faire un apéro avec elleux.
Le pronom iel, ça donne quoi à l’oral ?
S’il est relativement facile de prendre le pli de dégenrer visiblement le français à l’écrit, à l’oral, ça se gâte, car notre langue est excessivement genrée… Cependant, des solutions existent.
Tout d’abord, certains néologismes neutres passent très bien à l’oral, donc ceux-là, on peut les garder.
Exemples :
- L’auteurice de cette BD va faire une dédicace, je pense y aller.
- J’ai pris rendez-vous chez maon (contraction de mon et ma) coiffeurse demain soir.
Pour installer du neutre dans vos propos à l’oral, il est aussi possible d’alterner terminaisons féminines et masculines. D’ailleurs, certaines personnes non-binaires se genrent de la sorte plutôt qu’avec des accords neutres.
Exemples :
- Iel est aussi intelligente que beau.
- Iels sont vraiment tordantes, mais très fatigants !
Enfin, le moyen le plus facile de dégenrer nos échanges est de recourir le plus souvent possible à des mots qui ne varient pas selon leur genre (vive les épicènes !) ou des périphrases qui évitent d’avoir à genrer vos phrases.
Exemples :
- Iels sont vraiment formidables, je veux passer plus de temps à leurs côtés.
- Iel est une personne fascinante, on ne s’ennuie pas en sa compagnie.
C’est une gymnastique à prendre, mais c’est finalement la manière la moins contraignante de faire rentrer iel, et le neutre qu’il charrie, dans votre vocabulaire.
À lire aussi : Se genrer au neutre à l'oral : chronique d'une galère non-binaire
>> Pour aller plus loin sur l’écriture égalitaire :
Le petit dico de français neutre et inclusif de La Vie en Queer
Le langage inclusif : pourquoi, comment d’Éliane Viennot, éditions iXe
Petit guide pratique de l’écriture inclusive de l’association féministe Les Salopettes
>> Pour aller plus loin sur la transidentité et la non-binarité :
Une histoire de genres de Lexie (@aggressively_Trans sur Instagram)
Le tract « C’est quoi la non-binarité » du Collectif Non-Binaire
Le compte Instagram @payetanonbinarite
L’article "comment parler d’une personne non-binaire" sur WikiTrans
Crédit photo : Green Chameleon / Unsplash
