À l’occasion de la 10ème journée internationale de la non-binarité, ce 14 juillet 2021, TÊTU tient à s’assurer que "non binaire" ne rime plus avec mystère… Alors, laissez vos idées préconçues avec la naphtaline, dans votre vieux placard, et bonne lecture !
Conformément aux identités de genre non-binaires mentionnées dans l’article, nous utilisons ici une écriture dégenrée avec des formules égalitaires, points médians et néologismes neutres.
Le 14 juillet est plus que notre bonne vieille fête nationale, c’est aussi depuis 2012 la journée internationale de la non-binarité. Si « la musique qui marche au pas » n’est pas votre tasse de thé, c’est l’occasion idéale de se pencher sur une notion qui alimente bon nombre de fake news de la part des cis-hétéros et titille également les nerfs de certaines personnes LGBT. Et si le bleu-blanc-rouge est vraiment votre kiff, pas de soucis, la lecture est ouverte - et recommandée - à tous·tes.
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Que veut dire non-binaire ?
La non-binarité est tout simplement le fait de ne pas se reconnaître dans la binarité de genre. C’est ainsi être ni homme ni femme, les deux à la fois, un peu plus l’un que l’autre, ou encore l’un ou l’autre par alternance… « Non-binaire » est donc un terme parapluie qui désigne tout un spectre de possibilités entre les identités strictement féminines et masculines. Sur ce fameux spectre, on retrouve par exemple les personnes genderfluid (de genre fluide), agenre (sans genre), neutrois (de genre neutre), bigenre (expérimentant deux genres différents), pangenre (expérimentant plusieurs à tous les genres existants) et bien d’autres possibilités encore.
Ne se reconnaissant pas dans le genre qui leur a été assigné à la naissance, les personnes non-binaires ne sont donc pas « cisgenres » (quand le genre assigné à la naissance correspond au genre réel de la personne, ndlr), au même titre que les femmes et les hommes trans. Certaines personnes non-binaires choisissent d’aller vers une ou plusieurs formes de transition (sociale, administrative, hormonale, chirurgicale), et d’autres non )- ce qui est également le cas de leurs frères et sœurs trans, qui ne sont pas, rappelons-le, un bloc monolithique. C’est bien pour ça que l’on parle de transidentités au pluriel.
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Qui sont les personnes non-binaires ?
Vous pensez vraiment que nous vous parlons d’un concept farfelu ? Le genre est une construction sociale — et ce n’est pas prouvé que depuis hier. Il va donc falloir vous y faire : la non-binarité existe et il est fort probable que vous connaissiez des personnes enby (prononciation anglaise de l’abréviation « NB » pour « non-binaire » souvent utilisée par les concerné·e·s en France, ndlr), ou que le curriculum vitae de certain·e·s vous soit déjà familier. Ne vous laissez pas tromper par le titre de l’hymne queer Rebel, Rebel, par exemple. Quand David Bowie y chante « Tu perturbes ta mère, Elle ne sait pas si tu es un garçon ou une fille », il n’est pas question que de provoc’ pour l’artiste ouvertement bi et terriblement androgyne (qui pose, entre autres, en robe et chevelure de sirène pour la couverture de son quatrième album studio, Hunky Dory). Si cette rockstar ne s’est jamais prononcée sur son genre comme elle l’a fait sur sa sexualité, et qu’il serait plutôt malvenu de lui apposer une étiquette à titre posthume, elle n’en n’est pas moins une icône pour de nombreuses personnes non-binaires.
D’autres artistes et célébrités, elleux, ont choisi des mots pour leur identité de genre hors de la binarité. Jonathan Van Ness de Queer Eye, Indya Moore de Pose, Sasha Velour, Adore Delano ou encore Bimini Bon-Boulash de Rupaul’s Drag Race US et UK, Janelle Monáe, Amandla Stenberg, Ruby Rose, Nico Tortorella, Demi-Lovato, Sam Smith ou encore Eliott Page, pour ne citer qu’elleux, en sont. Et il y a fort à parier qu’iels seront de plus en plus nombreux·es à faire ce coming out, car chez les simples mortel·le·s et autres anonymes, la non-binarité existe. D’après des études récentes sur la question, 22% des 18-30 ans et 14% des 18-44 ans ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre homme-femme en France !
Non, la non-binarité n'est pas « une nouvelle mode »
Les chiffres cités ci-dessus pourraient laisser penser que la non-binarité serait, en quelque sorte, générationnelle, concernant principalement des personnes assez jeunes. Mais en tirer cette conclusion serait, nous sommes au regret de vous l’apprendre, du même ordre (transphobe) que de dénoncer l’existence d’une prétendue « épidémie de transgenres ». Pourquoi ? Parce que les personnes non-binaires n’ont pas attendu l’arrivée de ce mot pour exister. Dans Une histoire de genres de Lexie, on (re)découvre notamment l’existence des bissus en Indonésie, des mahu à Hawaï et des two-spirits amérindien·ne·s. L’autrice insiste sur le fait qu’en dépit de la difficulté de tracer des correspondances nettes entre nos définitions actuelles de femmes et hommes trans et de personnes non-binaires avec des identités sociales et culturelles anciennes voire éloignées des regards européo-centrés, une chose est sûre… les transidentités sont vieilles de plus de 4 millénaires sur la planète Terre.
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Le terme contemporain « non-binaire » serait en circulation depuis le début des années 2000 et c’est depuis 2012 que la non-binarité est célébrée le 14 juillet, date située entre le 8 mars, journée internationale des droits des femmes et la « Journée internationale de l'homme » (non reconnue par l’ONU). Le drapeau représentant les personnes non-binaires quant à lui, a été officiellement créé en 2013 par Morgan Carpenter, activiste intersexe qui a également inventé le drapeau des personnes intersexuées, la même année. Ses quatre bandes horizontales sont : jaune pour la non-conformité aux genres binaires, blanc pour les personnes investissant plusieurs à tous les genres, violet pour les gens aux genres oscillant entre les pôles féminin et masculin et enfin noir, pour celleux qui ne s'identifient à aucun genre.
Pourquoi tant de tensions autour des identités non-binaires ?
D’après lae militant·e indo-américain·e Alok Vaid Menon, « la non-conformité dans le genre est vue comme quelque chose d’immature, quelque chose dont nous devrions sortir pour devenir adultes ». Une suspicion d’immaturité qui serait d’ailleurs teintée de racisme, puisque de nombreuses cultures indigènes en dehors du monde occidental ont connu des identités de genre non-binaires pendant des milliers d’années. « La plupart des moqueries adressées aux identités situées en dehors de la binarité de genre prennent racine dans une pensée coloniale », nous a expliqué l’auteurice.
Dans une société déjà très violente envers les hommes et les femmes trans, peut-on vraiment attendre moins de transphobie à l’égard de personnes au genre indéfinissable au regard cisgenre ? De la même manière que les représentations grand public des personnes trans tombent régulièrement dans l’écueil d’un prisme misérabiliste, exotisant ou voyeuriste, celles des personnes non-binaires sont en général assez approximatives et rarement prises au sérieux. Dans le Zone Interdite « Ni fille, ni garçon » diffusé en janvier 2021 sur M6, par exemple, la non-binarité a été présentée de manière superficielle, comme un caprice frivole, et les personnes interrogées ont été mégenrées par la production. Des choix éditoriaux qui entretiennent voire attisent la transphobie et l’enbyphobie (forme de transphobie spécifique aux personnes non-binaires ou « enby »).
Visibilité non-binaire
Heureusement, les personnes non-binaires peuvent toujours compter sur elleux-mêmes pour faire avancer leurs combats, en se réappropriant la narration de leurs réalités. Le dessin animé Steven Universe sur Cartoon Network en est un exemple criant : les êtres humains et les aliens minéro-lumineux (les gemmes) que l’on y côtoie semblent évoluer dans une société post-genre. D’ailleurs, dans la dernière saison, on y rencontre un personnage ouvertement non-binaire qui utilise des pronoms neutres, Shep, et dont la voix originelle n’est nulle autre que celle d’Indya Moore, star non binaire de la série Pose ! Il faut dire qu’à la plume et aux crayons, c’est Rebecca Sugar, artiste qui se définit comme « femme non-binaire ».
Toujours dans le monde de l’animation, nous avons Doublia (Double Trouble) dans le remake Netflix de She-Ra. Iel utilise des pronoms neutres sans que cela soit un sujet ou un questionnement pour les autres personnages, et est doublé·e par une personne concernée également, Jacob Tobia. Sans surprise, là-aussi, c’est une personne non-binaire aux manettes : Noelle Stevenson. Et parfois, des productions cisgenres arrivent à écrire des personnages non-binaires réussis : on se régale par exemple de Syd, petit·e ami·e d’Elena, dans la sitcom américaine One Day At A Time.
Et en France ? Si TF1 a fait un pas en avant avec un personnage non-binaire dans son soap "Ici tout commence", nous aurons bientôt la série Pour Exister du duo non-binaire Kelsi Phung et Fabien Corre. Le premier teaser devrait sortir à la fin de l’été — notre impatience de le découvrir est aussi réelle que la non-binarité !
>> Pour en savoir plus sur la non-binarité :
- Une histoire de genres de Lexie aux éditions Marabout (@aggressively_Trans sur Instagram)
- L’article « comment parler d’une personne non-binaire » sur WikiTrans
- La chaîne YouTube Le Bric-à-Brac de Brieuc