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États-UnisEnfant de pornstar, mormon et non-binaire ? Le profil du suspect de Colorado Springs

Par Tessa Lanney le 24/11/2022
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On en sait à présent davantage sur Anderson Lee Aldrich, le suspect arrêté après l'attaque meurtrière qui a fait cinq morts au Club Q, boîte gay de Colorado Springs aux États-Unis, et notamment sur les "valeurs" anti-LGBT de son entourage…

Lorsque surviennent des actes d'une telle cruauté, outre l'effroi, la sidération et le recueillement, une question se pose vite : "Pourquoi ?". Laquelle fait généralement place à : "Qui peut faire une chose pareille ?". Le samedi 19 novembre, cinq personnes ont été tuées et une vingtaine blessées par balles dans une boîte gay de Colorado Springs, dans le centre des États-Unis. Le principal suspect de cette attaque, Anderson Lee Aldrich, 22 ans, a été arrêté dans la foulée. Après sa première audition, il devrait être poursuivi lors d'une audience prévue le 6 décembre pour meurtres et crimes de haine, encourant une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

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Un père homophobe

Dans l’attente de sa prochaine comparution, le profil du suspect se dévoile peu à peu. Son père, Aaron Brink, a été interviewé par la chaîne News 8 et sa réaction, qui trahit une homophobie démentielle, ne devrait pas manquer d'en choquer plus d'un : "Ils m’ont parlé de la fusillade. J’ai découvert qu’il s’agissait d’une boîte gay. J’ai eu peur, je me suis dit ‘Merde, il est gay ?’ mais il ne l’est pas. Ouf !"

Pourtant, quelques mois avant la fusillade, l’orientation sexuelle de son enfant était loin de le préoccuper… puisqu’il le pensait mort – comme il l'a récemment assuré auprès d’un journal local de San Diego – après que son ex-femme, la mère d’Anderson Lee Aldrich, Laura Voepel, le lui a juré. C'était sans compter un appel téléphonique inattendu du principal suspect dégénérant en dispute, au cours de laquelle Anderson Lee Aldrich aurait menacé de le tuer. Aaron Brink a par ailleurs confié au New York Times avoir inculqué des "valeurs" conservatrices et républicaines à son enfant, et fait part de sa "ferme désapprobation à l’encontre des homosexuels" qui, selon lui, ne sont pas présents "dans l’Église mormone" à laquelle il se rattache.

Un discours qui se traduit également dans les positions politiques du grand père maternel d’Aldrich, Randy Voepel, membre de l’Assemblée de Californie. Ce dernier s’était aligné sur le mouvement contestataire du Tea Party, un mouvement blanc, à dominante masculine auquel est affilliée une dimension raciste, comme le rapporte le Los Angeles Times. Il avait été critiqué pour des commentaires rapprochant l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump mécontents des résultats des élections le 6 janvier dernier aux batailles de Lexington et Concord qui ont marqué le début de la guerre d’indépendance.

L'enfance chaotique d'Anderson Lee Aldrich

Né sous le nom de Nicholas Brink en 2000, Anderson Lee Aldrich a deux ans lorsque ses parents se séparent. Sa mère, Laura Voepel, obtient sa garde complète, et Nicholas et son père, alors acteur porno et champion de MMA, vont peu à peu perdre contact. En 2016, Anderson déposera même une demande afin de changer de nom. D’après l’agence Associated Press, la demande a été faite dans le but de protéger son avenir "de tout lien avec son père biologique et de ses antécédents criminels", son géniteur ayant été arrêté plusieurs fois en Californie pour détention de drogue et infractions au code de la route.

Un an avant cette décision, l’ado aurait été victime de harcèlement en ligne, révèle le Washington Post. Ses camarades auraient créé une page internet avec des photos d'Anderson sous lesquelles se seraient accumulées insultes, moqueries sur son surpoids et insinuations sur certaines de ses activités potentiellement illégales. Ses harceleurs auraient également tourné en dérision une photo publiée par sa grand-mère qui avait mis en place une collecte de fonds pour lui permettre de participer à un voyage au Japon avec ses camarades de classe. Ces commentaires s’étalent sur une période de cinq mois.

Le Los Angeles Times ajoute que la mère d'Anderson Lee Aldrich a posté en février dernier un message sur un groupe Facebook réservé aux femmes de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours afin de trouver un "thérapeute en traumatologie" pour un "jeune de 21 ans", précisément l’âge d'Anderson. Trois mois plus tard, elle cherchait un entraîneur de boxe, détaillant que cette personne avait "fait d’énormes changements dans sa vie et en avait besoin".

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Laura Voepel a également eu quelques démêlés avec la justice. En 2009, elle a été condamnée pour avoir fait une fausse déclaration à la police. L’année précédente, elle avait en effet signalé une intrusion à son domicile, et la police l'avait retrouvée allongée sur son lit, pieds et mains liés. Le lendemain, elle avouait avoir été sous l’emprise de stupéfiants et avoir déployé cette mise en scène parce qu’elle était "seule et voulait de l’attention", relate CNN, qui se réfère à un rapport policier obtenu par la chaîne. En 2010, le tribunal du comté de Riverside, en Californie, lui a imposé une prise en charge de sa santé mentale.

Une identité de genre en question

Avant la tragédie, Anderson Lee Aldrich n’était lui-même pas inconnu des services de police. En juin 2021, sa mère l’a accusé de l’avoir menacée avec "une bombe artisanale et plusieurs armes", d’après le bureau du shérif du comté d’El Paso. Anderson est alors arrêté dans un quartier de la banlieue de Colorado Springs, où il vit avec sa grand-mère. Aucun explosif n’a cependant été retrouvé. La Colorado Springs Gazette affirme qu'aucune accusation formelle n’a finalement été portée à son encontre et que cette affaire a été classée.

Enfin, si Anderson Lee Aldrich ne s’est pas encore exprimé depuis l'attaque du Club Q, ses deux avocats commis d’office ont déclaré que leur client s’identifiait comme non-binaire et utilisait donc les pronoms neutres "they/them", équivalents du "iel" français. Réalité ou stratégie de défense ? Kristen Browde, avocate et présidente de la National Trans Bar Association, dont la mission principale est de soutenir les personnes trans dans la profession juridique et d'accroître l'accès de la communauté trans à des services juridiques, a réagi à cette annonce dans le Los Angeles Times, soulignant que quelle que soit l’identité de genre d'Anderson Lee Aldrich, "l’appartenance à une minorité n’empêche en rien la possibilité que le crime commis par l’individu soit motivé par la haine". Le journal a également donné la parole à Leslie Bowman, la logeuse de sa mère, qui met en doute cette révélation : "Je ne l’ai jamais connu que comme utilisant les pronoms 'il/lui'. Laura ne l’a jamais appelé autrement que 'mon fils'", soutient-elle.

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Crédit photo : News 8