De centre-droit et gay, Leo Varadkar dirige pour la deuxième fois une Irlande qui a dépénalisé l'homosexualité il y a bientôt trente ans.
Un Premier ministre atypique dans un pays particulièrement conservateur. Ce samedi 17 décembre, en Irlande, Leo Varadkar, âgé de 43 ans, a été nommé à la tête du gouvernement à l'issue d'un changement dans la coalition de centre-droit à laquelle il appartient. C'est la deuxième fois que ce médecin de profession arrive au pouvoir, l'ayant déjà exercé de 2017 à 2020.
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Né en 1979 d'un père médecin originaire de Bombay et d'une mère irlandaise, Leo Varadkar a grandi avec ses deux sœurs aînées à Dublin dans une Irlande "monoculturelle, très catholique et blanche", comme il le confiait en janvier 2021 dans une interview au Irish Sun. Malgré son capital culturel, il témoigne avoir été regardé comme un étranger durant sa jeunesse : "J'étais le type avec la peau foncée et un nom rigolo. Quand bien même je n'ai pas été victime de violence raciste, lorsque vous êtes non-blanc, vous êtes considéré comme un autre".
Le coming out tardif de Leo Varadkar
À quelques mois d'un référendum sur le mariage pour tous, en 2015, alors qu'il est ministre de la Santé, un proche collègue lui confie, parlant des homosexuels, qu'il faut être généreux avec "ces gens-là". Une remarque que Leo Varadkar a jugée méprisante et qui a poussé le futur Premier ministre à faire son coming out : "Je ne pouvais absolument pas faire campagne pour le mariage en disant 'eux, les autres, ceux-là'", a-t-il expliqué. Alors que son père était "totalement à l'aise" avec sa décision de rendre publique cette part de son identité, sa mère, quant à elle, était "terrifiée" à l'idée que son fils puisse subir des violences, ou que cela signe la fin de sa carrière politique. Rappelons que l'Irlande, où le catholicisme reste influent, n'a dépénalisé l'homosexualité qu'en 1993.
Le coming out de Leo Varadkar est considéré comme un moment important de la politique irlandaise. Il devient ensuite le dirigeant du Fine Gael, parti de centre-droit, puis le plus jeune Premier ministre de l'histoire irlandaise en 2017, à seulement 38 ans, après avoir occupé divers postes ministériels : aux transports, au tourisme, à la santé et à la protection sociale. Une consécration pour ce grand homme (1m93, rapporte Libération) qui s'est engagé dans la vie politique à 25 ans en briguant son premier poste de conseiller municipal.
Pour le mariage mais contre l'adoption des homos
Mais comme nombre d'entre nous, Leo Varadkar a mis du temps à s'accepter. "Pendant un temps, j'ai pensé que mon homosexualité passerait, que c'était une phase... ou alors pensé que que je pourrais la faire disparaître en ayant une copine ou en me mariant avec une femme, en fondant une famille", racontait-il au Irish Sun. Ajoutant : "Avant mon coming out, je pense que je jugeais davantage les autres personnes, sûrement porté par une approche conservatrice. Je me disais : 'si je dois combattre ma véritable orientation, pourquoi les autres n'en feraient-il pas autant ?'"
Malgré son coming out, Leo Varadkar reste un militant mesuré. En 2015, alors qu'il défend le mariage pour tous, il refuse l'adoption pour les couples homosexuels au nom du "droit de l'enfant d'avoir une mère et un père". Il a également été longtemps hostile à l'IVG, mais déclare avoir changé d'avis en 2018, "en écoutant les femmes qui [l]’entourent, [s]es sœurs et [s]a mère, en écoutant [s]es amis et [s]es collègues de parti". Et c'est finalement sous son mandat que l'IVG a été autorisé en Irlande.
L'homme politique, qui entame à présent son deuxième mandat de Premier ministre, a donc évolué sur de nombreux sujets de société et participe régulièrement aux marches des Fiertés. En 2019, il a même permis à son conjoint, le cardiologue Matthew Barret, peu présent dans sa vie publique, de l'accompagner pour un voyage aux États-Unis, où le couple a rencontré le conservateur anti-gay Mike Pence. Sous le regard du vice-président américain d'alors, Leo Varadkar a déclaré : "J'ai vécu dans un pays où, si j'étais moi-même, je n'aurais pas été en conformité avec la loi. Mais aujourd'hui, tout a changé. Je me tiens ici, en tant que leader de mon pays, en tant qu'humain jugé pour mes actions politiques et non en raison de mon orientation sexuelle, ma couleur de peau, mon genre ou mes croyances religieuses."
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Crédit photo : Instagram @leovaradkar