Un jeune garçon trans de 12 ans pensait passer de bonnes vacances à la neige avec d'autres jeunes de la ville de Puteaux (Hauts-de-Seine). Malheureusement, la transphobie réitérée dans l'organisation de la colonie est venue gâcher son séjour.
"Jusqu'à présent sa transidentité n'avait jamais été un sujet, les réactions étaient anecdotiques. Tout allait bien, et ça peut continuer si on ne laisse pas passer ce genre de comportement…" Sixtine, la mère de Léo (prénoms modifiés par souci d'anonymat), 12 ans, n'en revient pas du séjour à la montagne qu'a passé son fils durant les vacances d'hiver, organisé par la municipalité de sa ville, Puteaux dans les Hauts-de-Seine. La ville et l'entreprise prestataire qui organisaient ce voyage ont en effet nié l'identité de genre du jeune garçon.
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"C'est un séjour qui est organisé chaque année pour les jeunes, c'est un peu la tradition, reprend la mère de famille. Mais aujourd'hui je me demande si je peux laisser Léo partir à celui de cet été. Je ne veux pas lui faire subir cela à nouveau." Bien que Léo ait fait modifier son prénom à l'état civil il y a plus d'un an, le service enfance-jeunesse de la mairie de Puteaux, dirigée depuis 2004 par Joëlle Ceccaldi-Raynaud (droite LR) et l'entreprise prestataire du voyage (Vels) ont refusé d'en tenir compte. Résultat : Léo a subi un outing forcé devant les autres enfants, avant d'être forcé à dormir dans les dortoirs des filles.
"Léo est revenu abîmé de ce séjour. Il n'a pas voulu aller à l'école, il est effondré... Il va falloir du temps pour qu'il remonte la pente", témoigne la maman, d'autant plus étonnée par ce qu'il s'est passé que l'an dernier, alors que son fils n'avait pas encore reçu ses documents d'identité à jour avant le séjour à la neige, l'équipe d'animation avait réagi tout à fait autrement : "En évoquant la situation avec les animateurs le jour du départ, ils avaient spontanément proposé de le changer de chambre pour lui permettre de dormir avec les garçons."
Outing forcé du garçon trans
Cette année, changement de pied : "Lors de la réunion de présentation, je suis allée voir le responsable du séjour pour lui expliquer que mon fils est transgenre. Et là ça a dérapé. Il m'a répondu que pour lui 'les pénis vont avec les pénis', rapporte Sixtine. Comme beaucoup, il ne connaissait pas le sujet." Ce n'est que le début d'une bataille entre la famille et les services chargés de l'organisation du séjour. "Léo et moi avons accepté que la mairie et l'entreprise Vels dépassent les lignes rouges plusieurs fois en demandant des justificatifs, etc., reconnaît la maman. Je ne voulais pas priver mon fils de ce qui fait l'enfance."
La famille accepte donc même de fournir un certificat attestant le genre de Léo, fourni par l'hôpital qui le suit depuis le début de sa transition. "J'espérais régler rapidement la situation", explique la mère, qui fournit également, pour appuyer sa demande, une consultation juridique sur l'accueil des mineurs trans. Pourtant, la mairie de Puteaux revient vers Sixtine, et indique être "dans l'obligation de positionner [Léo] dans un dortoir de filles", assurant que c'est la loi (c'est faux). À dix jours du départ, la mairie recontacte Sixtine et lui propose finalement de permettre à Léo de partager sa chambre avec ses copains, mais pour cela, demande que les parents des enfants en question acceptent la situation par mail. Deux familles s'exécutent, et acceptent que Léo soit aves ses copains, mais alors le service municipal se rétracte. "C'est terrible parce que ça a redonné espoir à Léo", regrette Sixtine, indignée de crt outing forcée : "On ne sait jamais comment les gens peuvent réagir, et ça donne l'impression qu'il faut absolument les prévenir, comme si mon fils était contagieux…"
Le jour du départ, Sixtine apporte à nouveau des éléments d'information et explique la situation aux animateurs, mais c'est une nouvelle douche froide. L'équipe d'encadrement répète les mêmes arguments que la mairie en se protégeant derrière la loi. Mais ce n'est pas fini. Une fois dans le train, les animateurs procèdent à la répartition des chambres, et exposent la situation de Léo devant tous les enfants présents. "Les animateurs ont outé Léo devant ses camarades. Le reste de la semaine, il a fait face à des questions et des remarques, ils ne comprenaient pas et lui se sentait exclu", décrit la mère de famille.
OUTrans dénonce la transphobie
Outre l'attitude déplorable des organisateurs du séjour, l'association d'auto-support OUTrans, qui soutient Léo et sa mère, souligne la lecture biaisée de la loi sur lesquels ils se sont appuyés. Le Code de l'action sociale et des familles, qui régit l'organisation des séjours jeunesse, indique bien que "les accueils avec hébergement doivent être organisés de façon à permettre aux filles et aux garçons âgés de plus de six ans de dormir dans des lieux séparés". Mais il ne tient aucun compte de la question trans, comme de nombreux autres textes, ainsi que l'a relevé récemment un rapport du gouvernement sur les crimes de haine anti-LGBT.
"Le texte évoqué par la mairie emploie les termes 'garçons' et 'filles'. C'est imprécis et ça permet à certaines personnes d'en faire une lecture réduite basée sur le respect du sexe, et non du genre", regrette Anaïs, coprésidente d'OUTrans, qui observe : "Cette lecture réduite de la loi est assez systématique quand il s'agit de personnes trans". Pourtant, des textes existent sur l'accueil des jeunes trans. Dans une circulaire publiée en 2021, le ministère de l'Éducation nationale précise ainsi que l'identité de genre d'un mineur doit être respectée. Le texte prévoit en particulier d'autoriser l'élève à "utiliser les toilettes et vestiaires conformes à son identité de genre" et "à occuper une chambre dans une partie de l'internat conforme à son identité de genre". OUTrans milite pour la création de fiches pratiques sur l'accueil général des mineurs trans, la formation des organisateurs et agents travaillant dans le domaine de l'accueil collectif de mineurs, et la modification des lois imprécises pour clarifier les choses.
De son côté, la famille de Léo est bien décidée à ne pas en rester là. Sixtine a d'ores et déjà saisi son avocat et annonce vouloir engager prochainement des poursuites pénales à l'encontre de la mairie de Puteaux et de l'entreprise Vels. Un recours administratif pour excès de pouvoir a également été déposé auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et une pétition sur change.org a été lancée pour alerter sur cette situation, intitulée "Colonies de vacances : contre la transphobie & pour le respect des droits des enfants". Contactées, ni la mairie de Puteaux ni l'entreprise Vels n'ont répondu à nos sollicitations.
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