Après avoir été couronnée Miss Trans France en 2021, la chanteuse réunionnaise Louïz continue de rayonner comme ambassadrice en mettant en avant les vécus trans. Elle dévoile ce 17 mai un nouveau titre engagé, "Toz".
Ce 17 mai, à l'occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie, et la biphobie, la chanteuse Louïz donne de la voix. En collaboration avec son co-auteur Olkan Elijah et les beatmakers Toffy & Lowbo, l'artiste de La Réunion dévoile "Toz", un nouveau titre plus revendicateur que d'habitude. "Toz" est une interjection argotique issue de l’arabe, qui peut se décliner en geste comme l'a montré La Zarra à l'Eurovision 2023, et traduit un mécontentement, un refus ou une forme d'agacement, comme un "va te faire foutre" en somme. Car ce que Louïz chante aujourd’hui, c'est l’hypocrisie des relations secrètes que peuvent subir les femmes trans, quand elles ne sont aux yeux de leur partenaire qu'un fantasme inavoué, impossible à assumer, voire une simple expérience sexuelle. Comme toujours, l'ex-Miss Trans France de 39 ans, qui est au cœur du documentaire Louïz, de l’Évolution à la Révolution diffusé sur MyCanal, parvient à faire passer ses messages avec bienveillance. Rencontre.
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Comment est né ce titre, "Toz" ?
Je constate que beaucoup de femmes trans acceptent de vivre des relations secrètes parce que ce sont les seules possibilités pour elles de vibrer pour quelqu’un, et de se sentir désirées en tant que femmes. Mais ces relations finissent souvent par devenir toxiques, stigmatisantes, et cultivent le sentiment profond de ne pas être digne, socialement fréquentable…
C’est compliqué de trouver l’amour quand on est une femme trans ?
Parfois, des mecs me demandent pourquoi je suis célibataire alors que j’ai l’air d’avoir une vie épanouissante et d’être une fille intéressante. Et je leur réponds assez clairement que je pense que mon célibat est dû au fait d'être trans. Et d'ailleurs, quand ils l’apprennent, alors que visiblement je leur plaisais, tout s'écroule, et en un instant s’installe une gêne. C’est dur de se dire que ce qu'on est ne suffit jamais.
"Souvent, je me dis qu’être malheureuse en amour est le prix à payer pour ma vie de femme."
Comment tu expliques ce phénomène ?
Déjà, je pense qu’ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils peuvent faire quand ils n’envisagent avec nous qu’une relation entre quatre murs, et nous traitent comme des fantasmes inavouables, à cacher au regard des autres. Ce sont des comportements lâches et hypocrites. Souvent, je me dis qu’être malheureuse en amour est le prix à payer pour ma vie de femme.
Quel message souhaites-tu faire passer aujourd’hui ?
Ce que je dénonce avec cette chanson, c’est avant tout la transphobie ordinaire. Ce sont des situations que beaucoup de mes amies et moi avons vécues, mais qui je pense reste encore taboues en dehors de nos cercles. J’avais envie de dire à quel point cette transphobie fait mal et nous empêche de nous imaginer être aimées à notre juste valeur. De mon côté j’ai de la chance, car je pense être assez forte maintenant pour prendre du recul, mais je sais aussi que cela peut énormément blesser la confiance et l’estime de certaines femmes.
Qu'est-ce que tu souhaites dire justement à ces femmes ?
Avec ce titre, je veux inviter mes sœurs trans à prendre le pouvoir et à dire “non” à ce type de situation. Et je veux aussi adresser par la même occasion un message à tous ces hommes qui ne mesurent pas l’impact psychologique que peuvent induire leurs agissements.
Est-ce que tu regrettes aujourd'hui que ton parcours t'identifie comme une figure de la communauté trans ?
Pas du tout. Petite, je n’avais pas de modèle pour grandir et me guider dans ma transition, alors je suis heureuse d’avoir ce rôle aujourd’hui. Même si cette visibilité peut parfois faire mal, je ne regrette pas d'être qui je suis. Avant, je pouvais le cacher, mais aujourd’hui ça me va qu’on me reconnaisse comme une figure engagée, et qu’à travers ma musique je puisse faire passer des messages qui, j'espère, aident les gens.
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Crédit photo : capture du clip de "Toz"