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livre"Tumeur ou Tutu", le récit introspectif lesbien de la rentrée

Par Tessa Lanney le 22/09/2023
"Tumeur ou Tutu", de Léna Ghar

[Article à retrouver dans le têtu· de l'automne ou sur abonnement] Dans son premier roman, Tumeur ou Tutu (Éditions Verticales), Léna Ghar se lance à la poursuite du mot juste, pour combler le vide intérieur qui la ronge, et que la douceur même d’une femme ne saurait combler.

"Ce qui n’est pas dicible en un seul mot me paraît au mieux un manque de rigueur, le plus souvent suspect. Les phrases sont réductibles aussi simplement que les fractions en maths.” Tout comme l’héroïne de son premier roman, Tumeur ou tutu, publié aux éditions Verticales, Léna Ghar cherche la formulation exacte, ne laisse aucune place à l’approximation. Cet esprit logique se traduit jusque dans sa plume, puisque l’autrice explore avec ingéniosité les labyrinthes qui parcourent l’esprit de sa protagoniste – qu’elle ne prend pas la peine de nommer – à coups de démonstrations mathématiques, d’introspections et d’inventivité du langage. Léna Ghar est férue de jeux de mots et de mots-valises qui traduisent avec justesse son interprétation du monde.

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Celle qui ne se désigne que par la première personne du singulier nous est présentée dès l’âge de 3 ans. Comment se construit la personnalité ? Quels mots, quels gestes contribuent à façonner la glaise d’un individu ? Le lecteur est invité, à travers les événements fondateurs de la vie de “Je”, à reconstituer les pièces du puzzle de sa psyché. Le récit, chronologique, nous emmène tantôt à travers ses yeux d’enfant, dont la perception repose sur ce qu’elle entend, tantôt dans ses découvertes du monde extérieur et la création de son propre microcosme.

Équations et sexe lesbien

Dans cet univers bâti sur de nombreux néologismes les personnages, privés de noms, ne sont désignés que par la façon dont la narratrice les perçoit. Grandoux, le grand frère tendre, Petit Prince, le cadet, forcément le plus choyé, Météore, qui arrive dans la vie de notre protagoniste comme une comète prête à l’embraser.

"Je" met en exergue les non-sens des adultes tout en nous faisant assister à la genèse de ses névroses. En grandissant, elle n’aura de cesse de vouloir mettre le doigt sur le vide qu’elle ressent, la bête maligne qui lui perfore le crâne et la tient à l’écart de l’ensemble du genre humain. Si la rigueur est de mise, elle n’exclut en rien l’humanité dans ce qu’elle a de plus sensuel. Et si les équations vous ont refroidi, les scènes de sexe lesbien sauront assurément vous réchauffer. Un langage cru dont les images sans équivoque titillent souvenirs et fantasmes. Entre délicatesse, poésie, fusion et instinct primaire, Léna Ghar transmet l’intensité et le lâcher-prise d’une maniaque du contrôle dans un dérapage savamment contrôlé.

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