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cinéma"Mon identité n'a jamais été un tabou" : rencontre avec Jaiyah Saelua, héroïne du film "Une équipe de rêve"

Par Tessa Lanney le 20/12/2023
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Jaiyah Saelua est la première joueuse trans de football à avoir participé aux matchs de qualification de la Coupe du monde masculine. Son histoire est à découvrir dans Une équipe de rêve, sorti au cinéma ce 20 décembre. Nous avons rencontré l'athlète.

En disgrâce, un entraîneur de foot macho est envoyé s'occuper d'une équipe de bras cassés dont la défaite contre l'Australie sur un 31-0 est entrée dans l'histoire. Alors que personne ne misait sur l'équipe des Samoa américaines de football, celle-ci a réussi à se hisser jusqu'aux matchs de qualification de la Coupe du monde 2014 de la FIFA. Jusqu'ici, le synopsis d'Une équipe de rêve (Next Goal Wins en VO), qui sort au cinéma ce mercredi 20 décembre, est un classique des films de sport. À deux exceptions près : le film de Taika Waititi est tiré d'une histoire vraie, et met en lumière Jaiyah Saelua, la première joueuse transgenre à avoir disputé la compétition à la tête d'une équipe nationale masculine.

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Ce qui ressort d'Une équipe de rêve, c'est le sens de la communauté, l'esprit de camaraderie et la fierté de l'identité samoane. Tout comme Kaimana, l'actrice qui l'incarne (cf. photo de couverture), Jaiyah Saelua s'identifie non seulement comme une femme trans mais aussi comme "fa'afafine", soit une personne aux deux esprits dont le genre oscille entre le masculin et le féminin. Un troisième genre célébré par la culture polynésienne, que l'on retrouve également en Polynésie française (les "rae-rae"). "Nous sommes respecté·es et élevé·es de telle façon que nous nous sentons aussi intégré·es que n’importe qui au sein de la société, de la communauté, explique à têtu· Jaiyah Saelua. On sait qu’en grandissant, on pourra faire ce que bon nous semble sans qu'aucune limite ne nous soit imposée." Un état d'esprit qui l'a menée jusqu'au plus haut niveau de l'équipe nationale puisque la défenseure centrale en est devenue la capitaine en 2019. "Lorsque les personnes LGBTQI+ ont des espaces où ils peuvent se sentir à l’aise et puissants, ça se répercute forcément de manière positive sur la communauté", observe l'athlète.

"Une équipe de rêve"
20th Century Studios

"Un pas en avant, cinq en arrière"

Lorsqu'elle découvre le foot à l'âge de 11 ans, Jaiyah rejoint une équipe mixte. "Ma première impression a été celle d’un sport accessible à tous et à toutes", se remémore-t-elle. Une image restée intacte chez elle puisqu'elle a toujours été habituée à rencontrer dans sa région natale des joueuses fa'afafine, que ce soit dans les Îles Cook, les îles Tonga ou encore aux Fiji. "Les athlètes les plus talentueux représentent le pays, le club, la communauté. L’identité de genre et l’orientation sexuelle n’entrent pas en compte, souligne Jaiyah. Mon identité n'a jamais été un tabou, évoluer au sein d'une équipe masculine n'a jamais été un problème non plus." Elle a toutefois conscience que son vécu est différent de celui des femmes trans qui ont grandi dans un environnement hostile où la transition n'est pas vue d'un bon oeil.

À l'heure où est débattue la place des femmes trans dans les compétitions sportives officielles, l'athlète se désole, après avoir pourtant constaté des progrès ces dernières années : "Un pas en avant, cinq en arrière", résume-t-elle. "On m'a déjà complimentée parce que je jouais avec et contre des hommes, mais je ne le prends pas vraiment comme un compliment", confie-t-elle. Et de déplorer : "Ma situation est unique et j’ai peur que mon existence, mon expérience de femme trans qui performe dans une catégorie masculine, soit instrumentalisée contre les femmes trans qui se battent pour concourir dans des catégories féminines. Je suis à la fois détestée des personnes transphobes et utilisée comme un argument pour leur transphobie." Consciente qu'elle ne peut satisfaire tout le monde, elle conclut : "La seule chose que je puisse faire est de rester fidèle à moi-même en espérant inspirer tous ceux qui se reconnaîtront en moi à poursuivre leurs rêves."

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>> [Video] La bande-annonce du film :

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Crédit photo de couverture : Kate Green