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terrorismeCarcassonne : le récit du premier attentat djihadiste homophobe en France

Par têtu· avec AFP le 24/01/2024
Sept accusés sont jugés pour les attentats de Trèbes et Carcassonne en mars 2018.

Au procès de sept proches de Radouane Lakdim, l'auteur des attentats du 23 mars 2018 qui ont fait quatre morts à Carcassonne et à Trèbes, la cour d'assises spéciale de Paris a entendu le terrible récit du début de cette journée meurtrière, quand le terroriste se réclamant de l'État islamique s'est rendu sur un lieu connu de cruising gay pour tirer en pleine tête sur deux hommes, dont l'un a miraculeusement survécu.

Ce mercredi 24 janvier, au troisième jour du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne (Occitanie) du 23 mars 2018, la cour d'assises spéciale de Paris est revenue sur le début de l'itinéraire meurtrier de Radouane Lakdim, abattu par le GIGN après avoir fait quatre morts. Nous vous en parlions lundi : la mémoire collective avait quelque peu oublié qu'avant de s'en prendre à des policiers dans la rue, puis d'assassiner le gendarme Arnaud Beltrame au Super U de Trèbes, le terroriste avait commencé sa journée par un crime homophobe. "C'était la première fois que la communauté homosexuelle était touchée par un attentat djihadiste en France", souligne l'Agence France-Presse (AFP) dans son compte-rendu de la journée, rappelant que la communauté LGBTQI+ faisait partie des cibles désignées par l'organisation État islamique (EI), dont se revendiqua Radouane Lakdim.

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À la barre, ses proches le confirment : Radouane Lakdim, 25 ans, "détestait" les homosexuels. Or, à une dizaine de minutes de la cité de Carcassonne où il habitait, se trouvait un parking connu pour être un lieu de cruising gay, non loin de l'école de sa petite sœur. C'est après avoir déposé cette dernière, ce 23 mars 2018, qu'il s'y était rendu. De là, décrit devant la cour le capitaine de police chargé à l'époque de l'enquête, il y a "un sentier, qui s'enfonce dans le sous-bois, (…) à l'abri des regards. (…) [Renato Gomes de Sousa, 26 ans], fumait une cigarette en attendant. (…) Il a vu un individu de petite taille, avec une barbe et vêtu de sombre s'approcher de lui."

"Il a mis une heure et demie pour faire 50 mètres"

Radouane Lakdim "lui a demandé pourquoi il était là, il répond « je fume ma cigarette »", rapporte encore le policier devant la cour. Au même moment, Renato Gomes de Sousa voit s'approcher un autre homme. Puis, plus rien. Quand il se réveille, il aperçoit un corps à terre : Jean-Michel Mazières, un viticulteur à la retraite de 61 ans, a été tué d'une balle dans la tempe. Lui aussi touché à la tête, Renato Gomes de Sousa a le réflexe d'appeler sa mère, qui, au milieu des propos confus, parvient à comprendre que son fils a été blessé par balle, mais pas beaucoup plus. Il a miraculeusement eu la vie sauve – il doit témoigner devant la cour vendredi.

Dans la salle d'audience, le président fait projeter les photos de la scène de crime où l'on voit, sur l'herbe, un verre de lunettes de soleil perforé d'une balle. La suite est terrible : le jeune homme a perdu plusieurs fois connaissance, mais il est parvenu à ramper jusqu'au parking – selon le policier, "il a mis une heure et demie pour faire 50 mètres". Un voisin appelle alors les secours. L'assaillant est reparti en lui volant sa voiture : sur la route, il tire sur des CRS faisant leur footing, en blessant un grièvement, puis poursuit son périple meurtrier vers le supermarché Super U de la ville voisine de Trèbes, où il tue encore deux personnes d'une balle dans la tête. Il prend ensuite en otage Julie L., une employée de 39 ans, avant que le colonel Arnaud Beltrame propose héroïquement au terroriste de la remplacer. 

Sept accusés – une femme et six hommes âgés de 24 à 35 ans, tous des proches de Lakdim – sont jugés depuis lundi par la cour d'assises spéciale. Aucun ne l'est pour "complicité" : cinq le sont pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", deux autres pour des délits connexes. Le procès est prévu jusqu'au 23 février.

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Crédit photo : Benoit Peyrucq / AFP