livreAbdellah Taïa reçoit le prix Décembre pour son roman "Le Bastion des larmes"

Par têtu· le 31/10/2024
Abdellah Taïa

L'écrivain marocain Abdellah Taïa est justement primé pour son roman Le Bastion des larmes, l'un des succès critiques de la rentrée littéraire, qui explore notamment la violence et l'hypocrisie de la société marocaine vis-à-vis de l'homosexualité.

Joli chemin pour Le Bastion des larmes (Julliard). Le nouveau roman d'Abdellah Taïa, dont nous vous parlons dans le têtu· de l'automne actuellement en kiosques (voir ci-dessous), s'est vu remettre ce mercredi 30 octobre le prix littéraire Décembre. Il a été préféré par le jury à Ann d'Angleterre, de Julia Deck, et au roman d'Aurélien Bellanger, Les Derniers Jours du Parti socialiste.

Premier écrivain marocain à avoir dit son homosexualité, en 2006, Abdellah Taïa avait remporté le prix de Flore en 2010 pour Le Jour du roi. En novembre, à la Foire de Brive, en Corrèze, il doit recevoir le prix de la Langue française pour l'ensemble de son œuvre.

L'homosexualité au Maroc

À 51 ans, Abdellah Taïa revient dans Le Bastion des larmes sur sa terre natale, Salé, près de Rabat, pour évoquer les discriminations subies par les homosexuels au Maroc, en particulier les violences infligées aux enfants, mais aussi des personnages féminins très libres inspirés de ses huit sœurs aînées. Après avoir figuré dans les premières sélections du Goncourt et du Grand Prix du roman de l'Académie française, le roman reste en lice pour le Médicis.

En 2023, le prix Décembre avait été attribué à un autre auteur queer, Kevin Lambert, pour son roman Que notre joie demeure qui avait également reçu le prix Médicis. 

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Retour à Salé pour Abdellah Taïa, qui avait fait de sa ville natale bordant l’océan Atlantique le cadre de L’Armée du salut (2006), son roman partiellement autobiographique sur l’éveil d’un adolescent gay au Maroc.

Ici le narrateur, Youssef, exilé à Paris depuis vingt-cinq ans, doit revenir sur les lieux de son enfance pour liquider l’héritage de sa mère décédée. Un moment forcément bouleversant dans la vie d’un homme, qui l’amène à replonger dans sa terrible jeunesse de petit pédé dans une société qui ne fait pas de place aux «folasses» si ce n’est plus bas que terre, jusqu’au sein de leurs propres familles : «Où le mettre ? Où le cacher ? Ah ça, oui oui, il faut le cacher.»

Connu pour être l’un des premiers écrivains arabes à avoir publiquement revendiqué son homosexualité, Abdellah Taïa pousse un cran plus loin sa dénonciation d’une culture hypocrite qui rejette violemment ses homos – «Toute ta vie est un crime, Youssef. Tu es gay, non ?» – tout en fermant les yeux quand ceux-ci sont puissants, et dont le virilisme homophobe s’accommode fort bien du viol des jeunes garçons efféminés – «Nous sommes au Maroc. Ici, les enfants appartiennent à tout le monde.»

Peut-on pardonner cela ? Le faut-il d’ailleurs ? Le temps punira-t-il tout seul les assassins de notre enfance ? Le Bastion des larmes fait partie de la première sélection du jury du prix Goncourt 2024.

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Crédit photo : Abderrahim Annag El Khair

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