À La Nouvelle Seine, à Paris, la comédienne Diane Prost raconte La folle et inconvenante histoire des femmes. Un seule en scène drôle et engagé qui donne une nouvelle fois envie de crier : bravo les lesbiennes !
Tout commence par une phrase projetée : "Ce n'est pas parce qu'on ne parle pas des choses qu'elles n'existent pas." Diane Prost apparaît alors sur le plateau pour s'adresser directement à sa grand-mère défunte. La comédienne trentenaire l'a toujours "admirée", mais n'a jamais osé lui dire qu'elle était lesbienne. L'aïeule lui a légué un livre d'histoire, et le spectacle La folle et inconvenante histoire des femmes se construit comme une réponse, plongeant dans le passé à la recherche des femmes – notamment lesbiennes – dont la vie a été invisibilisée, et que la comédienne seule en scène remet en lumière en les incarnant. "Je voulais parler de la condition des femmes à travers les siècles, notamment pour combler les lacunes de mes cours au lycée", explique-t-elle.
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Si elle campe certaines figures historiques ayant réellement existé, Diane Prost en invente également pour pallier les manques de l'histoire. "Il n'y a quasiment que les hommes qui ont raconté ce que les femmes ont vécu au fil des siècles. Et c'est souvent mal retranscrit", reprend-elle, pleine d'énergie et d’enthousiasme à la fin d'une représentation. Elle prend l'exemple de Sappho, poétesse grecque lesbienne de l'Antiquité : "Lorsqu'ils copiaient ses textes, les hommes ont parfois changé le genre de la personne à qui elle s'adressait ou effacé complètement l'aspect romantique et érotique." Sur le plateau sont évoquées pêle-mêle une femme préhistorique nommée PayPal ("parce qu'à l'époque, les femmes étaient à la fois un symbole de paix et une monnaie d'échange"), la peintre Rosa Bonheur, l'artiste Joséphine Baker ou encore Olympe de Gouges, rédactrice en 1791 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Le projet de ce spectacle “un peu fort, militant", Diane Prost le porte en elle depuis des années sans trop savoir la direction qu'il allait prendre. "Quand j'étais au Cours Florent il y a plus de dix ans, j'ai joué les Femen pour une carte blanche de dix minutes : on s'était mises seins nus sur le plateau en se tenant la main avec des slogans peints sur le corps, AC/DC et des pétards en fond sonore. Il y avait aussi un drap avec écrit dessus 'Nos désirs font désordre', slogan du Mouvement de libération des femmes (MLF) des années 1970. J'avais trop kiffé. Ma prof aussi ; elle m'avait dit de poursuivre cette idée. Mais il m'a fallu des années pour qu'elle mûrisse."
En 2017, au milieu de sa vingtaine, après avoir créé avec Charlotte Lefèvre la websérie Les Goudous, Diane Prost se lance dans cette Folle et inconvenante histoire des femmes. Elle la veut grand public, mais pèche d'abord par excès de sérieux. "Pendant la phase de recherches, ça a été dur de me confronter à ces réalités. Parfois je finissais en pleurs ! Surtout que j'ai commencé à travailler le spectacle en pleine explosion MeToo." Submergée par tout ce qu'ont subi les femmes au fil des siècles et heurtée par la violence des écrits des hommes, elle appelle l'autrice Laura Léoni afin de l'aider à y voir plus clair. "Au début je ne rigolais pas du tout, se rappelle Diane Prost. Laura a amené l'humour."
Rire de la brutalité
Sur scène, le résultat est très drôle, et la comédienne rit de la brutalité, de l'incongruité ou encore de l'absurdité de telle ou telle situation. "Quand quelqu'un est dur, il y a un risque de blocage du côté de celui ou celle qui reçoit le message. Avec l'humour, les gens lâchent davantage prise, sont plus dans l'écoute… Même s'il faut bien sûr, dans toute cause, des personnes fortes qui amènent ce côté vénère. Mais ce n'est pas ma manière de procéder." La mise en scène de Laetitia Gonzalbes va dans ce sens, à l'image de ce costume unique, sorte de déguisement d'enfant bricolé avec deux-trois bouts de tissu, qui prend différentes formes selon le personnage incarné.
Avec ce solo, qu'elle a déjà joué plus de 200 fois depuis sa première en 2020 juste avant le confinement, Diane Prost est restée au plus près de son vécu et de ses questionnements. Elle évoque, toujours avec humour, le coming out compliqué et douloureux qu'elle a fait en plusieurs temps auprès de ses parents. "Tout ce que je raconte est vrai... enfin presque !" Car l'axe central de l'aventure, ce dialogue à une voix avec sa grand-mère qui finira par un retournement de situation très émouvant, a été inventé par l'autrice. "C'est un spectacle militant et drôle. Un spectacle d'espoir aussi, qui ne finit pas sur du négatif mais qui dit qu'on est toustes ensemble, et qu'ensemble on peut faire bouger les choses, éveiller les consciences."
>> La Folle Et Inconvenante Histoire des femmes de Laura Léoni, sur une idée originale de Diane Prost. Le dimanche à 19h à La Nouvelle Seine (Paris 5e) jusqu'au 29 décembre (prolongation envisagée). Tournée en mars dans le sud de la France.
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Crédit photo d'illustration : Magye d'art