Silouane, 33 ans, séronégatif, a rencontré en 2018 Julien, qui vit avec le VIH. Aujourd'hui, ils sont mariés et pères de deux fils conçus par GPA. À travers son témoignage, le jeune homme illustre que le VIH n’est un frein ni à la vie d'un couple sérodifférent, ni à la fondation d’une famille. En partenariat avec Sexosafe.
- Comment vous êtes-vous rencontrés avec Julien ?
C’était en amont des Gay Games 2018 à Paris. Lui était compétiteur en danse de salon same-sex et moi en natation. Je faisais aussi partie de l’équipe qui s’occupait des tenues, et nous nous sommes rencontrés lors des essayages. Un vrai coup de foudre ! J’ai eu son numéro par des amis interposés, et nous avons commencé à échanger par textos.
- Quand et comment t'a-t-il dit qu’il vivait avec le VIH ?
Le sujet est venu très rapidement, dès le lendemain de cette première rencontre. Il m’a envoyé un message pour me dire qu’il était séropositif et que sa charge virale était indétectable. Je l’ai remercié, car je sais que ce n’est pas pas quelque chose de facile à dire et qu’il prenait le risque que je ne veuille pas aller plus loin.
- Étais-tu bien informé à ce moment-là sur la notion "Indétectable = intransmissible" ?
Avant de rencontrer Julien, j’ai eu la chance de consulter un médecin au 190 [centre de santé sexuelle à Paris, ndlr]. Celui-ci m’avait bien expliqué la notion de TaSP [pour "Treatment as prevention"], c’est-à-dire que le traitement d’une personne séropositive au VIH agit également comme un outil de prévention puisqu’il rend sa charge virale indétectable et donc intransmissible.
À la suite de ça, lorsque je préparais le concours pour l’école des cadres de santé, mon mémoire portait sur l’information des personnels para-médicaux concernant la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Je m’étais en effet rendu compte que leurs connaissances en la matière étaient souvent très limitées. Je faisais même un peu d’éducation à mes collègues ! Bref, je savais déjà que je ne prenais aucun risque avec Julien.
- Comment votre histoire a-t-elle évolué ?
Il sortait d’une histoire pas simple, et moi je n’avais jamais été très heureux en amour. Alors au début, nous avons pris les choses à la cool, je me disais "on voit si on peut faire un bout de chemin ensemble et si ça dure une semaine, ça dure une semaine". En fait, nous nous voyions un jour sur deux et nous ne nous sommes jamais lâchés ! Nous nous sommes pacsés en 2019 et mariés civilement en 2020.
- À quel moment s’est posée la question de la paternité ?
Très tôt ! Dès le deuxième rendez-vous, il m’a dit qu’il avait un désir viscéral de paternité et que, seul ou en couple, il comptait avoir un enfant l’année suivante. Ça a eu le mérite de poser tout de suite les choses ! Il se trouve que quelques mois auparavant, j’avais eu un crush pour un homme qui était déjà en pleine procédure de GPA aux États-Unis, j’avais donc déjà pu m’interroger sur mon propre désir d’enfant. Une réflexion que j’ai pu approfondir avec Julien, de manière finalement assez rapide puisque Paul est né en 2021 et Louis en 2023, aux État-Unis.
- Il y a encore quelques années, devenir père quand on est gay et que l’on vit avec le VIH semblait impossible…
En effet quand on réalise que l’on est gay, même si c’est un peu moins vrai maintenant, on se dit que l’on ne va pas avoir d’enfant, ou alors difficilement. Alors quand Julien a appris sa séropositivité, il a pensé que c’était tout simplement terminé. Pourtant il est tout à fait possible de concevoir un enfant par GPA lorsque l’on vit avec le VIH. Pour pousser jusqu’au bout le principe de précaution, il existe un protocole appelé SPAR qui permet de "nettoyer" le liquide séminal et garantir l’absence totale de virus dans le matériel génétique.
- Vous avez choisi de documenter votre expérience à travers un compte Instagram, @devenir.papas…
Oui, même si nous ne voulons pas trop exposer notre famille, nous pensons que c’est important de parler à la fois de la parentalité LGBTQI+ et du fait que l’on peut être parents et sérodifférents.
- Quelle place occupe désormais le VIH dans votre vie de couple ?
Ce n'est vraiment pas un sujet du tout, ça ne l'a jamais été en réalité. Bien sûr, il y a des matins où je demande à Julien s’il a pensé à prendre ses médicaments, d’autres où je lui rappelle qu’il faut prendre rendez-vous pour renouveler son ordonnance… Mais ce serait pareil s’il avait du diabète, c’est une maladie chronique avec un traitement à prendre tous les jours et des contrôles à faire de temps en temps. Aujourd’hui, les personnes qui vivent avec le VIH, qui ont accès aux traitements et qui y répondent bien ont une espérance de vie égale à celle des personnes séronégatives. Et, disons-le une bonne fois pour toutes, leur(s) partenaire(s) ne risque(nt) rien !
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