Rencontre avec Christophe Paou (L'Inconnu du lac) et Roxane Mesquida (Kaboom) qui se retrouvent dans Fotogenico, le premier long-métrage de Marcia Romano et Benoît Sabatier, une ode à la jeunesse queer marseillaise.
Un père paumé, une ville bouillonnante, une jeunesse queer et rock'n'roll… Fotogenico, c'est un peu Kaboom qui rencontre L'Inconnu du lac ! Le premier film de Marcia Romano et Benoît Sabatier réunit Christophe Paou, révélé en tueur sexy chez Alain Guiraudie, et Roxane Mesquida, qui est passée par les plateaux de Catherine Breillat et de Gregg Araki (Kaboom mais aussi la série Now Apocalypse). Dans ce film qui brosse un portrait queer de Marseille, il est Raoul, un père paumé après le décès de sa fille ; elle est Lala, une roller girl mystérieuse…
À lire aussi : "J'ai envie d'amener le regard ailleurs" : Alexis Langlois pour "Les Reines du drame"
- Que pouvez-vous dire de vos personnages dans Fotogenico ?
Christophe Paou : Raoul est un cinquantenaire au chômage qui vit à Rouen et s'est fait plaquer par sa femme. Sa fille, qu'il pas vue depuis un an et demi, décède subitement. Et alors qu'il sombre, il va réussir à se prendre en main en se rendant à Marseille où elle habitait, et en embrassant sa vie. J'ai aimé le côté très théâtral du scénario, son côté polar aussi, et surtout l'aspect tragi-comique du personnage.
Roxane Mesquida : À mon avis, Lala représente une facette de la personnalité de la fille de Raoul et c'est pourquoi il va se mettre en tête de la sauver. Je suis d'accord sur le fait que ce soit très théâtral, notamment parce qu'il y a énormément de texte. Cela me faisait aussi penser à Gregg Araki : il y a une certaine gravité, une obsession pour la fin du monde, l'apocalypse, et en même temps l'ambiance du film peut être hyper gaie et donner envie de faire la fête ! Ce que je préfère dans mon personnage, c'est lorsqu'elle se met à chanter. Il y avait tant de choses à créer.
- Il y a aussi un troisième personnage, c'est Marseille…
Roxane Mesquida : Ah oui, moi je n'ai jamais vu Marseille comme ça !
Christophe Paou : Je ne connaissais pas vraiment cette ville. J'y étais passé quelques fois, j'avais déjà joué là-bas.… Ce qui est très beau dans le film, c'est qu'en effet le lieu devient un personnage à part entière. Et c'est vrai que quand tu te balades à Marseille, il y a un vrai truc. Moi, ce qui m'a frappé, c'est cette jeunesse très genderfluid, aux codes complètement différents des miens par exemple. Cela a forcément nourri le personnage et c'était très chouette. Malgré tout son personnage cliché de mâle cinquantenaire hétéro, Raoul se laisse traverser oar tout ça… Il a envie d'expérimenter, notamment pour comprendre ce que vivait sa fille.
- Tu parlais de Gregg Araki. Ta vie a changé après Kaboom ?
Roxane Mesquida : Quand il m'a proposé de jouer dans Kaboom, je suis partie avec mes deux valises et mon chat à Los Angeles et j'y suis quand même restée treize ans ! Dernièrement, il m'a écrit un rôle dans son nouveau film, I Want Your Sex, qu'il a tourné en octobre avec Olivia Wilde et Cooper Hoffman, le fils de Philip Seymour Hoffman. Je n'arrive pas à croire que quelqu'un que j'aime autant, avec qui je suis amie depuis 15 ans, m'écrive ces rôles… Gregg Araki m'a permis de rencontrer plein de monde et de me faire une petite place dans cet univers du cinéma d'auteur américain.
- Et toi, Christophe, on te connait surtout pour L'Iconnu du lac, d'Alain Guiraudie. Tu te souviens de cette période ?
Christophe Paou : Ce qu'on a vécu à Cannes avec ce film, c'était magique, comme le tourbillon qui s'est mis en route après, en très peu de jours. Ça parle d'une plage gay, mais surtout du désir. Dans les gens qui étaient touchés, il y avait des LGBT mais pas seulement. Je me souviens d'une vieille dame, peut-être qu'elle était homo, je n'en sais rien, mais en tout cas c'était la caricature de la mamie. Elle avait 75 ans, et dans son regard, dans la façon dont elle me parlait, je sentais que le film avait allumé un désir en elle. Il y avait un truc presque indécent, mais à la fois très malicieux… Même quand on raconte une histoires avec des minorités, il y a cette universalité. Alain Guiraudie voulait marquer le coup par rapport à la représentation de l'homosexualité. Mais en même temps, ce n'est pas forcément militant. Il parle de sa vie, de ce qu'il connait sans rien masquer et c'est ça qui est beau.
Crédit photo : Envie de tempête