politiqueMarine Le Pen condamnée : d'Orbán à Poutine, les grands démocrates se mobilisent

Par têtu· avec AFP le 31/03/2025
Marine Le Pen a été condamnée pour détournement de fonds publics.

Condamnée pour détournement de fonds publics, Marine Le Pen a écopé d'une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate, qui compromet sérieusement sa candidature à l'élection présidentielle de 2027. Immédiatement, de Viktor Orbán au porte-parole de Vladimir Poutine, l'internationale réactionnaire s'est prise d'amour pour les valeurs démocratiques afin de soutenir la cheffe de file de l'extrême droite française.

"Je suis Marine !" Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, était manifestement dans les starting-blocks ce lundi 31 mars, prêt à dégainer son tweet de soutien (en français dans le texte) à Marine Le Pen seulement quelques minutes après l'annonce de la peine infligée par le tribunal correctionnel de Paris à la cheffe de file du Rassemblement national (RN) dans l'affaire des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour le parti. Avec huit autres eurodéputés de sa formation entre 2004 et 2016, la figure de proue de l'extrême droite française a été reconnue coupable de détournement de fonds publics pour un préjudice total estimé par le tribunal à 2,9 millions d'euros. Dans ce cadre, Marine le Pen a été condamnée à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans ferme aménagés sous bracelet électronique (ce qui signifie qu'elle n'ira pas en prison), et surtout à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate.

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Derrière Viktor Orbán, c'est tout le ban et l'arrière-ban du lobby réactionnaire international qui lui a rapidement manifesté son soutien. Moscou y est ainsi allé de sa petite musique, avec le sens consommé de la provocation qui caractérise le régime de Vladimir Poutine. "Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires intérieures de la France, nous ne l'avons jamais fait", a d'abord assuré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov (malgré les multiples campagnes de désinformation dont la France accuse la Russie), avant de compléter par cette remarque : "De plus en plus de capitales européennes empruntent la voie de la violation des normes démocratiques."

Trump, Musk, Bolsonaro, Salvini…

Aux États-Unis, Elon Musk, le bras droit (levé) de Donald Trump, ne dit pas autre chose dans un post publié sur son réseau social : "Quant la gauche radicale ne peut pas gager par le vote démocratique, elle abuse du système juridique pour emprisonner ses opposants." Et de prédire dans un autre message : "Il y aura un retour de bâton, comme avec les attaques juridiques contre le président Trump." Ce dernier a un peu plus tardé pour pondre un texte de soutien tout aussi complotiste se terminant par ces mots en majuscules : "LIBÉREZ MARINE LE PEN !"

En Amérique du Sud, l'ex-président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro, lui-même condamné à une peine d'inéligibilité, a abondé sur le même thème, fournissant une version en français (à peu près) de son message : "J’espère et je soutiens que Madame Le Pen surmonte cette persécution et puisse concourir lors des prochaines élections présidentielles."

En Italie, Matteo Salvini, chef de la Ligue (extrême droite) et vice-Premier ministre de Giorgia Meloni, s'est également fendu de son tweet en français en soutien à son "amie" : "Ceux qui craignent le jugement des électeurs cherchent souvent à se rassurer par celui des tribunaux. À Paris, ils ont condamné Marine Le Pen et aimeraient l’écarter de la vie politique. (…) Ce qui se passe contre Marine Le Pen est une déclaration de guerre de la part de Bruxelles, à un moment où les pulsions belliqueuses de Von der Leyen et Macron sont terrifiantes. Nous ne nous laissons pas intimider, nous ne nous arrêtons pas : en avant toute, mon amie !"

Marine Le Pen a aussi reçu le soutien du leader de l'extrême droite néerlandaise, Geert Wilders, qui, en anglais sur X, s'est dit "choqué par le verdict extrêmement sévère" : "Je la soutiens et je crois en elle à 100% et je suis persuadé qu'elle gagnera en appel et qu'elle deviendra présidente de la France." Comme le Fidesz de Viktor Orbán et la Ligue de Matteo Salvini, son parti est un allié du RN au Parlement européen, au sein du groupe Patriotes pour l'Europe, présidé par Jordan Bardella. De même que le parti espagnol Vox dont le leader, Santiago Abascal, a tweeté, au-dessus d'une photo de Marine Le Pen agrémentée du hashtag "#JeSoutiensMarine" : "Ils n'arriveront pas à faire taire la voix du peuple français."

Bardella, Ciotti, Zemmour…

Jordan Bardella, aujourd'hui à la tête du RN et qui pourrait donc devenir son candidat pour l'élection présidentielle de 2027, avait aussi pu préparer sa réaction, qui a tenu en une phrase sur X : "Aujourd'hui, ce n'est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c'est la démocratie française qui est exécutée." Allié de l'an dernier, l'ancien Républicain Éric Ciotti a fait mine de s'interroger sur X : "La France est-elle encore une démocratie ?" Avant de dénoncer, dans un autre tweet, "une cabale judiciaire indigne" et de déclarer : "J'adresse à Marine Le Pen tout mon soutien et lui témoigne mon amitié et ma confiance." Même son de cloche du côté d'Éric Zemmour, qui a tweeté : "Ce n'est pas aux juges de décider pour qui doit voter le peuple. Quels que soient nos désaccords, Marine Le Pen est légitime pour se présenter devant le suffrage."

Marine Le Pen peut encore bien évidemment faire appel de sa condamnation. Mais le tribunal a prononcé une exécution provisoire de sa peine complémentaire d'inéligibilité de cinq ans, c'est-à-dire que celle-ci prend effet même en cas d'appel. "Il s'agit de veiller à ce que les élus comme tous les justiciables ne bénéficient pas d'un régime de faveur", a déclaré la présidente du tribunal au cours du long exposé des motifs de sa décision. Le cas échéant, au vu des délais habituels d'audiencement, un procès en appel pourrait se tenir dans au moins un an, avec de nouveau trois mois avant le rendu d'une nouvelle décision, soit juste avant la présidentielle de 2027. En théorie, Marine Le Pen pourrait donc encore avoir une chance de s'y présenter, mais encore faut-il que le procès se tienne dans ces délais contraints et que sa peine d'inéligibilité y soit annulée. En cas de condamnation en appel, reste ensuite l'étape du pourvoi en cassation.

[Mises à jour 1er et 4 avril : ajout des réactions de Jair Bolsonaro et de Donald Trump]

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Crédit photo : Carine Schmitt / Hans Lucas via AFP

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